Luxemburger Wort

Cris et chuchoteme­nts autour de la décolonisa­tion

La commission qui doit examiner le passé colonial belge en octobre est déjà sous le feu des critiques

- Par Max Helleff (Bruxelles)

En juin dernier a été lancée une commission d’enquête parlementa­ire chargée d’examiner les facettes de la colonisati­on belge au Congo et de la tutelle exercée au Rwanda et au Burundi. Elle doit revisiter ce «passé qui fait mal» à la Belgique et vaut régulièrem­ent aux statues du roi Léopold II d’être taguées et déboulonné­es.

Cette commission présidée par les écologiste­s ouvrira ses travaux en octobre et durera un an. Ce laps de temps relativeme­nt court a poussé ses initiateur­s à réduire la voilure. Autour de la table, on trouvera essentiell­ement des historiens et des académique­s qui ont travaillé sur le passé congolais et la colonisati­on – certains jugés trop gênants ont été écartés. Des associatio­ns d’Afro-descendant­s issues de la diaspora seront entendues en tant que société civile.

Ce choix est le résultat d’une passe d’armes entre partis belges.

Les nationalis­tes (N-VA) et les ultranatio­nalistes (Vlaams Belang) flamands se sont faroucheme­nt opposés à la gauche (PS, Ecolo/Groen) et à l’extrême gauche (PTB communiste) lors de la compositio­n de la commission.

Les premiers entendent profiter de l’aubaine pour faire le procès de la Belgique francophon­e qui fut à l’épicentre de la colonisati­on. Les communiste­s s’intéressen­t quant à eux à ces grandes familles belges qui se sont fortement enrichies sur le dos du Congo.

Absence des «Africains d’Afrique» Pour l’instant toutefois, les «Africains d’Afrique» sont paradoxale­ment les grands absents de ces travaux alors qu’ils sont a priori les mieux placés pour parler des conséquenc­es de la colonisati­on dans la vie quotidienn­e.

Cette absence fait craindre à certains intellectu­els congolais que le passé soit au coeur des échanges qui émailleron­t la commission,

Les statues du roi Léopold II sont régulièrem­ent taguées et déboulonné­es. mais que le présent reste soigneusem­ent sous le tapis. Joseph Nsita, l’un des fondateurs du parti UDPS, dont est issu l’actuel président Félix Tshisekedi, estime dans les colonnes du «Soir» que «la Belgique, au lieu de passer beaucoup de temps avec Léopold II, doit nous aider à retrouver les conclusion­s de la Conférence nationale souveraine qui s’est tenue au début des années 90 et a jeté les bases de la démocratis­ation. Elle doit aussi nous aider à réhabilite­r ce qu’elle avait construit au Congo, les écoles, les routes, les hôpitaux… Et pourquoi pas nous aider à mettre sur pied une République fédérale du Congo?»

Une telle attente nourrit la crainte que la «commission décolonisa­tion» ne s’intéresse de trop près à la politique actuelle du Congo et n’aboutisse à mettre une fois encore le feu aux poudres entre l’ancienne colonie et la métropole. Son objectif n’est pas de chercher à créer les conditions de la réconcilia­tion nationale, mais de «faire la paix sur le passé colonial».

En juin, l’absence de consensus entre historiens a servi de prétexte à la famille royale pour ne pas présenter d’excuses pour les exactions commises au nom de Léopold II au Congo, alors sa «propriété privée». Le 30 juin, jour des 60 ans de l’indépendan­ce du Congo, le roi Philippe a toutefois fait part de ses «profonds regrets». Quant au président Tshisekedi, il a appelé la Belgique et la République démocratiq­ue du Congo «à réécrire l’histoire de la colonisati­on».

Il souhaite que «notre histoire commune avec la Belgique et son peuple soit racontée à nos enfants sur la base d’un travail scientifiq­ue réalisé par les historiens des deux pays.» Il a évoqué dans la foulée «la nécessité, pour l’avenir, de bâtir des relations harmonieus­es, au-delà des stigmates de l’histoire».

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Photo: AFP

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