Homme encadré sur fond blanc
Un spectacle sans paroles porté par un puissant souffle créatif au Théâtre d’Esch-sur-Alzette
Un nombreux public s’est donné rendez-vous jeudi soir au Théâtre d’Esch pour le spectacle du magicien et comédien franco-suisse Pierric. Intitulée «Homme encadré sur fond blanc», l’histoire s’est déroulée comme des variations contrastées sur le thème de l’homme solitaire qui cherche à sortir de la pièce dans laquelle il se trouve enfermé, un thème qui s’est révélé malheureusement très actuel en cette année de pandémie et de confinement.
Grâce à ses merveilleux talents de mime et d’illusionniste, Pierric Tenthorey a imaginé un spectacle muet où l’humour et la poésie rayonnent sans discontinuer, illuminant avec tendresse le désespoir et l’anxiété d’un personnage enfermé.
Foisonnant d’idées, l’artiste est parti d’un schéma minimaliste: chapeau noir tombé au sol, complet noir d’où émerge la tête d’un homme vu de dos, réaction du personnage face au public… suit l’interaction souvent émotionnelle avec les portes et leur poignée en forme de boule, avec le cube blanc qui trône sur le côté de la scène, ou encore la réaction mordante face au faisceau lumineux qui semble tenir le rôle d’observateur impitoyable.
Après avoir présenté ces éléments avec une simplicité désarmante, chaque geste bénéficiant d’une fluidité et d’une pureté de ligne admirables, Pierric a construit une série d’enchaînements de plus en plus complexes, accélérant ou freinant le rythme de l’action, l’égayant de tours de magie avec des balles et de prouesses physiques éblouissantes, n’oubliant jamais d’inviter le public à se sentir complice de ces exploits, tout en évitant de tomber dans le piège d’une sentimentalité inutile.
Balles capricieuses, doigts espiègles et membres insoumis
L’éclairage a joué un rôle primordial tout au long du spectacle, faisant surgir des portes colorées ou non, soulignant l’importance de tel ou tel élément, insistant sur certains détails pour mieux mettre en valeur les effets dont Pierric a généreusement agrémenté le fil conducteur de l’histoire.
C’est ainsi qu’aux côtés de balles capricieuses, de doigts espiègles et de membres insoumis, les spectateurs ont pu admirer de brillants tours de passe-passe avec une canne à pommeau et des pas de danse dignes de Fred Astaire.
Passant sans aucun effort d’un état d’esprit timide, vif et enjoué ou taquin à celui paresseux, blasé, voire irrité, Pierric a su rendre attachant le caractère de chaque personnage, brossant des portraits aisément identifiables, sans les alourdir par une saillie de mauvais goût. Cette intelligence humaine aigüe, preuve d’une sensibilité exceptionnelle de l’artiste, a été par ailleurs accompagnée par des prouesses physiques éblouissantes.
Après s’être attendri sur les aventures tantôt cocasses, tantôt anxieuses du personnage enfermé, le suspense d’un finale digne de cette palette impressionnante de possibilités s’est inévitablement présenté. Pierric, ayant réalisé l’exploit de sortir, enfin, par la porte se tenant sur le côté cour de la scène, s’est aperçu qu’elle donnait… sur le côté jardin!
Cette amère désillusion l’a finalement poussé à courageusement affronter l’ultime sortie restant à sa disposition, le cube à couvercle qui recrache les objets qu’on lui lance en les faisant tomber du plafond… dernière surprise, seul le chapeau de Pierric est retombé sur scène, mettant ainsi un point final à une soirée aussi brillante qu’émouvante.