Coup de tonnerre politique en Israël
Président de la Knesset, Benny Gantz rallie Netanyahou malgré le risque de perdre toute crédibilité
L’élection de Benny Gantz à la présidence de la Knesset met fin au marasme politique israélien. Mais son ralliement à Benjamin Netanyahou, et la création d’un probable «gouvernement d’urgence nationale», pourrait lui coûter sa crédibilité politique.
Il est une chose que le coronavirus n’aura pas réussi à apaiser: les soubresauts de la politique israélienne. Mercredi, Yuli Edelstein, président likoudknik de la Knesset, annonçait sa démission après avoir refusé de se plier à l’injonction de la cour suprême d’organiser un vote pour le remplacer. Hier, tout le monde prédisait une élection jouée d’avance, censée désigner Meir Cohen, du parti Bleu et Blanc. Il n’en sera rien. Dans un renversement de situation qu’aucun commentateur n’avait vu venir, c’est finalement Benny Gantz, jusque là principal adversaire de Netanyahou, qui remporte le scrutin. Supporté par le bloc de droite, mais lâché par une partie de ses collaborateurs.
Le Premier ministre démontre une nouvelle fois son habileté politique. Après plus d’un an de marasme politique, un procès pour corruption reporté à mai et le mandat pour former un gouvernement confié à l’ancien leader de Bleu et Blanc, Netanyahou réapparaît au sommet de sa force. Car en devenant le nouveau président de la Knesset, Benny Gantz se plie non seulement à sa volonté mais fait aussi imploser sa coalition, Bleu et Blanc, qui tous ces derniers mois avait pourtant été mue par la volonté commune de remplacer «Bibi».
Coup de maître ou suicide politique, les mois à venir diront si le général à la retraite a bien manoeuvré. Sa stratégie politique, qui est désormais aussi celle de Netanyahou, est claire: présider la Knesset pour pouvoir négocier tranquillement un «gouvernement d’urgence nationale» d’abord dirigé par Netanyahou, aux portefeuilles prédéfinis. Benny Gantz aux Affaires étrangères puis Premier ministre – du moins c’est ce que prévoieraient les négociations – et Gabi Ashkenazi, second déserteur de Bleu et Blanc, ministre de la Défense. Ironie suprême, la
Knesset serait alors de nouveau présidée par… Yuli Edelstein, celui là même qui hier encore refusait de laisser sa place.
Pas de quatrième élection
Au centre, le divorce entre Benny Gantz et Yaïr Lapid, numéro deux de la coalition Bleu et Blanc et qui déteste Netanyahou, est d’ores et déjà consommé. Gantz a «décidé de quitter Bleu et Blanc pour ramper vers le gouvernement de Netanyahou» a réagi Lapid. La coalition implose mais elle espère survivre. Lapid et Boogie Yaalon, ancien ministre de la Défense de Netanyahou, ont décidé de continuer ensemble.
A gauche, les réactions atterrées se multiplient. Tandis que Tamar Zandberg, du parti Meretz, invectivait Benny Gantz, se demandant comment il pouvait «faire ça aux millions d’électeurs» à avoir voté pour lui, la remarque la plus acerbe est venue du leader de la liste arabe unifiée. «Ils ne manquent jamais une occasion de manquer une occasion» a raillé Ayman Odeh.
Hier soir à la Knesset, Gantz a justifié sa décision par l’urgence de combattre le coronavirus: «Le temps n’est pas au combat et à la division, mais à un leadership responsable et patriote.» La quatrième élection que certains prédisaient n’aura donc pas lieu.