Polémique autour de l’antiracisme à l’ère du covid-19
La manifestation bruxelloise Black Lives Matter de dimanche débouche sur un affrontement entre plusieurs partis politiques belges
Dimanche, la manifestation antiraciste «Black Lives Matter» a attiré quelque 10.000 personnes à Bruxelles, une foule compacte venue saluer la mémoire de George Floyd et dénoncer les brutalités policières. En fin de journée, des heurts ont toutefois éclaté entre policiers et casseurs.
Ces incidents mis de côté, la manifestation a été pacifique de bout en bout. En revanche, elle s’est déroulée au mépris des règles sanitaires définies par le Conseil national de sécurité. Si la majorité des protestataires portaient le masque, l’exiguïté du lieu de rassemblement a rendu impossible la distanciation sociale.
S’en est suivie une polémique le soir même. La Première ministre et libérale francophone Sophie Wilmès a regretté «qu’il n’ait pas été possible de trouver une alternative qui respecte consignes sanitaires et efforts de ceux qui, en première ligne, luttent contre l’épidémie». Précision: les rassemblements sont pour l’instant limités à dix personnes, que ce soit en famille ou au restaurant.
Le bourgmestre de Bruxelles, le socialiste Philippe Close, qui a autorisé la manifestation, ne s’en laisse pas conter. Il répète que «l’équilibre (est) extrêmement délicat entre l’ordre public, la liberté d’expression et la problématique de la santé publique.» Et de marteler: «J’assume tout ce qui s’est passé. Il fallait trouver un équilibre». Le bras de fer entre les socialistes et les libéraux, ennemis jurés dans la capitale, a rapidement pris une dimension nationale. La droite flamande, mais aussi les socialistes flamands, ont jugé que la condamnation du racisme ne pouvait justifier le nonrespect des règles sanitaires.
«Chacun joue son rôle»
L’aspect politico-politicien de cet affrontement n’échappe à personne: «Ce genre de mobilisation n’est a priori pas ce que l’électorat des partis de droite privilégie», analyse la politologue Louise Knops dans le «Soir». Chacun joue son rôle. Lors des manifestations des jeunes pour le climat l’année dernière, on avait d’ailleurs déjà vu des réactions épidermiques (dans les partis de droite). Leurs représentants critiquaient l’attitude des jeunes qui séchaient les cours. Sans jamais lier cela à la vraie question de la mobilisation citoyenne.
Bart De Wever, le chef des nationalistes flamands (N-VA), fait partie de ceux qui ont fustigé l’an dernier les «marcheurs du climat». Cette fois, la police et le cabinet du bourgmestre anversois ont refusé la tenue de la manifestation demandée par le collectif Belgian Youth Against Racism. Ce qui n’a pas empêché un bon millier de personnes de manifester dans la ville portuaire dimanche, 150 protestataires étant interpellés en marge du rassemblement pour ne pas avoir respecté les règles de sécurité sanitaire.
Cette polémique opposant les droits démocratiques à la responsabilité sanitaire de chacun est du pain bénit pour le Vlaams Belang. Lundi, l’extrême droite flamande a demandé qu’une commission d’enquête se penche sur l’action de la police lors de la manifestation bruxelloise et des émeutes qui ont suivi. Selon ce parti condamné autrefois pour racisme, la police n’aurait reçu l’ordre d’intervenir que si la situation devenait incontrôlable.
Autrement dit: pour des motifs bassement électoralistes, les socialistes bruxellois auraient laissé les casseurs casser en toute impunité.