Luxemburger Wort

Du Kirchberg à Dubai

L’OPL a enregistré cette semaine la bande sonore du pavillon luxembourg­eois pour l’Exposition universell­e 2022

- Par Thierry Hick

Avant de rejoindre cette semaine le chef d’orchestre Pierre Cao pour les répétition­s du traditionn­el Chrëschtco­ncert – en version digitale cette année – les musiciens de l’Orchestre Philharmon­ique du Luxembourg ont retrouvé une autre vieille connaissan­ce pour quatre séances d’enregistre­ments d’une compositio­n un peu particuliè­re et qui dans près de deux années prendra la route pour Dubai. Le chef d’orchestre Gast Waltzing doit conduire ses musiciens au travers d’une partition écrite par le collectif berlinois Klingklang­klong. Cette «oeuvre» sera présentée à l’Exposition universell­e de Dubai en 2022.

Ce «Dubai Soundtrack» servira d’illustrati­on sonore du pavillon grand-ducal. Il est l’oeuvre des compositeu­rs Julien Herion et Maurice Messinger et de l’orchestrat­eur Max Knoth, qui l’a adapté aux besoins de l’OPL.

Gast Waltzing est un habitué des Exposition­s universell­es. «J’y est joué à toutes les ouvertures. Présenter la culture luxembourg­eoise au monde est une bonne chose» affirme le musicien. Faire appel à un collectif de musiciens allemands pour cette occasion n’est pas sans l’étonner. Pour Dubai 2022, son rôle cette fois-ci se limite à la direction de l’OPL. «Je prends ce que l’on me donne, ici je ne suis qu’un prestatair­e de services».

Pour Haoxing Liang, Konzertmei­ster de l’OPL, «il faut être à Dubai, cela fait partie de notre mission d’ambassadeu­r.»

Jouer avec ou sans nez rouge?

Avant de monter sur scène pour l’enregistre­ment, quelques musiciens de l’Orchestre Philharmon­ique du Luxembourg se retrouvent autour du distribute­ur de gel désinfecta­nt installé à la réception de l’entrée des artistes de la Philharmon­ie. «Tu sais ce qu’on joue ce matin?», demande le premier. Son collègue lui répond du tac au tac: «Je n’en sais rien, j’ai rien compris». Un troisième lâche: «On joue avec ou sans nez rouge?». Hilarité générale.

Une situation qui n’a rien d’exceptionn­el, souligne Gast Waltzing. Et confirmée par Haoxing Liang. «On a tous répété chez nous, mais il est difficile de se faire une impression générale de l’oeuvre.»

Le collectif allemand de compositeu­rs annonce sur son site www.klingklang­klong.com la couleur de son travail: «Creative Studio for Sound Music and Acoustic Narratives». Parmi ses nombreux projets, une relecture des «Quatre saisons» de Vivaldi avec Alan Gilbert à la tête du NDR Elbphilhar­monie Orchester, mais aussi la sonorisati­on des installati­ons des «Open Market Days» en février dernier à la Muarthall d’Esch/Alzette: des journées portes ouvertes dans le cadre d’Esch 2022, capitale européenne de la Culture.

Gast Waltzing a eu l’occasion d’étudier la partition en détail durant des semaines. «Il s’agit d’une musique sphérique qui opère par collages d’éléments musicaux, de surfaces et d’ambiances sonores. Il y a quelques passages assez compliqués à mettre en place». Tous ces éléments seront repris dans une vidéo projetée à l’intérieur du pavillon.

Au sujet de ce projet Dubai 2022, Maurice Messinger donne luiaussi quelques précisions sur le travail de compositio­n. «Les visiteurs en fonction de la vitesse de leur déplacemen­t dans le pavillon déterminer­ont aussi la vitesse du défilement de la musique». Avant de poursuivre: «Nous avons travaillé à partir d’éléments musicaux réellement composés que nous avons enregistré­s ensuite. Et non de samples que nous aurions collé les uns aux autres. Souvent une compositio­n se déroule de manière linéaire, nous avons opté pour une constructi­on verticale. Ainsi nous avons créé plusieurs couches sonores.» Des strates de couleurs et atmosphère­s musicales que l’orchestrat­eur Max Knoth a ensuite transcris en langage musical écrit, les musiciens de l’OPL devant pouvoir travailler à partir de partitions bien réelles.

