Un retour aux sources
La Kulturfabrik veut avec son programme de résidences d’artistes Squatfabrik soutenir la scène culturelle et revenir à ses fondamentaux
«La Kulturfabrik doit être moins sage, plus rebelle» nous confiait il y a quelques semaines René Penning, qui le 1er mai a pris la succession de Serge Basso à la tête du centre culturel eschois. Cette volonté affichée, qui s’accompagnera aussi d’une réorientation programmatique, a pour but de renforcer l’identité du site et retrouver l’âme quelque peu contestataire de ses débuts.
C’est ainsi en pleine période de confinement qu’a finalement germé une idée qui a vu le jour il y a quelque temps: développer un vaste programme de résidences d’artistes. L’idée n’est certes pas nouvelle – nombreux sont les centres culturels du pays a y avoir pensé ces dernières saisons – la Kulturfabrik va tenter d’y apporter un éclairage peut-être nouveau.
Squatfabrik, le titre de ce programme de résidences est bien évidemment un souvenir lointain d’une époque où l’ancien abattoir eschois était squatté par un groupe d’artistes à la recherche d’espaces mais veut aussi être représentatif de l’esprit qui règne désormais au 116, rue de Luxembourg à Esch/alzette.
Depuis la mi-juin et jusqu’à la rentrée de septembre, le centre eschois invite des artistes à s’installer dans les ateliers de la Keramikfabrik, jusque-là occupés par l’asbl Autisme Luxembourg. Ces résidences de courte durée – de deux voire trois semaines – sont proposées à chaque fois à deux ou trois artistes, qui ne se connaissent pas forcément avant de se voir logés à la même enseigne. Pour la première mouture de ce programme, la règle n’est pas de mise, puisque Irina Moons, Mett Hoffmann et Nora Wagner se connaissaient déjà ou avaient eu l’occasion de travailler sur des projets communs avant de se retrouver à Esch/alzette.
Une expérience concluante
pour les premiers invités
Pour les premiers bénéficiaires du programme Squatfabrik, l’expérience est plus que concluante, comme le confirment les témoignages d’irina Moons et Mett Hoffmann (lire ci-contre) – Nora Wagner a pour sa part décliné notre proposition de rencontre.
«C’est une nouveauté, ce projet a été préparé par les trois programmateurs de la Kufa. Une première qui témoigne de la diversité artistique de l’initiative», se réjouit Fred Entringer, responsable des arts visuels, rejoint pour l’occasion par Marc Scheer, programmateur musical, et Jérôme Netgen, responsable du volet théâtre et littérature. «Jusqu’en septembre nous inviterons des artistes plasticiens, mais aussi des musiciens, des photographes, des créateurs de modes, des costumières... tous les arts doivent pouvoir être représentés.»
Fred Entringer précise: «Les oeuvres qui seront réalisées peuvent être éphémères, être des objets fonctionnels ou de la vie quotidienne. Une table conçue ici pourra par la suite être vendue au pop-up store de notre Summer Bar. A chacun sa manière de réinterpréter les lieux ou de se les approprier».
Les espaces où se déroulent actuellement ces résidences ne sont certes pas immenses, mais possèdent au-delà d’une fonctionnalité évidente pourtant un charme certain et offrent aux artistes invités de fort nombreuses possibilités d’utilisation. «Ces lieux sont inspirants pour tous ceux qui s’y installent», estime le programmateur avant de poursuivre: «Ce bâtiment central du centre, qui jadis
Fred Entringer est l’un des trois programmateurs de la Kufa à l’origine du projet. accueillait aussi la galerie Terresrouges, va peu à peu se développer. Notre but n’est plus seulement d’en faire un espace d’exposition, mais bien davantage un lieu de création vivante». A l’image des salles de répétitions pour les groupes de musique installés sur le site.
Dans le choix des artistes à convier, les trois programmateurs ont veillé à retenir uniquement des locaux. «Nous avons cherché une solution pour soutenir des créateurs du pays, luxembourgeois ou étrangers résidents ici. Avec la crise que nous vivons aujourd’hui, pour beaucoup la situation financière est délicate et difficile, leurs projets ayant tous ou en partie été annulés», précise Fred Entringer. D’où le choix de rémunérer les artistes pour leur résidence.
Un des buts principaux du programme Squatfabrik est au travers de la diversité des arts de provoquer des rencontres inédites et pourquoi pas des confrontations entres des personnalités diverses le temps d’un confinement d’un genre nouveau.
«Les artistes sont amenés à vivre ensemble deux ou trois semaines. Ils s’installent avec leurs intérêts respectifs, avec leur histoires personnelles. Nous leur donnons carte blanche pour élaborer leurs idées, leurs projets. Tout en espérant des échanges productifs entres eux. Le processus créatif est donc bien plus important que le résultat final», fait valoir Fred Entringer, qui n’exclut pas que certaines de ces rencontres provoquées pourront se solder par des échecs. «Ici en Europe, l’échec reste mal vu, il ne fait pas partie de notre culture. Et pourtant, échouer permet tout de même de progresser», explique le programmateur, un brin doux rêveur.
«Il est impossible d’anticiper les scénarios. Il faut être prêt à prendre des risques, sortir de sa zone de confort et ne pas vouloir tout contrôler. Pour le moment, on n’a aucune idée à quoi vont ressembler ces échanges que nous provoquons», estime avec précaution le programmateur.
Les artistes sont amenés à vivre ensembles deux ou trois semaines. Ils s’installent ici avec leurs intérêts et leurs histoires.
Fred Entringer, programmateur à la Kulturfabrik
Un laboratoire de la création d’aujourd’hui
«Bien sûr, cela peut paraître utopique. Mais cette approche est aussi le reflet de ce à quoi la Kulturfabrik va essayer de ressembler à l’avenir: un laboratoire de la création d’aujourd’hui. Le programme Squatfabrik n’est qu’un début, on ne va pas s’arrêter en chemin.»
Tout au long de leur résidence, Irina Moons, Mett Hoffmann et Nora Wagner ont eu l’occasion de voir défiler dans l’ancien Keramikatelier réaffecté un public de curieux ou de clients du Summer Bar installé dans la cour du centre. La dernière rencontre aura lieu le samedi 4 juillet à partir de 18 heures avec un «Get Out!» de clôture. Les trois artistes auront l’occasion de présenter une dernière fois leurs créations et les objets qu’ils auront confectionnés tout au long de leur séjour.
La Squatfabrik se clôturera en septembre après avoir accueilli et soutenu près de 15 artistes d’horizons différents. Une suite du programme de résidences d’artistes est d’ores et déjà envisagée. «On pense à développer l’idée et à l’ouvrir à des artistes étrangers. Mais, pour l’instant rien n’est encore définitivement décidé», précise Fred Entringer.
Du 6 au 18 juillet, la Kulturfabrik accueillera pour le deuxième volet de la Squatfabrik les artistes plasticiennes Trixi Weis et Letizia Romanini, ainsi que la maquilleuse et costumière Alexandra Lichtenberger.
► www.kulturfabrik.lu