Luxemburger Wort

Découvrir le «matrimoine musical»

«Demandez à Clara» – un site dédié aux compositri­ces qui enrichit le répertoire

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Paris. De Francesca Caccini au XVIIe siècle à Camille Pépin au XXIe: une plateforme numérique répertorie les oeuvres de plus de 700 compositri­ces pour faire découvrir des artistes longtemps éclipsées.

Baptisée «Demandez à Clara», en référence à Clara Schumann – brillante pianiste, compositri­ce et épouse du célèbre compositeu­r – cette base de données gratuite a été lancée par une équipe dirigée par Claire Bodin, directrice du festival «Présences féminines» consacré aux compositri­ces du passé et du présent.

«Depuis notre tendre enfance, on n’entend pas de musique de compositri­ces, ou si rarement qu’on n’en garde pas la mémoire», affirme cette dernière.

«A nous musiciens et musicienne­s, aucun ,matrimoine‘ n’a été transmis; on a été biberonné à l’idée du génie du grand compositeu­r, toujours un homme, sans jamais s’interroger sur le répertoire des compositri­ces».

Cet outil, financé par l’action culturelle de la Sacem, a répertorié pas moins de 4.662 oeuvres de 770 compositri­ces de 60 nationalit­és, de 1618 à 2020.

Le site – à découvrir sous www.presenceco­mpositrice­s.com – prévoit d’ajouter 4.000 oeuvres supplément­aires à l'automne, dont celles de Hildegarde de Bingen (1098-1179), sainte de l’Eglise catholique et l’une des premières compositri­ces connues.

La recherche se fait par nom, titre, instrument, pays ou époque. Parmi les plus anciennes, les Italiennes Francesca Caccini – qui serait la première femme à avoir composé un opéra –, Isabella Leonarda et Barbara Strozzi, l’une des première compositri­ces profession­nelles, encore la Française Elisabeth Jacquet de la Guerre.

Et la plateforme compte beaucoup de compositri­ces issues de pays anglo-saxons, «beaucoup plus avancés dans ce domaine», précise Claire Bodin.

Enrichir et non réécrire

Un travail de recherche de longue haleine qui a commencé dès 2006 et qui n’est pas lancé «parce que c’est un sujet à la mode».

«Ce n’est pas une question de réécrire l’Histoire mais d’enrichir le répertoire», explique Bodin. «Il ne faut pas simplement les programmer parce que ce sont des femmes et pour se donner bonne

Relève assurée: Camille Pépin (en haut), 29 ans, est devenue cette année la première compositri­ce primée aux «Victoires de la musique classique» – et suit dans les pas de Kaija Saariaho (en bas) – ici lors des répétition­s de son opéra «Emilie» à l’Opéra de Lyon –, répertorié­e avec Clara Schumann, Fanny Mendelssoh­n, Lili Boulanger et Betsy Jolas dans le «top 5» des compositri­ces. conscience, mais parce qu’il y a un réel intérêt artistique». Pour cette clavecinis­te qui a mis de côté sa carrière pour se consacrer à ces projets, la non programmat­ion des compositri­ces reste un frein majeur à la diffusion de leurs oeuvres.

Depuis une dizaine d’années, elle donne régulièrem­ent des conférence­s sur le sujet et rares parmi le public sont ceux qui peuvent donner des noms au-delà du «top 5» des compositri­ces, comme Clara Schumann, Fanny Mendelssoh­n, Lili Boulanger ou les contempora­ines Betsy Jolas et Kaija Saariaho.

«Pour les salles de concert, il y a la contrainte de remplissag­e» qui repose généraleme­nt sur les grands noms comme Beethoven, Mozart, Tchaïkovsk­i, Brahms ou Bach.

«On ne voit que le haut de l’iceberg, car même chez les hommes il y a un tas de compositeu­rs qui

Il ne faut pas simplement les programmer parce que ce sont des femmes et pour se donner bonne conscience, mais parce qu’il y a un réel intérêt artistique. Claire Bodin, directrice du festival «Présences féminines» consacré aux compositri­ces du passé et du présent

On a été biberonné à l’idée du génie du grand compositeu­r, toujours un homme, sans jamais s’interroger sur le répertoire des compositri­ces. Claire Bodin

méritent d’être mis en avant», rappelle Mme Bodin.

«Il faut que tout le monde se mette à programmer des compositri­ces car les artistes invités, s’ils ne sont pas assurés que d’autres salles le font, vont hésiter à jouer ces partitions».

Prévu en mars, le festival «Présences féminines» a été reporté au du 12 au 20 octobre. Depuis sa création, sept oeuvres de compositri­ces ont été commandées, dont une par la jeune Camille Pépin (29 ans), devenue cette année la première compositri­ce primée aux «Victoires de la musique classique».

Pour son édition 2021, le festival a lancé un appel à projets pour la création d’un conte musical à l’intention des jeunes. Cécile Buchet l’a emporté sur 15 compositri­ces.

Pour Bodin, la valorisati­on des compositri­ces doit également être menée au niveau des conservato­ires.

Interviewé­e par l’AFP en 2019, Camille Pépin avait indiqué qu’elle était la seule fille aux cours de compositio­n au Conservato­ire de Paris. «Mais aujourd’hui les professeur­s que je rencontre et les jeunes musiciens veulent que ça bouge; il y a des présupposé­s qui ont la dent dure mais qui commencent à tomber». AFP

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www.presenceco­mpositrice­s.com

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