Luxemburger Wort

Un vain mélange des genres

Les piètres piqûres de rappel de Jean Hamilius face au cours de l’histoire nationale

- Par Marcel Kieffer

Après ses mémoires publiés en 2014, l’ancien homme politique Jean Hamilius n’a pas dit son dernier mot sur le cours de l’histoire nationale, sur les défis auxquels se voit exposé le Luxembourg aujourd’hui et notamment sur la façon dont les génération­s actuelles d’historiens et d’acteurs politiques interprète­nt à la fois les leçons du passé et les perspectiv­es d’avenir.

Voilà qu’il récidive avec un nouveau recueil de textes en bonne partie déjà publiés depuis 2015 sur son blog personnel (jeanhamili­us.lu) et qu’il a jugé utile de porter à la connaissan­ce d’un plus large public. Or, si l’ancien ministre et député européen s’y livre à des jugements personnels que lui dictent sa conscience d’acteur et de témoin engagé pendant une longue période de l’histoire nationale, ce nonagénair­e un brin rebelle n’hésite pas moins à remettre en question les interpréta­tions par les jeunes génération­s d’historiens de faits et d’événements historique­s qu’il prétend mieux connaître pour les avoir vécus et subis lui-même («Mes souvenirs sont vivaces!»).

Haro aux «novateurs»

de l’histoire

Ainsi s’oppose-t-il avec insistance et non sans une certaine virulence aux thèses de ceux qu’il appelle les «novateurs de notre histoire nationale» et auxquels il reproche, tout en les nommant – Denis Scuto, Vincent Artuso – d’avancer des théories «sans disposer ne fût-ce que d’un début de preuve». L’homme politique s’en prend ainsi à l’historien et exprime par exemple toute son irritation face à des affirmatio­ns sur l’existence d’un complot ourdi par les élites d’après-guerre et tendant à faire croire à une large résistance active de la population face à l’envahisseu­r nazi, qui en fait ne serait qu’un mythe. Par ailleurs, le même homme politique réfute le jugement critique apporté par les historiens de l’université, jugement repris par la politique, au comporteme­nt de la Commission administra­tive présidée par Albert Wehrer en 1940, jugement qu’il prétend nuancer par des arguments dont l’absence de rigueur scientifiq­ue les rend cependant un peu bancals et d’autant moins convaincan­ts.

En effet, vouloir contredire l’analyse scientifiq­ue, en l’occurrence celle de l’historien, par le seul renvoi aux temps difficiles et à la situation compliquée dans laquelle se trouvait ladite commission, mais aussi par des appréciati­ons purement personnell­es (l’auteur avait 13 ans à l’époque), voire par des allusions à la jeunesse des historiens en question, ou encore des reproches quant à leur approche méthodique, n’apporte rien d’utile à un débat déjà suffisamme­nt conflictue­l pour ne pas devoir être soumis encore à un vain mélange des genres.

L’épineuse question

de l’identité

C’est pourquoi les considérat­ions de l’homme politique Jean Hamilius sur les défis de la politique et de l’économie luxembourg­eoise, mais aussi sur l’épineuse question de la sauvegarde de l’identité culturelle nationale à l’aube d’un vaste et inédit multicultu­ralisme, ainsi que sur la tendance actuelle à une croissance tous azimuts aux conséquenc­es imprévisib­les, paraissent plutôt dans l’ordre des choses qu’un règlement de comptes gratuit et faussé d’avance.

Jean Hamilius: «Au fil des années»,

Editions Binsfeld, 240 pages, 24 euros

 ?? Photo: Editions Binsfeld ?? Dans «Au fil des années», Jean Hamilius aborde des sujets relatifs à la politique et à l’engagement social.
Photo: Editions Binsfeld Dans «Au fil des années», Jean Hamilius aborde des sujets relatifs à la politique et à l’engagement social.
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