Luxemburger Wort

Un baroque d’aujourd’hui?

«Pygmalion» et «L’amour et Psyché», un duo de propositio­ns inégales au Grand Théâtre

- Par Stéphane Gilbart

Au Grand Théâtre, Robyn Orlin, chorégraph­e éminemment reconnue, est la metteure en scène d’un diptyque composé de «Pygmalion» de Jean-philippe Rameau et de «L’amour et Psyché» de Jeanjoseph Cassanéa de Mondonvill­e, dirigé par Emmanuelle Haïm avec son Concert d’astrée.

Choisir Robyn Orlin, c’était espérer qu’une contempora­néité interpella­nte se conjugue avec des oeuvres absolument typiques de la seconde moitié du XVIIIE siècle. Le résultat escompté: un baroque d’aujourd’hui.

Une attente d’abord plutôt déçue avec «Pygmalion» dont la lecture révèle vite une conformité à l’air du temps. On se souviendra que le sculpteur tombe éperdument amoureux de la statue qu’il a conçue, au détriment de sa relation avec son amie Céphise. Amour s’en mêle pour que tout finisse bien.

Une bonne idée scénique est celle de la création de la statue par un empilement d’images arrêtées de corps, projeté sur une toile. Mais le reste est convenu, comme l’évocation du snobisme mondain d’une soirée de vernissage, ou faussement innovateur avec ce Pygmalion narcissiqu­e vite attiré par d’autres conquêtes possibles.

D’autre part, la chorégraph­ie – que l’on attendait – ne se déploie guère, condamnant les protagonis­tes à quelques gestes ressassés.

Difficile à mettre en scène

Il est vrai que cette oeuvre, si belle dans sa partition – et à laquelle rendent justice solistes et orchestre – est difficile à mettre en scène. Sa seule action est: «la statue se met en mouvement».

Heureuseme­nt, tout prend une autre allure (apparence et rythme) avec «L’amour et Psyché». La créativité ingénieuse et espiègle est alors au rendez-vous. Pour nous raconter les terribles machinatio­ns de la furie Tisiphone, aux ordres d’une Vénus jalouse de la passion qui unit Amour et Psyché, Robyn Orlin mobilise toutes les ressources de la scénograph­ie d’aujourd’hui et l’art décalé de ses danseurs qui doublent chacun des personnage­s.

Images tournées en direct incrustées sur grand écran, images découpées-multipliée­s, éclairages de tous types (même à la lampe de poche), vêtements extravagan­ts, confusion des genres, choc de la rencontre d’une frêle chanteuse lyrique et d’un plus que majestueux danseur, du baroque de cour et de la danse de rue. Tout ce charivari est au service de l’oeuvre, dans une perspectiv­e décalée et désacralis­ante. Cela surprend, cela fait sourire.

Voilà pour les yeux. Mais les oreilles? Elles se réjouissen­t. Emmanuelle Haïm et son Concert d’astrée savent leur Rameau et leur Mondonvill­e. Ils prouvent avec une belle pertinence aussi respectueu­se qu’inventive que les notes ont leur rôle essentiel à jouer. Un bonheur particuliè­rement fort avec la partition de Mondonvill­e.

Quant aux jeunes solistes embarqués dans cette aventure (Reinoud Van Mechelen, Samantha Louis-jean, Armelle Khourdoïan, Magali Léger et Victor Sicard), surjouant leurs rôles comme l’a souhaité Robyn Orlin, ils ont une juste présence vocale et se font entendre, magnifique­ment.

Dernière représenta­tion ce soir, à 20 heures, au Grand Théâtre de Luxembourg. Billets: 65, 40, 25 et 8 euros (jeunes), Kulturpass bienvenu. Réservatio­ns des places au tél. 47 08 95-1 et sur www.luxembourg-ticket.lu. Robyn Orlin mettra en scène sa première pièce de théâtre «Les Bonnes» de Jean Genet le 4 mars au Kinneksbon­d de Mamer. Réservatio­ns: tél. 47 08 95-1 et www.luxembourg-ticket.lu.

 ?? Photos: Gilles Abegg ?? «Pygmalion» est une oeuvre, si belle dans sa partition – et à laquelle rendent justice solistes et orchestre – difficile à mettre en scène. La lecture de Robyn Orlin de cet opéra révèle vite une conformité à l’air du temps.
Photos: Gilles Abegg «Pygmalion» est une oeuvre, si belle dans sa partition – et à laquelle rendent justice solistes et orchestre – difficile à mettre en scène. La lecture de Robyn Orlin de cet opéra révèle vite une conformité à l’air du temps.
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Pour «L’amour et Psyché» Robyn Orlin mobilise toutes les ressources de la scénograph­ie d’aujourd’hui et l’art décalé.

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