L’environnement wallon plombé par le virus
La Région wallonne a dû détourner une partie des fonds destinés à la transition écologique et climatique
L’environnement est fréquemment cité comme l’un des gagnants de la crise sanitaire que vit la planète. Les émissions de dioxyde d’azote relâché dans l’air ont baissé. Des observations satellites indiquent que le NO2 montre «une tendance à une réduction graduelle» et que le ciel chinois est lavé d’une partie significative de sa pollution. Les poissons, ajoutent les environnementalistes, sont revenus dans les canaux de Venise débarrassés des bateaux à moteur.
Mais, en Wallonie, la médaille a son revers. La crise du coronavirus pourrait bien anéantir une partie importante des projets que la Région entendait mener dans le cadre climatique et environnemental.
Or le gouvernement régional du socialiste Elio Di Rupo a misé gros sur la carte «verte», dopé qu’il est par les écologistes revenus au pouvoir à la faveur des élections du 26 mai dernier.
Tout, ou presque, serait à refaire. Le 9 mars, le gouvernement wallon annonçait qu’il était temps de mettre en action son plan régional de transition sociale, économique et écologique, soit l’axe principal de la législature en cours. Trois semaines plus tard, une partie de ces chantiers sont bloqués avant même d’avoir pu commencer. 350 millions inscrits au budget 2020 pour les premières mesures du plan de transition ont été réaffectés à la lutte contre le coronavirus et le soutien aux entreprises.
«On doit reporter notre plan», a justifié Elio Di Rupo. «Il est décalé. Personne ne comprendrait que la Wallonie consacre son énergie et ses moyens à autre chose que l’urgence absolue». Le socialiste ajoute que la Région ne pourra pas tout financer. Une manière de se tourner vers le fédéral qui a décidé de mettre sur la table 8 à 10 milliards d’euros pour soutenir le pays et son économie. Dans les colonnes de «L’echo» vendredi, Di Rupo déclarait toutefois que le plan de transition wallon n’est pas abandonné. Il deviendra la «planche de rebond». «Cela reste d’actualité mais il faut y ajouter l’urgence sanitaire», a-t-il précisé.
Pas de retour au «business as usual»
L’appel du pied du ministre-président vaut également pour L’UE, appelée à se montrer plus généreuse. La décision de la Commission européenne de proposer un nouveau projet de budget pluriannuel pour faire face aux conséquences économiques de la pandémie ne pouvait donc mieux tomber.
Certains voient une opportunité dans ce carcan. Tel le ministre wallon Philippe Henry (Ecolo) qui ne veut pas d’un retour au «business as usual»: «Nous devrons financer des changements structurels. Les luttes contre le virus et pour la transition se rejoignent. C’est une opportunité de plus pour changer de modèle et pour convaincre les gens d’un besoin de changement», affirme-t-il dans les colonnes du «Soir».
Dans une carte blanche relayée récemment par «L’echo», l’économiste Céline Boulenger (Degroof Petercam) prévenait contre l’abandon des politiques de transition écologique. Pour elle, en substance, le virus Covid-19 n’est pas un remède miracle au changement climatique, mais plutôt une distraction qui détourne les investissements publics et privés des énergies vertes et risque d'effacer des esprits l’urgence climatique, que ce soit dans la population ou au sein des gouvernements.
Rien ne permet de dire si ces propos seront ou non prémonitoires. Mais la tentation de mettre entre parenthèses l'urgence climatique est une donnée qui pèsera probablement lourd dans les prochains mois, en Wallonie comme ailleurs.
Le gouvernement régional du socialiste Elio Di Rupo a misé gros sur la carte «verte».