Nouvelle veillée d’armes en Belgique
A la faveur de l’embellie sanitaire, les partis se réactivent en vue de la formation d’un gouvernement
«La Vivaldi est définitivement morte». Ces mots auraient été prononcés lundi au siège du Parti socialiste par Paul Magnette, son président. La Vivaldi est la coalition de partis qui était en gestation lorsque la crise sanitaire a éclaté en mars dernier. Magnette tentait alors de fédérer les socialistes, les libéraux et les écologistes pour former un nouveau gouvernement fédéral. Mais pour obtenir une majorité confortable à la Chambre, il lui fallait aussi prendre à bord les chrétiens-démocrates flamands. Ce que ces derniers ont toujours conditionné à la présence de la N-VA de Bart De Wever au sein du futur exécutif. Une alliance qui rebute le PS.
Résulta: plus d’une année s’est écoulée depuis les élections législatives du 26 mai 2019 et la Belgique fédérale ne dispose toujours pas d’un exécutif de plein droit. Le pouvoir est exercé par la libérale francophone Sophie Wilmès dont le gouvernement en affaires courantes ne dispose que de 38 sièges sur 150 à la Chambre. Sa survie passe par la confiance et les pouvoirs spéciaux que la majorité des partis politiques lui ont momentanément concédés pour traverser la crise du covid-19.
Ces dernières semaines, l’horizon sanitaire s’éclaircissant, les discussions ont repris entre les partis. Paul Magnette et son homologue flamand Conner Rousseau ont tendu des perches à gauche comme à droite, pour constater que ni les chrétiens démocrates ni les libéraux du nord n’étaient prêts à les suivre. La situation n’ayant pas évolué depuis l’hiver dernier, il ne resterait qu’à faire le pas que la Flandre attend: intégrer la N-VA nationaliste dans le prochain gouvernement.
Simple à dire, mais difficile à faire. Car côté francophone, Ecolo refuse toujours mordicus d’entrer aux côtés du PS dans des discussions avec la N-VA. Quant à Paul Magnette, il voit ses troupes se radicaliser. Un rapprochement inattendu entre le libéral Georgeslouis Bouchez et le secrétaire général du syndicat socialiste FGTB Robert Vertenueil a valu à ce dernier son éviction. C’est désormais le très rouge Thierry Bodson qui assure l’intérim à la tête d’une FGTB toujours plus proche des communistes du PTB. Elle vomit la droite libérale francophone et le nationalisme flamand.
L’éventuelle montée de Sophie Wilmès en première ligne des négociations pourrait rebattre les cartes. Pratiquement inconnue il y a trois mois, la Première ministre dispose désormais d’un véritable crédit. Elle a tenu les rênes du pays tout au long de la crise sanitaire.
Sophie Wilmès doit aussi préparer l’avenir. Les pouvoirs spéciaux dont bénéficie son gouvernement s’éteindront le 27 juin prochain et ne seront probablement pas renouvelés.
Le socialiste Magnette ne voit aucun obstacle, dit-il, à ce que la libérale Wilmès prenne la direction des négociations. Quant à la N-VA, il estime qu’elle ne peut «supplier pour faire partie du gouvernement» sans accepter de prendre en compte le programme du PS. Or celui-ci, loin de vouloir mettre le pays à la diète, entend injecter quelque 37,5 milliards d’euros dans son économie et l’aide aux particuliers, avant même de parler de la relance.
Le chantier est, il est vrai, énorme: en trois mois, le déficit public de la Belgique a triplé sinon quadruplé (40 à 45 milliards d’euros), la dette publique se rapproche dangereusement des 120 % du PIB, la croissance dégringole, le chômage explose…
Vers des élections à l’automne, faute de successeur?