Chez ces gens-là...
«The Gentlemen» de Guy Ritchie ou comment déjouer les attentes
Des gangsters chics, bien sapés et une histoire choc: il n’en fallait pas plus à Guy Ritchie pour se faire plaisir. Mickey Pearson veut se retirer de son commerce fleurissant et cherche un repreneur pour ses plantations de marijuana. De quoi éveiller des appétits nouveaux de quelques malfrats véreux. D’un âge feu et quelques trafiquants chinois... Tous les ingrédients d’usage sont réunis. Et pourtant «The Gentlemen» ne suit pas la voie qui semblait tracée d’avance. Très british dans sa lecture du scénario – auquel il a contribué – celui qui en 2000 réalisa le remarqué «Snatch» revient à ses premières amours.
Une épopée rocambolesque
Le spectateur est embarqué dans une épopée rocambolesque. La trame initiale est régulièrement construite et déconstruite, partant dans tous les sens. Les pièces de ce puzzle inédit ne sont que patiemment avancées. Du moins dans un premier temps.
L’opération pouvait sembler risquée. Mais, Guy Ritchie décortique son scénario à tiroirs avec perfidie et surtout sans temps morts. L’idée de laisser à un reporter, en quête de gros coup, le soin de dérouler l’histoire est judicieuse. Hugh Grant, gentil d’habitude, dans la peau de Fletcher, est ignoble. Une belle surprise.
Matthew Mcconaughey campe lui un Mickey Pearson sans retenue et qui, non sans rappeler James Bond, sort gagnant des plus périlleuses situations. Colin Farrell, en coach d’une équipe de boxeurs-lutins minables mais efficaces est méconnaisable et pourtant si vrai dans son jeu.
Guy Ritchie mène tout son beau monde à la baguette, lui laisse quelques menues libertés. Sans oublier certaines flèches bien senties contre une aristocratie corrompue, une presse aux abois et une politique de lutte contre les stupéfiants et la précarité inefficace. Des décors presque outrageusement stylisés, des situations aussi cocasses qu’improbables – les scènes «au froid» sont réellement glaçantes de vérité – des détails bien trouvés, mais surtout des dialogues crus, vulgaires et souvent drôles à souhait rythment un film, qui au final semble tourner au ralenti: comme pour mieux savourer l’instant présent.
Rien n’est précipité, les épisodes s’enchaînent avec un flegme certain. Guy Ritchie réussit le tour de force de garder son spectateur en haleine tout en douceur et retenue. Pas d’effusion des gros sentiments, tout au plus quelques gouttes de sang. Le tout, sans se mêler les pinceaux dans une narration qui prend des allures d’«usine à gaz». Le discernement productif du réalisateur est corroboré par des acteurs qui n’ont qu’un seul but: donner du coffre à leur personnage qui n’en manque pas.
Comme disait Brel en son temps, «chez ces gens-là, on n’vit pas, Monsieur, on triche» ou «... on n’cause pas, on compte...». Guy Ritchie prend à son compte ces quelques vérités et signe avec «The Gentlemen» un policier enlevé et imprévisible à souhait.