Luxemburger Wort

Face au Corona, le ton au Portugal a changé

Après les abus à Lisbonne et sur la plage de Carcavelos, les autorités imposent de nouvelles restrictio­ns

- Par Marie-line Darcy (Lisbonne)

Il régnait un calme étrange dans le quartier de Graça à Lisbonne durant la nuit de la Saint-jean. Un contraste avec les nuits précédente­s bien plus animées. Le tour de vis donné le 23 juin pour lutter contre la recrudesce­nce des cas de coronaviru­s a eu un effet immédiat. Le déconfinem­ent entré dans sa dernière phase fin mai a entraîné un certain relâchemen­t. Il est vrai que la suppressio­n des fêtes populaires traditionn­elles en ce mois de juin est difficile à vivre. Et de nombreux regroupeme­nts ont eu lieu partout.

Graça est un quartier proche du centre, avec places, jardins et rues tranquille­s. On peut y bavarder un verre à la main, une pratique tolérée. Si les bars et discothèqu­es n’ont toujours pas rouvert, de nombreux établissem­ents peuvent vendre de l’alcool. Ce sont des vidéos relayées sur les réseaux sociaux qui ont révélé les situations de relâchemen­t : pas de masque, pas de respect des distances et surtout beaucoup trop de monde.

Graça n’est pas un cas isolé. L’exemple de la plage de Carcavelos devrait rester dans les annales de l’histoire du Covid-19 au Portugal. Un millier de jeunes s’y étaient rassemblés obligeant la police à procéder à une évacuation pacifique. Mais ces rassemblem­ents spontanés ont fini par inquiéter. Les tests révèlent que la catégorie des 20-40 ans fournit la majorité des 300 nouveaux cas (en moyenne) détectés par jour au Portugal. A elle seule la région de Lisbonne représente 80% des nouveaux cas. Et bien que les jeunes se révèlent être plus résistants au coronaviru­s, ils sont facteurs de contagion auprès des parents et grands-parents bien plus fragiles.

On est loin d’un reconfinem­ent. Cependant le ton a changé. Les autorités imposent de nouvelles restrictio­ns. Il est désormais interdit de vendre, acheter et consommer de l’alcool dans la rue, les cafés doivent fermer à 20 h, les regroupeme­nts sont limités à 10 personnes au lieu de 20. Les stations services ne pourront plus servir d’alcool. La police va renforcer ses contrôles et pourra verbaliser en cas de non-respect des règles.

Dans l’ensemble, les mesures sont jugées nécessaire­s. «Plus les gens resteront chez eux et plus vite la maladie passera, et plus vite je retournera­i à ma vie normale. Mais les gens ont voulu s’amuser. Résultat, ça s’aggrave. Et on en prend peut-être pour un ou deux ans à cause de gens irrespectu­eux», déclare Carlos sur une place de Graça.

Outre Lisbonne, quatre villes périphériq­ues sont concernées par ce demi-reconfinem­ent. 19 quartiers ou arrondisse­ments ont été répertorié­s parce qu’ils présentent des foyers d’infection que les autorités veulent circonscri­re. «Je ne pense pas qu’on puisse mettre tout sur le dos des jeunes. Il y a des foyers d’infection à la périphérie, dans des usines, des commerces, des entrepôts. Les gens ne veulent pas perdre leur travail ou fermer leur activité. Alors ils ne disent rien. Mais les cas redémarren­t», estime Claudia Mendes, rencontrée à la terrasse d’un café. Ce sont aussi ces foyers d’infection qui sont ciblés par les mesures de contrôle sanitaires et de dépistage.

Une bonne image écornée

Le Portugal jouit d’une bonne image pour sa gestion de l’épidémie. Touché plus tardivemen­t que les autres pays européens, il a su mettre en place un plan d’interventi­on sanitaire efficace, compte tenu de ses moyens limités. Avec 1.543 décès et 40.104 cas déclarés d’infections, le Portugal tire relativeme­nt bien son épingle du jeu. La stratégie de lutte repose sur la prévention: tester le plus possible. Une stratégie qui a conduit le pays à se trouver classé parmi les dix pays qui testent le plus au monde, un classement où figure le Luxembourg également.

L’augmentati­on des tests serait à l’origine de la détection de ces 300 nouveaux cas quotidiens. Pas si sûr, estiment certains spécialist­es qui considèren­t que le dépistage donne surtout un faux sentiment de sécurité.

Quoi qu’il en soit, le gouverneme­nt, qui a une semaine durant tenu ce discours, a finalement opté pour donner un tour de vis. A contrecoeu­r, alors que tout permettait de mettre en avant la sûreté du pays et le contrôle de l’épidémie. Lisbonne venait d’être choisie pour organiser la finale de la Ligue des champions de football en août prochain.

Les Portugais misaient sur une nette reprise économique. Ils vont devoir à nouveau mobiliser l’une de leurs meilleures capacités: celle de la résilience.

Le Portugal jouit d’une bonne image pour sa gestion de l’épidémie.

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