Le Noël rigoriste d’Alexander De Croo
En dépit des pressions francophones, le Premier ministre belge n’entend pas revoir les règles sanitaires fixées pour le réveillon
Alexander De Croo se souviendra longtemps de ce Noël synonyme de discorde. Depuis qu’il a annoncé que le réveillon ne se célèbrera pas en famille – du moins élargie – le Premier ministre encaisse les coups de son partenaire libéral francophone. Ce week-end, c’est le ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles PierreYves Jeholet qui a demandé une nouvelle réunion au sommet avec l’espoir d’assouplir les mesures sanitaires d’application jusqu’au 15 janvier. La question est évidemment sensible, tant la symbolique de Noël est importante.
Mais Alexander De Croo et son ministre de la Santé, le socialiste flamand Frank Vandenbroucke, tiennent bon. Ce dernier exclut un assouplissement de dernière minute avant les fêtes, le risque étant trop grand d’assister à un rebond viral à la faveur des retrouvailles. La règle ne varie pas: Un ménage pourra accueillir une personne, deux pour les isolés. Les feux d’artifice seront interdits au Nouvel An.
Le Premier ministre De Croo refuse de descendre sur le terrain émotionnel. A ceux qui réclament «plus d’humanité», il rétorque: «C’est quoi l’humanité ? Est-ce que ce n’est pas de se dire qu’on va changer notre comportement et éviter de mettre en péril la vie des personnes les plus vulnérables?»
La fronde libérale francophone n’aurait rien d’isolé. Du moins le Mouvement réformateur l’assuret-il. Il se dit appuyé par deux autres partenaires de la coalition au pouvoir: le PS, mais aussi Ecolo. Ce dernier a cependant fait savoir qu’il se distanciait des déclarations libérales. «Ni cacophonie ni petit jeu politique. Les citoyens et le personnel médical méritent mieux», ont tweeté les écologistes.
«La lasagne politique belge a coûté des vies»
Ces dissensions font mauvais genre au moment où Alexander De Croo tente de montrer qu’il a la situation en main. La Belgique ne veut plus être ce mauvais élève de la lutte contre le covid, alors que le bilan humain dépasse les 17.000 décès. Le gouvernement «Vivaldi» espère commencer la vaccination le 5 janvier.
Alexander De Croo précise toutefois que cette date correspond «au meilleur scénario». Il faudra en effet que l’Union Européenne, via l’Agence européenne des médicaments, teste les vaccins disponibles et autorise leur commercialisation.
Si le scénario le plus optimiste se réalise, la Belgique disposera dans un premier temps de 600.000 doses destinées à vacciner, en deux fois, les premières 300.000 personnes. Seront prioritaires les seniors et le personnel soignant. Vacciner 70% des Belges pourrait prendre jusqu’à l’automne.
Le pays a besoin de retrouver confiance après les difficultés qui ont émaillé la gestion de la crise sanitaire. Son fonctionnement est mis en cause par une partie du monde scientifique. «La lasagne politique belge a coûté des vies», assure l’infectiologue Erika Vlieghe qui voit arriver une troisième vague. Des progrès ont pourtant été faits, notamment en matière de traçage, même si celui-ci reste perfectible.
Il faudra aussi convaincre les Belges d’aller se faire vacciner, la rapidité de la mise au point des vaccins et le risque d’effets secondaires éventuels en inquiétant plus d’un. Le Premier ministre Alexander De Croo entend montrer l’exemple. Il ira se faire vacciner, mais quand ce sera «son tour», ditil.
Il reste au gouvernement à croiser les doigts pour que ce «Noël intime» soit respecté. Les autorités préviennent qu’il y aura des contrôles policiers à domicile. De premiers sondages montrent que le respect des mesures mises en place pour le réveillon du 24 décembre gagne en adhésion parmi une partie des Belges. Mais d’autres ont déjà mis au point leurs stratégies d’évitement.
Selon une autre enquête d’opinion, un Flamand sur cinq logera là où il fera la fête, cette fois à la Saint-Sylvestre. Il évitera ainsi les amendes qui pénalisent ceux qui ne respectent pas le couvre-feu, quitte à enfreindre les règles de la «bulle sociale». Ce dispositif «made in Belgium» fixe le nombre de gens maximum que chacun peut accueillir chez soi.