Ces messages que Macron ne peut plus ignorer
La «macronie» communique par messages subliminaux : quiconque sait les décrypter avait deviné, au plus tard au second tour des municipales, quand Edouard Philippe ne cessait de dire qu’il retrouverait avec «bonheur» sa mairie du Havre, que le même Philippe bientôt ne serait plus à Matignon. Le voici remplacé, par un successeur qui lui ressemble. Homme de centre-droit en effet, «énarque» et issu du sérail de ceux que nos voisins appellent «les grands serviteurs de l’Etat», Jean Castex, le nouveau Premier ministre, n’est pas sans rappeler le profil de l'ancien, ce dont la gauche bien vite a déduit, lors de sa nomination hier matin, qu’Emmanuel Macron n’avait rien entendu aux messages – en toutes lettres – que la France lui avait adressés, au plus fort de la crise des gilets jaunes et, plus récemment, lors d’un scrutin municipal marqué par une forte percée des écologistes. Ce diagnostic – d’une surdité du président – est toutefois prématuré. S’agissant des appels à une France plus verte, c’est la composition du gouvernement qui dira s'ils sont pris en compte ou ignorés. Rien pour l’heure n’interdit l’hypothèse d’un grand ministère intégrant l’Environnement à l’Economie, qui le cas échéant attesterait la volonté de mettre en oeuvre une écologie qui ne fût pas simplement «décorative» – cette écologie rhétorique dont Nicolas Hulot un temps durant aura été, à son corps défendant, la figure malheureuse. Quant à l’appel à une France plus juste, plus solidaire et moins inégalitaire, une France qui rendrait justice à ces travailleurs – infirmières, livreurs, éboueurs – qui durant les mois révolus auront été, à peu de frais, en première ligne de la «guerre» contre la pandémie, rien aujourd’hui n’autorise à dire, là encore, qu’il n’a pas été entendu. Jean Castex est un homme de «droite» certes, mais celle-ci en France est plurielle, dans la mesure où sa forme «pure et dure» n’a jamais eu raison d’une école plus «sociale», dont Castex est précisément une incarnation, en attendant de voir sa nomination confirmée comme un véritable signal de la part de Macron. Celui-ci peut être intransigeant – son obstination à parachever la réforme de la retraite le montre – il n’est pas suicidaire pour autant: traiter par le mépris les appels que la France lui a adressés reviendrait à signer sa fin politique, perspective improbable au moment où le président tout au contraire prépare sa réélection.