Bras de fer culturel en Belgique
La droite flamande bloque de nouvelles aides au secteur culturel particulièrement malmené par la crise sanitaire
La culture belge est exsangue. Plus de trois mois après le début du confinement, seuls les musées sont rouverts et ne peuvent guère compter que sur les habitués pour survivre, en attendant le retour des touristes. Les grands festivals rock sont annulés cet été, les salles de cinéma et de théâtre ne rouvriront que partiellement le 1er juillet ... 250.000 personnes seraient touchées. 40 % des intermittents pourraient perdre leur emploi.
En Belgique, les conditions imposées aux artistes pour l’obtention des indemnités de chômage sont drastiques. Pour survivre, les plus jeunes d’entre eux travaillent dans l’horeca. Mais astreints aux règles de déconfinement, restaurants et cafés fonctionnent au ralenti et n’embauchent pas.
Dans un tel contexte, une série de nouvelles mesures de soutien financier décidées par le fédéral est particulièrement attendue par les travailleurs du secteur culturel. C’est sans compter avec la droite flamande qui vient de bloquer une proposition de loi allant dans ce sens en demandant qu’elle soit renvoyée devant le Conseil d’état. Son examen pourrait prendre jusqu’à 60 jours.
13 milliards d’euros engagés
La N-VA nationaliste flamande de Bart De Wever est à la tête des opérations. A ses côtés, on trouve le Vlaams Belang (extrême droite) mais aussi les chrétiens-démocrates du CD&V et les libéraux de l’open VLD. Tous disent craindre pour le budget. Tous veulent en savoir davantage sur l’impact financier des mesures décidées avant d’aller plus loin. A la fin mai, quelque 13 milliards d’euros avaient déjà été engagés en aides diverses dans la lutte contre le Covid, creusant fortement le déficit public du pays, de ses Régions et Communautés.
«Cette proposition a un impact budgétaire considérable», a argumenté le député nationaliste flamand Björn Anseeuw. «Nous ne pouvons pas voter ce texte sans en connaître l’impact budgétaire.»
L’attitude de la droite flamande, des plus modérés aux extrêmes, est mal reçue par les partis francophones qui concluent à une manoeuvre dilatoire. Les arguments de Bart De Wever et de ses alliés ne serviraient qu’à éviter un vote en plénière, un vote «urbi et orbi» qui serait compris comme un assassinat programmé de la culture. Une atteinte à la liberté de créer, de penser …
Ce nouveau bras de fer est à mettre en parallèle avec les relations difficiles qui se sont instaurées depuis l’été dernier entre le gouvernement flamand et les acteurs de la culture – qui est une compétence des Communautés. A l’exception du Vlaams Belang, les trois partis qui font aujourd’hui bloc contre les nouvelles aides culturelles sont au pouvoir en Flandre. Et l’opposition de rappeler que l’une des premières décisions du gouvernement Jambon fut précisément de couper dans les budgets culturels. S’en était suivie un tollé. Un accord avait finalement été trouvé, calmant les esprits.
«Garantir une protection sociale» Le PS qui est à l’origine de la proposition de loi renvoyée par la droite flamande au Conseil d’etat dénonce une «situation indigne de femmes et d’hommes politiques qui disent prendre leurs responsabilités». La députée socialiste Ludivine Dedonder pointe la N-VA, «ce parti dont on connaît le goût pour la culture (...) On ne jette pas une pièce aux artistes, on ne leur donne pas l’aumône, on doit leur garantir une protection sociale». La ministre francophone de la Culture, l’écologiste Bénédicte Linard, évoque pour sa part un «enlisement politique totalement indécent».
Nous ne pouvons pas voter ce texte sans en connaître l’impact budgétaire.
Björn Anseeuw, député nationaliste flamand