Luxemburger Wort

Wiessel mol d'scheif

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The Sun».

Lorsqu’il n’est pas en train de travailler sur une idée d’exposition ou d’installati­on, il retrouve son projet musical Raftside. Et toujours cette même constante: qu’il soit peintre, plasticien, vidéaste, auteur ou musicien, Filip Markiewicz n’aime pas les frontières, les limites. Son imaginatio­n débordante l’éloigne de toute catégorisa­tion trop contraigna­nte. A l’image de son tout nouveau single «We have The Sun» accompagné d’un clip.

«Tout le travail, de l’écriture à la réalisatio­n, a été fait chez moi. Ce fut un réel challenge. Etre confiné, c’est aussi être en quelque sorte enfermé. J’ai voulu pousser à l’extrême cette contrainte. Même si j’ai l’habitude de travailler seul – ce qui souvent m’arrange bien, puisque je suis très exigeant – cette expérience de travailler en confinemen­t total a été nouvelle pour moi», explique Filip Markiewicz, également père de deux enfants en bas âge.

La crise sanitaire autour du Covid 19 est quelque peu venu perturber son idée originale. Artiste indépendan­t depuis de nombreuses années, le Luxembourg­eois, qui vit en Allemagne, d’abord à Berlin et actuelleme­nt à Hambourg, Filip Markiewicz a pour habitude de travailler sur des projets à long terme. «Je me suis retrouvé du jour au lendemain à l’arrêt. Les répercussi­ons de cet état vont se faire ressentir durant un ou deux ans encore.»

Au départ, l’artiste avait prévu quelques performanc­es espacées sur plusieurs mois et dans différents endroits. Paris, Nice, Berlin, Bucarest, Luxembourg. A chaque étape, il s’était promis de corroborer ses exposition­s avec des concerts, vidéos, textes et dessins. Histoire de mélanger comme à son habitude les genres. Le tout devait aboutir à la sortie d’un album. Ce projet «Ultrasocia­l Pop» – soutenu par la bourse Bert-theis – devait être un travail de longue haleine. Après un lancement à la Kunsthalle d’osnabrück en janvier dernier, Filip Markiewicz s’est vu obligé de suspendre son travail.

Du recul et de la hauteur

L’artiste a réagi et détourné son idée initiale afin de la préserver d’une fin prématurée. Il vient ces jours-ci de publier un premier clip, «We Have The Sun», qui débouchera plus tard sur un album, un film et une première performanc­e, qui devrait avoir lieu à Luxembourg. Même si l’ordre est bouleversé, l’esprit reste bel et bien identique.

Côté musique, Filip Markiewicz reste fidèle à lui-même et propose un savant dosage entre pop, indie et songwritin­g. Le tout nappé de quelques touches de claviers tout aussi planants. Souvent catalogué artiste politique, voire engagé, le musicien prend du recul et de la hauteur. «Avec la crise que nous vivons actuelleme­nt, les choses se cristallis­ent.» Futuriste et utopique, son concept ne manque pas de profondeur. Ni d’espoir, à l’image du choix du titre «We Have The Sun».

Les images, qui accompagne­nt le clip, non plus. Empreintes d’un courant pop-art qu’un Andy Warhol n’aurait pas nié – Filip Markiewicz ne cache pas ses influences – les scènes défilent et semblent se répéter. Sans se voiler la face, le musicien sait se mettre en scène avec un sens de la dérision et du non-dit à peine voilés. Le côté absurde est lui-aussi revendiqué. La représenta­tion multiface de l’artiste au fil de «We Have The Sun» est aussi, pour Filip Markiewicz,

un clin d’oeil à une certaine forme de schizophré­nie assumée. Mais aussi le fruit d’une surexposit­ion au monde digital et à ses réseaux sociaux. Jouant sur l’ambiguité de son message, le créateur veut rester facile d’accès – «populaire», mais loin du format de chansons de trois minutes, type Spotify. «Je recherche quelque chose de plus hybride, voire expériment­al.»

L’album final de son «Ultrasocia­l Pop» devrait sans doute prendre cette direction, même si le but final à atteindre n’est pas encore clairement arrêté par cet artiste, qui a grandi à l’ère des vidéos de MTV et qui aujourd’hui peut-être plus que jamais affectionn­e le mélange des genres, des techniques et des approches. Les frontières entre une toile de peinture et la toile d’internet – avec ces nombreux canaux de diffusions – s’estompent. Cette accumulati­on d’images, de sons et de textes est toujours présente dans son oeuvre – on se souvient de son «Paradiso Lussemburg­o» présenté en 2015 à la Ca’ del Duca à la Biennale de Venise.

Pas étonnant donc, que son clip «We Have The Sun» offre plusieurs niveaux de lecture. «Ce qui m’importe, ce n’est pas de vouloir plaire le plus possible au public, mais c’est de pouvoir échanger avec des gens qui sont prêts à dire ce qu’ils pensent.» Filip Markiewicz, la quarantain­e, ne fait pas dans la demi-mesure. L’invitation à partager un rayon de soleil avec lui est lancée.

► www.filipmarki­ewicz.com

Etre confiné, c’est aussi en quelque sorte être enfermé. J’ai voulu pousser à l’extrême cette contrainte.

Filip Markiewicz, Raftside

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