Ovar, une ville en état de siège
Un véritable cordon sanitaire entoure la ville portugaise de 30.000 habitants
La Direction générale de la santé s’est alors inquiétée de ce qu’il est convenu d’appeler «une propagation communautaire aiguë». Les autorités ont décidé de publier un décret pour confiner Ovar. Dans ses explications de la situation, le ministre de l’intérieur Eduardo Cabrita n’est pas entré dans les détails de la mise en quarantaine totale. S’en sont suivis des moments de flottement, et les automobilistes de la région ont pu contourner les barrages filtrants. Les industries, nombreuses dans la région, n’ont pas cessé immédiatement la production, et les policiers ont laissé passer les employés.
Les autorités ont alors haussé le ton et un deuxième décret pris le 17 mars a mis Ovar sous cloche. La ville a été placée en état d’urgence totale, 24 heures avant l’instauration d’un état d’urgence nationale plus souple en vigueur depuis le 18 mars minuit.
«Ovar est déserte. Seuls les établissements alimentaires et les pharmacies sont ouverts. Notre ville est desservie par la ligne de chemin de fer la plus importante du pays, celle de Porto, mais les trains ne s’arrêtent plus chez nous. Ovar est une tâche rouge sur la carte de notre pays» se désole Fernanda Neves, professeure d’anglais dans un lycée de la ville, et bouclée chez elle depuis la fermeture des établissements scolaires, le 16 mars.
Un seul point de passage est autorisé pour pénétrer dans Ovar. Les gendarmes masqués et gantés contrôlent tous les véhicules. Mais le secteur industriel est à l’arrêt. Un centre de tri des malades ou des personnes suspectées d’être infectées est installé devant le centre médical local. Et Ovar s’apprête maintenant à ouvrir son hôpital militaire.
Chrystèle habite Esmoriz, ville de 11 mille habitants située dans le conseil d’ovar. Elle est aussi confinée chez elle et s’inquiète pour sa petite fille de cinq ans. «Je suis divorcée et mon ex mari vit dans le district d’espinho, à côté. La petite ne peut pas voir son père. Mais ce que je trouve anormal, c’est que nous avons été prévenus par bouche-à-oreille, au dernier moment.»
Comme des pestiférés
Elle travaille dans un grand groupe international bancaire situé à Porto, à 30 km d’esmoriz, mais elle ne peut pas s’y rendre. «J’ai l’impression que nous sommes des pestiférés. Les habitants des autres districts peuvent encore aller et venir. Bien sûr, j’ai parfaitement conscience que c’est pour notre bien, mais au quotidien c’est dur à vivre» ajoute t-elle. «Nous tentons d’instaurer une routine, car comme dans les reality shows, nous vivons avec mon mari et mes deux enfants, les uns sur les autres 24 heures sur 24»explique Fernanda avec humour. « Je gère mes élèves à distance, ma fille de 20 ans suit ses cours par skype. La mairie a mis en place un service de distribution des médicaments et des aliments pour les personnes les plus fragiles. Il faudra tenir jusqu’au 2 avril ou plus. Ce ne sera pas facile» conclut Fernanda.
Le premier cas de coronavirus a été détecté dans un centre de soins dès le 11 mars. Et Ovar vient de déplorer son premier décès. La ville semble suspendue dans un arrêt spatio-temporel, figée dans l’attente et la crainte. Au niveau national, les chiffres d’hier indiquaient 1.020 cas de contamination et six décès.