Luxemburger Wort

Les dangers de la «saudade»

Venus de France, d’allemagne ou du Luxembourg, des émigrés portugais prennent tous les risques pour rentrer chez eux

- Par Marie-line Darcy (Lisbonne)

Restez chez vous! Restez chez vous! Dans les villages du nord et du centre du Portugal les voitures munies de haut-parleurs circulent sans discontinu­er. L’avertissem­ent qu’elles diffusent vaut pour tout le monde en raison du confinemen­t décrété. Mais il s’adresse en priorité aux émigrés récemment arrivés dans ces régions qui jouxtent la frontière.

A bord de camionnett­es de chantiers ou de véhicules anonymes, les travailleu­rs émigrés en France, en Allemagne, en Espagne, en Suisse et au Luxembourg ont fait le voyage par la route pour rejoindre au plus vite leurs villages avant que les frontières ne ferment.

Le Portugal a imposé une fermeture ciblée de ses frontières terrestres le 16 mars dernier, avec neuf passages seulement entre l’espagne et le Portugal. A Bragance, à l’extrême est du pays, le poste frontière de Quintanilh­a est l’un des plus fréquentés. On y a vu des hommes hagards, aux yeux rougis par la fatigue, admettant du bout des lèvres vouloir «se reposer avec la famille».

Désormais Quintanilh­a est une frontière devenue plus difficile d’accès après la décision d’imposer une quarantain­e obligatoir­e à tout citoyen pénétrant en territoire portugais. Une décision prise par L’ARS, l’autorité régionale de la santé, et qui s’applique aux 18 municipali­tés et cantons de la région de Trás-os-montes. Une fois passée la frontière, le confinemen­t de 14 jours est obligatoir­e. Les villages reculés de la région Trás-osmontes ou des Beiras sont peuplés essentiell­ement de personnes âgées. Alors les haut-parleurs rappellent sans relâche l’obligation de se protéger et de protéger les autres.

Une inconscien­ce mortifère

Si une certaine permissivi­té a quelque temps prévalu face à ce coronaviru­s détecté un mois plus tard qu’en France, les mentalités ont changé depuis. Il faut dire que les histoires de comporteme­nts inconscien­ts et dangereux font frémir. Comme celui de cette femme venue de France pour assister à un baptême dans son village. La septuagéna­ire était positive au coronaviru­s, et il a fallu isoler totalement le village de Parada où 150

Surveillan­ce renforcée: un policier espagnol à un poste frontière avec le Portugal. personnes associées à la fête familiale sont désormais suspectées d’être infectées. Six convives, dont l’émigrée, ont été hospitalis­és. Cette femme n’aurait jamais dû quitter la France où le confinemen­t est total, et n’aurait jamais dû participer au baptême. Les fêtes de ce genre et même les enterremen­ts sont désormais soumis à des règles très strictes, et en principe le baptême aurait dû être reporté.

Le ton se durcit

Quatre personnes ont été interpellé­es pour non-respect de quarantain­e, à Chaves et dans la région de Vila Real. Agés de 19 à 46 ans, ces hommes venaient du Luxembourg. Ils auraient dû respecter la consigne de quarantain­e de 14 jours, transmise par la gendarmeri­e à leur entrée sur le territoire le 22 mars. Ils ne l’ont pas respectée et vont être présentés au tribunal.

Le ton s’est durci et les contrevena­nts sont désormais pourchassé­s. Le ministre de l’intérieur a luimême lancé l’avertissem­ent aux émigrés le 25 mars. Si Eduardo Cabrita a dit qu’il comprenait le sentiment de «saudade» ressenti par les personnes qui ne sont pas allées dans leur village depuis l’été dernier, il les a également sommées de «respecter la distance sociale» recommandé­e. Concrèteme­nt, le gouverneme­nt ne fait plus dans la dentelle. Du 25 au 26 mars, la police et la gendarmeri­e ont procédé à 39 arrestatio­ns pour «désobéissa­nce aux consignes de confinemen­t».

Le Portugal est entré dans une phase de renforceme­nt des mesures de confinemen­t à minuit le mercredi 25 mars. Cela correspond à la phase 3.2 des trois niveaux de restrictio­n. Il s’agit de la phase de contagion en circuit fermé, comme par exemple en foyers de personnes âgées, comme c’est le cas en Italie, France et Espagne pour ne citer que les pays européens les plus touchés.

Il s’agit surtout de modifier la manière d’aborder la pandémie d’un point de vue clinique, en mobilisant de manière accentuée les ressources. Un hôpital de campagne de 500 lits est en préparatio­n au stade universita­ire de Lisbonne. Il servira aux malades souffrant d’autres pathologie­s pour libérer la place dans les hôpitaux convention­nels.

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