La fièvre gagne la chaîne du froid
Les réfrigérateurs basse température produits par B Medical Systems sont très demandés
Moins d'activité dans les laboratoires scientifiques, des sociétés timides pour investir dans de nouveaux équipements, des dons de sang en baisse et donc des besoins de stockage en chute: pour B Medical Systems, le début 2020 a été «disons, inquiétant». Mais quelle fin d'année pour la société installée à Hosingen. «On va dire que notre production a été multipliée par sept sur un an. Et que d'ici un mois, nous devrions même produire dix fois plus de pièces qu'en 2019», compte Mario Treinen, directeur d'opération.
Lui est arrivé dans l'entreprise voilà quelques mois. «Je venais de DuPont de Nemours à Contern [qui fabrique le tissu de protection sanitaire indispensable aux tenues des soignants, ndlr.] et je me suis retrouvé à devoir gérer un autre produit qui allait devenir tout aussi crucial dans la lutte anti-covid: des systèmes de réfrigération haute performance.» Car passé le creux commercial dû au lockdown généralisé, voilà la société B Medical Systems plongée au coeur de la tornade vaccinale.
Ses réfrigérateurs assurant des températures de conservation en dessous des -80°C sont devenus le bien que les gouvernements ou les institutions s'arrachent. La faute (ou le mérite) aux vaccins anticovid en développement. «Dès que Pfizer ou Moderna ont fait part de leurs bons taux de réussite (et des spécificités de conservation bien en dessous de -20°C), les demandes en système de réfrigération et de transports en liaison froide n'ont plus arrêté de tomber... Les usines qui sortent des appareils capables de maintenir des produits à ces niveaux de température extrêmement bas ne sont pas légion. Ici, on ne produit pas le frigo de Monsieur tout le monde.»
«La ruée vers le froid»
Et si le savoir-faire de l'entreprise s'appuie sur plus de trois décennies d'activité, la «ruée vers le froid» lui a ouvert de nouveaux marchés. «Nos armoires frigorifiques et nos box passives de transports étaient déjà largement diffusées à travers la planète. Car B Medical Systems se fait fort de concevoir des solutions efficaces dans un laboratoire occidental comme au fin fond d'une forêt du Nicaragua», vante Mario Treinen.
De modèle en modèle, les spécificités des appareils sont d'ailleurs impressionnantes: en version électrique ou solaire, capables de s'adapter à des réseaux électriques plus ou moins performants, assurant une parfaite conservation thermique de 5 à 43°C audehors et cela dans n'importe quelle condition d'humidité, de condensation. «Nous assurons même la surveillance à distance de 10.000 appareils disséminés un peu partout sur le globe.» A la moindre défaillance, au moindre degré perdu, au plus petit oubli de fermeture de porte, le client reçoit une alerte via SMS.
Pour un peu, aujourd'hui, les clients en oublieraient presque que les «réfrigérateurs» ou les «glacières» qui sortent des chaînes luxembourgeoises sont des petits bijoux de technologie, tant leur fonctionnement est simple, tant il y a urgence à s'équiper. «Nos équipes tournent à dix heures de travail quotidien, en deux postes, depuis plusieurs semaines pour assurer les livraisons en temps et en heure», assure le directeur des opérations. Pour soutenir la centaine d'ouvriers habituellement en place, il a fallu recruter 60 salariés en renfort. Et ça va continuer. «Il nous faut des électriciens, des opérateurs en mécanique, des frigoristes, des spécialistes de plasturgie», liste Mario Treinen.
Mais face à la vague de commandes, il faut également revoir toute l'organisation. Mieux gérer les flux de camions près des quais pour les livraisons et les départs, s'assurer des capacités des fournisseurs, pousser les murs pour stocker plus de matériels, investir dans de nouvelles machines.
L'Etat, la commune: tout le monde veille à ce que la croissance se passe au mieux (et au plus vite). «Nous allons même trouver des solutions auprès des entreprises locales qui peuvent être dans une période difficile pour envisager des prêts de main-d'oeuvre, ou leur louer des zones de stockage, voire leur confier du préassemblage». Mais dans la précipitation, B Medical Systems ne veut surtout pas perdre son niveau d'exigence. Chaque appareil est non seulement monté avec soin, mais individuellement contrôlé. Il en va de la réputation de la marque, de ses produits.
Le Luxembourg parmi les clients
«Il y aura aussi un après-covid, et nous serons encore là avec des armoires frigorifiques, des solutions logistiques adaptées pour les échantillons des bio-banques, le sang, le plasma et d'autres vaccins qu'il faudra transbahuter des usines de production jusqu'au bras de n'importe quel humain dans le monde», commente le directeur opérationnel. «Alors autant être performants maintenant pour acquérir une nouvelle clientèle».
Déjà de nombreux Etats et leur ministère de la Santé, l'Unicef ou le Gavi ont le numéro de B Medical Systems dans leur répertoire. Y compris le gouvernement de Xavier Bettel et la direction de la Santé qui ont commandé «une poignée» de ces réfrigérateurs pour équiper les centres de vaccination à venir au Luxembourg.