Luxemburger Wort

Pompéi d’hier et d’aujourd’hui

A Paris, une exposition immersive remonte le temps: promenade passionnan­te, émouvante, surprenant­e

- Par Sophie Guinard (Paris)

Le grand Palais de Paris propose actuelleme­nt de visiter Pompéi d’une manière peu commune, essentiell­ement par le biais de procédés numériques – films, écrans interactif­s, reconstitu­tions géantes et reconstitu­tions 3D, effets sonores,… Très peu d’objets sont présentés, l’accent étant mis sur l’immersion du visiteur dans la vie trépidante de la cité antique et son arrêt brutal d’une part, et dans le travail des archéologu­es lors des dernières fouilles d’autre part.

C’est ainsi le paradoxe de la catastroph­e qui a enseveli Pompéi que de permettre aujourd’hui de si bien connaître le quotidien de ses habitants. Remontons le temps: nous sommes en 79 de notre ère dans une petite ville de l’empire romain, comme il en existe beaucoup d’autres. Elle s’appelle Pompéi; elle n’a rien d’extraordin­aire si ce n’est que dans quelques heures le volcan qui la domine va entrer en éruption et enfouir sous six mètres de pierres et de cendres, soit quatre kilomètres cubes, ses monuments et ses maisons, ses habitants et leurs objets quotidiens. Ce ne sera que dix-sept siècles plus tard que des fouilles permettron­t peu à peu de mettre à jour la ville entière, figée dans son intégrité pour l’éternité…

L’exposition est construite autour d’une piazza sur laquelle se trouve le théâtre. Le visiteur est invité à s’asseoir sur les gradins pour découvrir ce très beau panorama: le Vésuve se détachant derrière une riche maison avec, au premier plan, la statue de Livie, la femme de l’empereur Auguste.

Mais voilà que soudaineme­nt cette sereine quiétude prend fin, un grondement terrifiant emplit l’espace, les pierres ponces volent au-dessus des têtes, puis la coulée

Une rue avec vue sur le volcan. pyroclasti­que envahit l’ensemble… de l’exposition! Ce procédé, moment charnière du parcours, invite ainsi de manière spectacula­ire le visiteur au coeur du drame pompéien. Car avant d’atteindre cette place, il aura marché dans la rue des Balcons et croisé des habitants vaquant à leurs occupation­s: soldats patrouilla­nt dans un cliquetis d’armes, couple devisant, esclave laçant la chaussure d’un homme, ouvriers réparant la chaussée, charrette remplie d’amphores tirée par un âne…

Les acteurs au destin tragique prennent vie

Ces acteurs au destin tragique prennent vie à travers leurs ombres qui déambulent à échelle réelle sur les murs, s’interpella­nt de façon tout à fait concrète, voire perturbant­e. Au milieu de la rue, des vitrines montrent des objets trouvés lors des dernières fouilles, comme un somptueux cratère en bronze orné de scènes en relief – un unicum –, des panneaux de meubles, des bijoux, du mobilier ou encore une mosaïque décorant une fontaine… Autant de pièces témoignant d’un art de vivre raffiné. Cette magnificen­ce est confirmée, si besoin en était, par un kaléidosco­pe de fresques – dont celle de Vénus sur son char, récemment découverte – aux couleurs, à la touche et aux détails, mais aussi aux éclats et aux fissures, qui éblouissen­t l’oeil du visiteur grâce à un gigantesqu­e jeu de projection­s et de miroirs.

Pompéi était vivante, Pompéi a été submergée, et maintenant Pompéi va être exhumée. C’est l’objet de la troisième partie de l’exposition. La rue des Balcons est toujours là, mais nous sommes maintenant dans les années 2017-2018. Flashback: les premières fouilles de Pompéi datent officielle­ment de 1748, elles vont se poursuivre tout au long des 19e et 20e siècles. Et c’est seulement en 1997 que Pompéi est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.

Malgré ses quatre millions de visiteurs chaque année, le site manque cruellemen­t de moyens, comme en témoigne l’écroulemen­t de la maison des Gladiateur­s en 2010. Cet évènement fait l’effet d’un électrocho­c: un grand chantier de restaurati­on et de mise en sécurité est lancé, associé à une campagne de fouille qui met au jour un nouveau quartier.

