Luxemburger Wort

Sarkozy et la Justice: une histoire sans fin

Affaire des «écoutes de Paul Bismuth»: Deux ans de prison ferme requis contre l'ex-chef de l'Etat français

- Par Arthur Beckoules (Paris)

Affaire Bygmalion en mars prochain, retour prochain de l’enquête libyenne devant la justice après Bettencour­t, Clearstrea­m, Karachi ou encore l’achat supposé des sondages de l’Elysée: Depuis la fin de son mandat présidenti­el, en 2012, pas une année qui passe pour Nicolas Sarkozy sans qu’il soit, a minima, interrogé par les juges dans une nouveau dossier judiciaire.

Ces jours-ci, c’est l'affaire dite des «écoutes de Paul Bismuth» qui conduit le 23e président de la République française à se tenir à la barre du tribunal. Ce qui lui est reproché est assez simple: avoir tenté d’obtenir des informatio­ns, auprès d’un haut magistrat, dans une autre procédure qui le concernait (un potentiel abus de faiblesse de la milliardai­re Liliane Bettencour­t, déjà jugé et pour lequel il a bénéficié «d’un non-lieu en l’absence de charges suffisante­s»). Et avoir promis, en échange, d'intervenir en faveur de ce haut magistrat pour qu’il obtienne la nomination qu’il souhaitait à Monaco. Aidé dans cette opération par son ami de toujours, l’avocat Thierry Herzog, ils sont avec Gilbert Hazibert, le haut magistrat concerné, jugés pour «corruption et trafic d’influence».

Un procès hautement sensible

C’est d'abord ce dernier qui a répondu aux questions du Parquet National Financier (PNF), jeudi dernier. Excédé, celui qui est devenu depuis avocat général à la Cour de cassation ne cachait pas sa colère: «lorsqu'on a la prétention de poursuivre un ancien président de la République, de poursuivre l'un des meilleurs pénalistes et un modeste magistrat, on a au moins la compétence de regarder les textes, la curiosité de lire le Code pénal», a-t-il lâché au visage du procureur de la République. Une manière de souligner la délicatess­e nécessaire avec laquelle les sujets doivent être maniés.

En début de semaine, c’était au tour de Nicolas Sarkozy de présenter sa version des faits. «Impatient» de pouvoir répondre aux juges pour «être lavé», il expliquait d’emblée ne reconnaîtr­e «aucune de ces infamies» pour lesquelles on le poursuit. Et son avocat qui a créé une ligne téléphoniq­ue au nom de Bismuth? Comble de l’ironie, c’était pour «pouvoir parler sur un téléphone discret où nous

Nicolas Sarkozy au tribunal judiciaire de Paris. pourrions évoquer tous les problèmes de procédures qui pourraient se poser». Et son interventi­on pour la nomination du magistrat à Monaco? «Je ne l’ai jamais eu au téléphone, et si elle avait eu lieu, cela aurait été le résultat de ma profonde amitié pour Thierry Herzog». Pendant plus de trois heures, Nicolas Sarkozy a plaidé la bonne foi et cherché à démontrer que la Justice déployait des moyens considérab­les à son encontre: «Vous avez devant vous un homme dont on a écouté plus de 3.750 conversati­ons privées».

Rien que l’égalité devant la Justice En réponse, le PNF a assuré, mardi, que «ce procès n’est pas une vengeance institutio­nnelle, celle de la magistratu­re ou celle du PNF contre un ancien président de la République». Mais ses procureurs n’ont pas ménagé l’accusé principal: «un ancien chef de l’Etat a des droits, qu’il convient de respecter, mais il a aussi l’impérieux devoir de respecter l’Etat de droit. Ce procès n’est pas davantage une vengeance contre un avocat et un magistrat, qui ne sauraient se situer ni au-dessus ni en dehors de la loi.» Bilan du réquisitoi­re: quatre ans de prison, dont deux avec sursis contre Nicolas Sarkozy. En attendant les plaidoirie­s de la défense, on peut déjà tirer deux conclusion­s. D’abord, c’est la première fois qu’une peine de prison est requise contre un ancien chef de l’Etat. En effet, même dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris, le Parquet avait, en 2011, demandé la relaxe pour Jacques Chirac.

Enfin, Nicolas Sarkozy, même dans la tourmente, ne lâche jamais ses amis. Qualifiant son avocat de «membre de la famille», l’ancien chef de l’Etat continue de croire en lui, comme il croit toujours en la bonne foi de son ancien bras droit Claude Guéant, également poursuivi dans d'autres affaires judiciaire­s. Fidèle, donc, mais à quel prix? Quel que soit le résultat de cette affaire, la litanie de rendezvous avec la Justice n’augure rien de bon pour l’ancien président. Et ne risque pas de redorer l’image qu’ont les Français de la classe politique.

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Photo: AFP

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