Pompéi d’hier et d’aujourd’hui
A Paris, une exposition immersive remonte le temps: promenade passionnante, émouvante, surprenante
Le grand Palais de Paris propose actuellement de visiter Pompéi d’une manière peu commune, essentiellement par le biais de procédés numériques – films, écrans interactifs, reconstitutions géantes et reconstitutions 3D, effets sonores,… Très peu d’objets sont présentés, l’accent étant mis sur l’immersion du visiteur dans la vie trépidante de la cité antique et son arrêt brutal d’une part, et dans le travail des archéologues lors des dernières fouilles d’autre part.
C’est ainsi le paradoxe de la catastrophe qui a enseveli Pompéi que de permettre aujourd’hui de si bien connaître le quotidien de ses habitants. Remontons le temps: nous sommes en 79 de notre ère dans une petite ville de l’empire romain, comme il en existe beaucoup d’autres. Elle s’appelle Pompéi; elle n’a rien d’extraordinaire si ce n’est que dans quelques heures le volcan qui la domine va entrer en éruption et enfouir sous six mètres de pierres et de cendres, soit quatre kilomètres cubes, ses monuments et ses maisons, ses habitants et leurs objets quotidiens. Ce ne sera que dix-sept siècles plus tard que des fouilles permettront peu à peu de mettre à jour la ville entière, figée dans son intégrité pour l’éternité…
L’exposition est construite autour d’une piazza sur laquelle se trouve le théâtre. Le visiteur est invité à s’asseoir sur les gradins pour découvrir ce très beau panorama: le Vésuve se détachant derrière une riche maison avec, au premier plan, la statue de Livie, la femme de l’empereur Auguste.
Mais voilà que soudainement cette sereine quiétude prend fin, un grondement terrifiant emplit l’espace, les pierres ponces volent au-dessus des têtes, puis la coulée
Une rue avec vue sur le volcan. pyroclastique envahit l’ensemble… de l’exposition! Ce procédé, moment charnière du parcours, invite ainsi de manière spectaculaire le visiteur au coeur du drame pompéien. Car avant d’atteindre cette place, il aura marché dans la rue des Balcons et croisé des habitants vaquant à leurs occupations: soldats patrouillant dans un cliquetis d’armes, couple devisant, esclave laçant la chaussure d’un homme, ouvriers réparant la chaussée, charrette remplie d’amphores tirée par un âne…
Les acteurs au destin tragique prennent vie
Ces acteurs au destin tragique prennent vie à travers leurs ombres qui déambulent à échelle réelle sur les murs, s’interpellant de façon tout à fait concrète, voire perturbante. Au milieu de la rue, des vitrines montrent des objets trouvés lors des dernières fouilles, comme un somptueux cratère en bronze orné de scènes en relief – un unicum –, des panneaux de meubles, des bijoux, du mobilier ou encore une mosaïque décorant une fontaine… Autant de pièces témoignant d’un art de vivre raffiné. Cette magnificence est confirmée, si besoin en était, par un kaléidoscope de fresques – dont celle de Vénus sur son char, récemment découverte – aux couleurs, à la touche et aux détails, mais aussi aux éclats et aux fissures, qui éblouissent l’oeil du visiteur grâce à un gigantesque jeu de projections et de miroirs.
Pompéi était vivante, Pompéi a été submergée, et maintenant Pompéi va être exhumée. C’est l’objet de la troisième partie de l’exposition. La rue des Balcons est toujours là, mais nous sommes maintenant dans les années 2017-2018. Flashback: les premières fouilles de Pompéi datent officiellement de 1748, elles vont se poursuivre tout au long des 19e et 20e siècles. Et c’est seulement en 1997 que Pompéi est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
Malgré ses quatre millions de visiteurs chaque année, le site manque cruellement de moyens, comme en témoigne l’écroulement de la maison des Gladiateurs en 2010. Cet évènement fait l’effet d’un électrochoc: un grand chantier de restauration et de mise en sécurité est lancé, associé à une campagne de fouille qui met au jour un nouveau quartier.
