Les centrales belges vulnérables
Les écologistes mettent en garde contre le danger que représentent les avions de grand gabarit
C’est la dernière controverse en date en matière nucléaire: si un avion devait se crasher sur une centrale belge, il y a de fortes probabilités que l’on assisterait à une catastrophe. Telle est la conclusion tirée par les députés écologistes Samuel Cogolati et Tinne Van der Straeten.
Si l’on en croit les Verts, ardents adversaires du nucléaire, les plus vieilles centrales – Tihange 1 (Huy) et Doel 1 et 2 (Anvers) dont l’âge avoisine les 45 ans – se montreraient particulièrement vulnérables en cas de chute d’un avion de grand gabarit. Non seulement parce que leur structure de béton en souffrirait, mais surtout parce que l’embrasement du kérosène porterait la température des lieux à un niveau dangereux. Or si les plus anciennes centrales sont susceptibles de résister au crash d’un avion de tourisme, il n’en va pas de même avec les vols commerciaux et les cargos. Les mesures de sécurité renforcées à la suite de la catastrophe de Fukushima en 2011 seraient dans certains cas insuffisantes.
Un ciel belge très encombré
Tihange 2 et 3, mais aussi Doel 3 et 4, auraient quant à elles été conçues pour résister à la chute d'un avion civil ou militaire de taille moyenne, tel un Boeing 767. Les Verts font cependant remarquer que les avions-cargos qui fréquentent l'aéroport de Bierset peuvent peser plus de 400 tonnes et emporter 192 tonnes de kérosène. En toute logique, disent-ils, il faudrait interdire le survol des sites nucléaires. En France, celui-ci est interdit sous les mille mètres d'altitude et dans un rayon de cinq kilomètres.
Problème: le ciel belge est des plus encombrés. Et cette situation ne devrait pas s’améliorer, au contraire. L’arrivée prochaine d’ali Baba à Bierset, où le géant chinois établit un hub européen, est synonyme d’une intensification du trafic de fret au-dessus de la région liégeoise. Moins de 20 kilomètres séparent Tihange de Bierset à vol d’oiseau.
Mauvaise nouvelle donc pour les centrales nucléaires belges. Une de plus. Et un paramètre supplémentaire à prendre en considération pour ceux qui parient sur le prolongement de leurs activités audelà de 2025, moment où le pays s’est pourtant engagé officiellement à abandonner l’atome. En mai dernier, le ministre de l'intérieur Pieter De Crem a rappelé qu’un tel prolongement ne pourrait se faire sans répondre aux nouvelles exigences de sécurité.
Tout ceci est la conséquence logique de l’entrée en vigueur récente de normes de sécurité révisées, lesquelles s'appuient sur la transposition en droit belge des recommandations de l'association des autorités de sûreté nucléaire des pays d’europe de l’ouest (Wenra). Elles impliquent que d’importants investissements soient faits pour permettre aux plus vieux réacteurs de résister à une catastrophe aérienne. «Nous attendons les analyses de l'exploitant quant aux mesures de sécurité existantes en cas de chute d'avion. Ce que nous pouvons dire, c'est que les réacteurs devront être conformes à la prochaine révision décennale», a expliqué à «L’echo» l'agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN).
Microbulles dans les cuves
On se rappelle par ailleurs que deux centrales – Doel 3 et Tihange 2 – ont été par le passé mises à l’arrêt de longs mois en raison de la présence de microbulles dans leurs cuves.
Ajoutons l’incertitude qui règne autour de la formation du prochain gouvernement fédéral et on comprendra que le fournisseur d’énergie Electrabel y réfléchira à deux fois avant d’investir à nouveau dans la sécurisation de son parc nucléaire. Si la N-VA de Bart De Wever soutient à demi-mots la survie de l’atome, les écologistes l’ont une fois pour toutes condamné à mort.
L’arrivée prochaine d’ali Baba à Bierset est synonyme d’une intensification du trafic de fret audessus de la région liégeoise.