Luxemburger Wort

Le maître des braises

- Par Gaston Carré

Le corona reflue, le mal recule et le diable aussi, dont il faut précipiter la fuite par la réactivati­on d’antiques rituels. Parmi ceux-ci, la grillade procède à la fois de l’immolation sacrificie­lle, par la chair offerte au feu, et du rite initiatiqu­e par l’intronisat­ion dont elle fournit l’opportunit­é, l’officiant d’un «barboc» réussi se voyant admis au clan des grands Enfumés, dans l’ordre supérieur des Maîtres de la braise.

Vous l’avez compris, mâle camarade: c’est votre virilité qui lors de cette crémation est en jeu. C’est au barboc que l’on reconnaît un homme, c’est là, entre lard et cochon, qu’on vérifie sa vaillance, quand la tribu est réunie et que le beau-père veille. Du coin de l’oeil, l’air de ne pas y toucher, il ne veut pas vous intimider, non, un extincteur dans le dos il vous encourage. Il vous revient que le beau-père est un ancien des colonies, qui a bouté des feux bien plus considérab­les, tandis que vous-même fûtes banni des scouts pour avoir cramé trois baraques en grillant une barbaque.

Mais soit. Nous restons calme. Comprendre, d’abord, la nature de l’opération. Le barboc est un art de la combustion, qui exige une double science des éléments et du temps, du Matos et du Chronos. L’élément premier est le papier (il me coûte de le reconnaîtr­e mais le papier journal est d’excellente flambaison). Vous pouvez, bien sûr, en tasser une grosse fournée, un canard entier en boule, vous pouvez être sûr alors que le feu va prendre mais sûr aussi que le beau-père déjà va rigoler. Car le barboc est une pratique de la disproport­ion, du hiatus, du moyen ténu pour un effet exorbitant – lui, l’ancien, allumerait un bled avec un fétu de paille.

Du papier donc, puis un échafaudag­e de bois, en croisillon­s pyramidaux – un petit échafaudag­e, non un bûcher, c’est un barboc, non la fête des brandons. Puis on craque une allumette, qu’on dépose sous l’autodafé, les anxieux en poseront quatre aux coins du canard, mais il faut faire vite pour un allumage synchrone, ou alors ce sont vos plumes qui prennent feu. Voilà. Ça flambe. C’est le moment de mettre les charbons, peu à peu, trop ça s’étouffe mais trop peu ça retombe, dans les deux cas le beau-père est confirmé dans l’idée qu’il se faisait de vous.

Du charbon, encore. Oui, ça flambe, ça flambe même beaucoup, que faire pour réduire les flammes? Arroser? Surtout pas! Vous attendez que ça se tasse. Sûr de vous, tranquille, surtout ne pas laisser paraître que l’affaire est laborieuse, le top du cool étant de bavarder avec un convive à ce moment-là, doigts dans le nez. Votre épouse d’ailleurs est là, qui déjà étale la carne sur la grille, tout va bien c’est gagné, le mouton grésille, les merguez explosent et le boeuf bavette.

Il ne reste plus qu’à surveiller les progrès de l’opération, la métamorpho­se des matières, tel Vulcain vous gardez les forges, on vous appelle pour ripailler vous aussi mais non, vous vous dévouez, stoïque, regard rivé à l’horizon d’essentiell­es alchimies. Vous voilà adoubé, admis dans la nation des Charognard­s, vous êtes Homme en somme et grâce à vous le carnage peut s’accomplir.

Um sich die Aura eines Weltenbumm­lers zu verleihen, dekorierte Karl May sein Arbeitszim­mer in der Villa Shatterhan­d im Dresdner Vorort Radebeul mit zahllosen Gegenständ­en, Teppichen und ausgestopf­ten Tieren.

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