C’est ainsi que sont découvertes des inscriptions de propagande électorale tendant à confirmer que l’éruption s’est produite le 24 octobre 79 et non le 24 août, date établie d’après les écrits de Pline le Jeune.
Retour dans l’exposition: les ombres qui s’agitent sur les murs sont maintenant celles des archéologues et des ouvriers, elles se meuvent dans une ambiance sonore faite de chants d’oiseaux et de cigales, de cris et de coups de pioche. Des films viennent expliquer la redécouverte de la ville, le travail des archéologues, des restaurateurs…
Bacchus et Ariane avec un satire, 1er siècle après J.-C., plaque de verre, Pompéi, Parchéologique de Pompéi. D’autres permettent la visite de maisons reconstituées, détaillent l’art de la peinture ou de la mosaïque…
Une section très intéressante est consacrée à six lauréats du Prix de Rome qui, entre 1824 et 1910, ont choisi Pompéi comme sujet d’étude. Ces jeunes architectes – Félix-Emmanuel Callet, Léon Jaussly, Fançois-Wilbord Chabrol, Paul-Emile Bonnet, Jules-Léon Chifflot et Victor-Auguste Blavette – ont ainsi laissé des travaux aux qualités documentaires pertinentes permettant de découvrir au fil des années l’avancement des fouilles, les découvertes archéologiques et l’intérêt croissant pour la vie sociale des Pompéiens.
Promenade immersive passionnante
Cette promenade immersive est absolument passionnante, servie par une mise en scène convaincante, spectaculaire même quand il s’agit de l’éruption du Vésuve (tous les quarts d’heure). A chaque étape, que ce soit dans les quatre domus situées de part et d’autre de la rue principale – introduction sur Pompéi en général (I), fouilles et découvertes archéologiques (II et III) et fresques (IV) – ou près des vitrines où sont exposés les objets, des
panneaux explicatifs complets et pédagogiques viennent enrichir le propos. Ainsi les décorations de la maison, les banquets, les plaisirs des jardins, les Romaines et la beauté, les objets en bronze du quotidien, les parfums et les onguents, les amulettes et la musique (flûtes en bronze et en os) ou encore les fresques, n’auront plus de secrets pour le visiteur!
L’exposition – précisons que son commissaire est le professeur Massimo Osanna, directeur général du Parc archéologique de Pompéi – fait donc revivre de manière éloquente et didactique ce lieu mythique à plusieurs moments de son histoire. Cet
Il est arrivé bien des malheurs dans le monde, mais peu qui aient procuré autant de plaisir à la postérité. J. W. von Goethe, à la suite de sa visite de Pompéi en 1787
incroyable arrêt sur image que constitue la cristallisation de toute la ville et de ses habitants en 79 de notre ère est un témoignage historique exceptionnel que les archéologues savent aujourd’hui, grâce à des moyens technologiques de pointe, faire parler. Et ils partagent ici leurs connaissances avec un public qui se prend au jeu de la compréhension et de l’émotion. Petit plus: du 16 septembre au 14 octobre (sur réservation en ligne et muni de son billet d’entrée), le visiteur pourra devenir archéologue durant cinq minutes. Armé d’une lampe-torche temporelle, il explorera de manière virtuelle et interactive les vestiges d’une maison pour faire réapparaître peu à peu la domus antique meublée et décorée telle qu’elle l’était en 79. « Il est arrivé bien des malheurs dans le monde, mais peu qui aient procuré autant de plaisir à la postérité » écrivait Goethe à la suite de sa visite de Pompéi en 1787… C’est toujours d’actualité.
«Pompéi», jusqu’au 2 novembre. Grand Palais, entrée square Jean Perrin, Paris. Tous les jours (sauf le mardi) de 10 à 20 heures et nocturne jusqu’à 22 heures le mercredi. Entrée à 14 et 10 euros (réduit). La réservation est obligatoire pour tous. Le port du masque est obligatoire à partir de 11 ans. Plus d’infos sous
www.grandpalais.fr
La Déesse Vénus sur son char tiré par des éléphants, 1er siècle après J.-C., atelier des Feutriers, façade Pompéi, Parc archéologique de Pompéi.