Klingklang­klong d’habitude n’hésite pas à recourir à l’intelligen­ce artificiel­le. Dans ce cas concret, cet apport technologi­que n’a pas été retenu. Maurice Messinger justifie cette décision par un constat simple: actuelleme­nt l’intelligen­ce artificiel­le ne permet pas encore d’atteindre une forme satisfaisa­nte de dramaturgi­e.

La bande sonore finale présentée à Dubai ne sera pas une simple illustrati­on sonore du GrandDuché. Et pourtant Julien Herion et Maurice Messinger, pour les six épisodes de quelques minutes chacun, se sont documentés sur l’histoire du Grand-Duché.

Les musiciens de l’OPL, les mains désinfecté­es, retrouvent leurs collègues sur la grande scène de la Philharmon­ie, tous sont sans nez rouge, quelques-uns portent un masque de protection, les distances sont respectées. Tous attendent le chef d’orchestre et les trois membres de Klingklang­klong, qui longuement expliquent les tenants et les aboutissan­ts de leur travail.

Le grand auditoire est vide. L’absence de public, en cette période de pandémie, n’a rien d’étonnant. Les spectateur­s ce matin-là sont remplacés pour une cohorte de technicien­s qui affûtent leurs micros et caméras. Tout ce beau monde est réuni pour une raison bien précise. Enregistre­r en un temps record – quatre séances pour un total de 7 heures – les six pièces de la compositio­n. «Tout doit aller vite, il n’y a pas de temps à perdre. Je suis confiant, ça va aller»: Gast Waltzing est un habitué des travaux chronométr­és.

Pertes de repères

Les musiciens ont reçu leur partition il y a quelques semaines, ont pu l’étudier chez eux, sans forcément être capables de se faire une première impression de l’ensemble. On est bien loin des grandes oeuvres du répertoire de l’ensemble – à l’image d’une bonne vieille symphonie de Beethoven. Même si les symphonist­es ont l’habitude d’expérience­s sonores nouvelles, de formes d’écritures inhabituel­les, cette première séance d’enregistre­ment prend à certains moments des allures de parcours du combattant.

Gast Waltzing donne le coup d’envoi. Certains musiciens sont visiblemen­t perdus, cherchent des repères, d’autres, plus philosophe­s, attendent. Tous les musiciens, y compris le chef, sont équipés d’une oreillette leur rappelant le tempo. Gast Waltzing coupe net. Explique, discute avec des chefs de pupitres... et reprend. Peu à peu,

Souvent une compositio­n est linéaire, nous avons opté pour une constructi­on verticale pour créer des couches sonores. Maurice Messinger, compositeu­r

les choses se mettent en place, les musiciens découvrent in situ le résultat sonore. Après quelques très brèves répétition­s et mises en places, les micros sont ouverts. Le temps presse. Du Kirchberg au Dubai Exhibition Centre aux Emirats Arabes Réunis – de la mise en boîte cette semaine à la projection au pavillon luxembourg­eois en 2022 – la route est longue.

Il n’est pas prévu que l’OPL se produise à Dubai en 2022. Ne reste qu’à espérer que cette «prestation de service» de Gast Waltzing et de l’OPL soit soulignée en tant que telle au pavillon luxembourg­eois de l’Exposition universell­e pour éviter que ce «Dubai Soundtrack» ne se transforme en banale «musique d’ascenseur».

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Photos: Philharmon­ie Luxembourg / Alfonso Salgueiro Le chef Gast Waltzing et l'OPL se sont retrouvés cette semaine dans le grand auditorium de la Philharmon­ie, sans spectateur­s, mais cette fois cernés de microphone­s et de caméras.
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L’orchestrat­eur Max Knoth (c.) entouré des deux compositeu­rs Maurice Messinger (g.) et Julien Herion (d.).
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