Enfants de Syrie: le crève-coeur
Le Luxembourg ne peut accueillir «ses» migrants – Asselborn: rapatrier les Luxembourgeois et s’organiser avec la Chine
C’est un «crève-coeur» pour Jean Asselborn, qui par leur accueil avait voulu sauver, de la solidarité européenne, ce qui pouvait l’être encore: la situation créée par le corona-virus rendant l’opération impossible, selon le ministre, le Luxembourg ne peut actuellement recevoir les enfants syriens que ses services voulaient arracher aux conditions extrêmement précaires dans lesquelles ils vivent dans les camps de réfugiés en Grèce.
«Il me manquait juste une semaine» nous dit Jean Asselborn. «Tout était prêt, tout était réglé avec la Grèce, puis le virus a tout bouleversé.» Priorité doit être donnée maintenant, ajoute le ministre, au retour des Luxembourgeois encore à l’étranger. Ainsi qu’aux discussions avec la Chine, pour l’approvisionnement en masques et en médicaments. «Un premier avion Cargolux devrait faire le voyage début de la semaine prochaine.»
Par-delà les enfants, le pire est à craindre pour l’ensemble des populations qui ont fui la guerre civile en Syrie, la promiscuité dans les camps de réfugiés les rendant particulièrement vulnérables à une contamination par la pandémie.
«En ce temps difficile» l’opération n’est pas possible, a reconnu hier le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères. Et l’on devine que ce constat lui est douloureux, sur le plan humain mais aussi en regard d’une politique communautaire qui face à la nouvelle crise humanitaire générée par le conflit d’idlib, en Syrie, peine à mettre en oeuvre les principes de solidarité dont l’europe se réclame.
C’est à la fois au titre d’un contre-exemple et d’une intervention «a minima» que le Luxembourg s’était engagé, avec une «coalition» d’une demi-douzaine d’autres Etats «de bonne volonté», à
Particulièrement vulnérables au coronavirus: les enfants déplacés de Syrie. recevoir un millier d’enfants privés de parents, après exfiltration de camps, sur les îles grecques surtout, où les conditions de vie sont rendues déplorables par la promiscuité et une aide internationale qui du fait du caractère soudain et massif de l’exode d’idlib peine encore à s’organiser. Jean Asselborn lui-même a souligné, lors d’une récente réunion avec ses homologues à Bruxelles, la «précarité» de la vie dans ces camps. Il s’agissait de sauver des enfants, mais il s’agissait aussi de montrer que l’on pouvait soulager, par des moyens autres que financiers, la Grèce de sa charge migratoire. Lundi dernier Jean Asselborn faisait part de ses craintes déjà que le coronavirus ne vienne contrecarrer le programme d’accueil à l’adresse des enfants syriens.
Le virus comme prétexte
Si quelques Etats membres de L’UE se sont alignés sur la politique de solidarité préconisée par Asselborn, d’autres s’en distancient très nettement et prennent précisément prétexte de la pandémie pour donner de nouveaux arguments à leur pratique de la porte close. Il y a quelques années on s’était retranché derrière un amalgame entre djihadistes et demandeurs d’asile pour justifier un refus d’accueillir ceux-ci. Aujourd’hui c’est le corona-19 qui sert de repoussoir. Le gouvernement hongrois de Viktor Orban, ainsi, barricade le pays alors que des milliers de migrants s’y pressent. «Nous voyons un lien entre le coronavirus et les migrants illégaux», a déclaré un conseiller d’orban.
Sur place, en Syrie, sachant que le régime de Bachar al-assad et son allié russe ont détruit les hôpitaux et autres structures sanitaires, les «réfugié internes», à savoir les Syriens qui ont dû quitter leur maison sans pour autant pouvoir traverser une frontière, survivent dans des conditions d’autant plus dramatiques désormais qu’ils sont sans défense aucune face au corona-19 – une cinquantaine d’appareils respiratoires seraient disponibles pour tout le nord-ouest de la Syrie.
Dirk Hegmanns, directeur régional de l’aide alimentaire pour la Syrie, n’hésite pas à déclarer qu’il faut s’attendre à des décès «massifs», du fait d’une progression fulgurante du virus.