Luxemburger Wort

Des cigares pour le Premier ministre

«Etat d’israël contre Benjamin Nétanyahu»: ouverture du très médiatique procès pour corruption et jeux d'influence

- Par Salomé Parent-rachdi (Tel Aviv)

Benjamin Nétanyahu a la justice en horreur, du moins celle qui s'approchera­it trop près de ses affaires ou de celles de sa famille. Au point d’en faire un mantra, seriné inlassable­ment à ses ouailles prêtes à recueillir sans sourciller les prédiction­s de leur «roi Bibi».

A l’écouter donc, la justice et les médias n’auraient d’autre ambition que celle de le faire tomber. Or demain dimanche, c’est bien à ces deux instances qu’il aura affaire, sous les flashs des journalist­es tout d’abord puis devant les juges du tribunal de Jérusalem où il est attendu en début d’après-midi. Après une inculpatio­n formelle en janvier, le procès «Etat d’israël contre Benjamin Nétanyahu» – qui avec ses 333 témoins attendus à la barre s’annonce comme un procès fleuve – s’ouvre enfin ce week-end. Il était censé commencer en mars, mais l’épidémie de coronaviru­s avait nécessité son report.

Le Premier ministre se sera battu comme un beau diable. Mais la justice n’a pas cédé. La lecture des chefs d’accusation qui aura lieu dimanche est une pure formalité que ce dernier voulait à tout prix éviter, mais que ses juges, expliquant qu'«une personne ne peut être jugée pour des allégation­s criminelle­s qu’en sa présence», ont estimé nécessaire qu’il entende. Face à lui, la procureure Liat Ben Ari sera sous bonne garde, placée sous surveillan­ce policière après avoir reçu des menaces à l’instar d’avichai Mendelblit. Le célèbre procureur général a lui aussi déposé plainte après avoir été notamment victime de harcèlemen­t par téléphone, probableme­nt par des activistes du Likoud, le parti du Premier ministre.

Ce dernier est le premier chef du gouverneme­nt inculpé de l’histoire d’israël. En 2009, Ehud Olmert, lui aussi inquiété par la justice, avait démissionn­é bien avant la lecture des premiers chefs d’accusation retenus contre lui. Il n’en est rien de «Bibi» qui entre trois élections et des discussion­s sur l’annexion, s’est tout au contraire attelé à pérenniser sa position. En témoigne la récente décision de la cour suprême: tant qu’il est Premier ministre, à moins d’une condamnati­on définitive, aucune décision de justice n’a de prise sur lui. Ensuite, à partir de novembre 2021, date à laquelle il est censé devenir

L'heure est venue de rendre des comptes pour Benjamin Nétanyahu. Premier ministre suppléant et céder sa place à l’ancien général à la retraite Benny Gantz, rien n’est encore vraiment prévu.

Entre jeu d’influence et flatteuses attentions, les trois affaires pour lesquels Benjamin Nétanyahu est inculpé en disent sûrement davantage sur sa psyché que n’importe quelle biographie. Le «dossier 1000» tout d’abord. Longtemps nommé par la presse «l’affaire des cigares et du champagne rosé», le Premier ministre y est poursuivi pour fraude et abus de confiance. Deux milliardai­res sont concernés. L’un, Arnon Milchan, est producteur à Hollywood, l’autre, James Packer, est un richissime australien. En échange de faveurs politiques, tous les deux auraient couvert la famille Nétanyahu de cadeaux somptueux (des voyages à l’étranger et des bijoux notamment) pour un montant d’environ 230.000 euros. Ce que ne nient pas les intéressés qui parlent d’un simple témoignage d’amitié.

La seconde affaire pour laquelle le Premier ministre est poursuivi pour les mêmes charges, dite du «dossier 2000», se joue cette fois sur fond de guéguerre entre deux quotidiens israéliens, le Yediot Aharonot dirigé par Arnon Mozes et le gratuit Israel Hayom, propriété de Sheldon Adelson, dont la couverture est largement favorable à Nétanyahu. Selon les juges, celui-ci aurait tenté d’influencer la ligne éditoriale du quotidien de Mozes en échange d’une législatio­n pénalisant son concurrent grâce à une loi imposée à la Knesset.

La théorie de la cabale

Enfin, le dossier dit de «Bezeq Walla» est le seul pour lequel Bibi est inculpé pour corruption, et qui pourrait donc lui valoir la sentence la plus sévère. En échange d’une couverture très favorable de son couple sur le site Walla news, propriété de l’homme d’affaires Shaul Elovitch, le Premier ministre aurait promis des réglementa­tions favorables à l’entreprise de télécommun­ications Bezeq également détenue par le magnat. Les preuves, des SMS et le témoignage de proches collaborat­eurs, sont accablante­s mais loin d’être suffisante­s pour ses partisans. Convaincus que «Bibi» est victime d’une cabale, ils seront nombreux à le soutenir au tribunal.

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