C’est ainsi que sont découverte­s des inscriptio­ns de propagande électorale tendant à confirmer que l’éruption s’est produite le 24 octobre 79 et non le 24 août, date établie d’après les écrits de Pline le Jeune.

Retour dans l’exposition: les ombres qui s’agitent sur les murs sont maintenant celles des archéologu­es et des ouvriers, elles se meuvent dans une ambiance sonore faite de chants d’oiseaux et de cigales, de cris et de coups de pioche. Des films viennent expliquer la redécouver­te de la ville, le travail des archéologu­es, des restaurate­urs…

Bacchus et Ariane avec un satire, 1er siècle après J.-C., plaque de verre, Pompéi, Parchéolog­ique de Pompéi. D’autres permettent la visite de maisons reconstitu­ées, détaillent l’art de la peinture ou de la mosaïque…

Une section très intéressan­te est consacrée à six lauréats du Prix de Rome qui, entre 1824 et 1910, ont choisi Pompéi comme sujet d’étude. Ces jeunes architecte­s – Félix-Emmanuel Callet, Léon Jaussly, Fançois-Wilbord Chabrol, Paul-Emile Bonnet, Jules-Léon Chifflot et Victor-Auguste Blavette – ont ainsi laissé des travaux aux qualités documentai­res pertinente­s permettant de découvrir au fil des années l’avancement des fouilles, les découverte­s archéologi­ques et l’intérêt croissant pour la vie sociale des Pompéiens.

Promenade immersive passionnan­te

Cette promenade immersive est absolument passionnan­te, servie par une mise en scène convaincan­te, spectacula­ire même quand il s’agit de l’éruption du Vésuve (tous les quarts d’heure). A chaque étape, que ce soit dans les quatre domus situées de part et d’autre de la rue principale – introducti­on sur Pompéi en général (I), fouilles et découverte­s archéologi­ques (II et III) et fresques (IV) – ou près des vitrines où sont exposés les objets, des

panneaux explicatif­s complets et pédagogiqu­es viennent enrichir le propos. Ainsi les décoration­s de la maison, les banquets, les plaisirs des jardins, les Romaines et la beauté, les objets en bronze du quotidien, les parfums et les onguents, les amulettes et la musique (flûtes en bronze et en os) ou encore les fresques, n’auront plus de secrets pour le visiteur!

L’exposition – précisons que son commissair­e est le professeur Massimo Osanna, directeur général du Parc archéologi­que de Pompéi – fait donc revivre de manière éloquente et didactique ce lieu mythique à plusieurs moments de son histoire. Cet

Il est arrivé bien des malheurs dans le monde, mais peu qui aient procuré autant de plaisir à la postérité. J. W. von Goethe, à la suite de sa visite de Pompéi en 1787

incroyable arrêt sur image que constitue la cristallis­ation de toute la ville et de ses habitants en 79 de notre ère est un témoignage historique exceptionn­el que les archéologu­es savent aujourd’hui, grâce à des moyens technologi­ques de pointe, faire parler. Et ils partagent ici leurs connaissan­ces avec un public qui se prend au jeu de la compréhens­ion et de l’émotion. Petit plus: du 16 septembre au 14 octobre (sur réservatio­n en ligne et muni de son billet d’entrée), le visiteur pourra devenir archéologu­e durant cinq minutes. Armé d’une lampe-torche temporelle, il explorera de manière virtuelle et interactiv­e les vestiges d’une maison pour faire réapparaît­re peu à peu la domus antique meublée et décorée telle qu’elle l’était en 79. « Il est arrivé bien des malheurs dans le monde, mais peu qui aient procuré autant de plaisir à la postérité » écrivait Goethe à la suite de sa visite de Pompéi en 1787… C’est toujours d’actualité.

«Pompéi», jusqu’au 2 novembre. Grand Palais, entrée square Jean Perrin, Paris. Tous les jours (sauf le mardi) de 10 à 20 heures et nocturne jusqu’à 22 heures le mercredi. Entrée à 14 et 10 euros (réduit). La réservatio­n est obligatoir­e pour tous. Le port du masque est obligatoir­e à partir de 11 ans. Plus d’infos sous

www.grandpalai­s.fr

La Déesse Vénus sur son char tiré par des éléphants, 1er siècle après J.-C., atelier des Feutriers, façade Pompéi, Parc archéologi­que de Pompéi.

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Photo: (c) Parco archeologi­co de Pompei, Archivio Fotografic­o
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