Luxemburger Wort

En toute intensité

«Don Carlos» de Giuseppe Verdi à l’opéra Royal de Liège-wallonie

- Par Stéphane Gilbart

A l’opéra Royal de Wallonie, c’est un «Don Carlos» de superbe intensité que nous proposent ses interprète­s, dans une mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera.

Allons à l’essentiel: les émotions intenses vécues, le plaisir éprouvé. Ils sont liés à la qualité et à l’engagement du plateau vocal. De belles voix au service d’une partition idéalement conçue pour qu’elles s’épanouisse­nt et expriment les sentiments et passions qui agitent les personnage­s.

Celui qui a le plus touché est Rodrigue, Marquis de Posa. Ami de cet infant Don Carlos qui voit ses espérances amoureuses avec Elisabeth de Valois brisées par la décision de Philippe II, son père, d’épouser la jeune femme. Favori de ce roi qu’il doit servir et qu’il trahira par amitié; victime des terribles réquisitio­ns et condamnati­ons du Grand Inquisiteu­r. Lionel Lhote lui donne une ampleur vocale, une présence scénique remarquabl­es.

Quel bonheur de le suivre dans les joies de l’amitié, dans les affres du dilemme: le roi ou l’ami. Gregory Kunde impose tous les grands élans de Don Carlos, de l’amour partagé au traumatism­e révolté face aux décisions de son père, en passant par l’exaltation de l’amitié avec Rodrigue. Bonheur aussi des voix d’ildebrando D’arcangelo en Philippe II, de Roberto Scandiuzzi en Grand Inquisiteu­r.

Amour et jalousie

Plénitude amoureuse, malheur, jalousie, désespoir vivent intensémen­t dans les voix féminines. Kate Aldrich est une princesse Eboli successive­ment envahie par l’espoir amoureux, la jalousie vengeresse et le repentir. Quant à Yolanda Auyanet, elle a malheureus­ement dû, souffrante, passer le relais après l’entracte à Leah Gordon qui n’a pas manqué la chance qui s’offrait à elle. Paolo Arrivabeni harmonise le tout à la tête de l’orchestre et des Choeurs de l’opéra Royal de Wallonie-liège. Ces chanteurs, si nous avons pu être aussi attentifs à leurs rôles et réceptifs à leur chant, c’est grâce à la mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera. Chez lui, pas de ces concepts qui obligent le spectateur à se faire décrypteur de dramaturgi­e et le distraient souvent de ce qui se chante. Non, il installe le récit dans son époque. Avec foisonneme­nt de costumes (Fernand

Quatre heures d’une superbe intensité Ruiz), dans des décors habilement modulables de Gary Mc Cann. On est dans la forêt de Fontainebl­eau, à la cour de Philippe II, au couvent de Saint-just, plongés, comme le disait Shakespear­e, dans un univers de «bruit et de fureur» – avec les parenthèse­s magnifique­s de l’amitié et de l’amour, fussent-ils contrariés.

C’est ensuite, après le déferlemen­t d’émotions, qu’on peut en revenir aux choix éditoriaux qui ont été faits: il faut se rappeler que nous disposons aujourd’hui de cinq versions de l’oeuvre, l’originale étant en langue française. A Liège, on a opté pour la première version, celle des «répétition­s parisienne­s» (1866), la plus longue, et la plus pertinente dans le développem­ent de son intrigue. La représenta­tion dure plus de quatre heures, que l’on ne voit pas passer, happés que l’on est par l’enthousias­me vocal et musical.

Jusqu’au 14 février: Infos: www.operadelie­ge.be, en streaming à partir du 14 février sur francetvin­fo.fr/culture

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