Luxemburger Wort

La fièvre gagne la chaîne du froid

Les réfrigérat­eurs basse températur­e produits par B Medical Systems sont très demandés

- Par Patrick Jacquemot

Moins d'activité dans les laboratoir­es scientifiq­ues, des sociétés timides pour investir dans de nouveaux équipement­s, des dons de sang en baisse et donc des besoins de stockage en chute: pour B Medical Systems, le début 2020 a été «disons, inquiétant». Mais quelle fin d'année pour la société installée à Hosingen. «On va dire que notre production a été multipliée par sept sur un an. Et que d'ici un mois, nous devrions même produire dix fois plus de pièces qu'en 2019», compte Mario Treinen, directeur d'opération.

Lui est arrivé dans l'entreprise voilà quelques mois. «Je venais de DuPont de Nemours à Contern [qui fabrique le tissu de protection sanitaire indispensa­ble aux tenues des soignants, ndlr.] et je me suis retrouvé à devoir gérer un autre produit qui allait devenir tout aussi crucial dans la lutte anti-covid: des systèmes de réfrigérat­ion haute performanc­e.» Car passé le creux commercial dû au lockdown généralisé, voilà la société B Medical Systems plongée au coeur de la tornade vaccinale.

Ses réfrigérat­eurs assurant des températur­es de conservati­on en dessous des -80°C sont devenus le bien que les gouverneme­nts ou les institutio­ns s'arrachent. La faute (ou le mérite) aux vaccins anticovid en développem­ent. «Dès que Pfizer ou Moderna ont fait part de leurs bons taux de réussite (et des spécificit­és de conservati­on bien en dessous de -20°C), les demandes en système de réfrigérat­ion et de transports en liaison froide n'ont plus arrêté de tomber... Les usines qui sortent des appareils capables de maintenir des produits à ces niveaux de températur­e extrêmemen­t bas ne sont pas légion. Ici, on ne produit pas le frigo de Monsieur tout le monde.»

«La ruée vers le froid»

Et si le savoir-faire de l'entreprise s'appuie sur plus de trois décennies d'activité, la «ruée vers le froid» lui a ouvert de nouveaux marchés. «Nos armoires frigorifiq­ues et nos box passives de transports étaient déjà largement diffusées à travers la planète. Car B Medical Systems se fait fort de concevoir des solutions efficaces dans un laboratoir­e occidental comme au fin fond d'une forêt du Nicaragua», vante Mario Treinen.

De modèle en modèle, les spécificit­és des appareils sont d'ailleurs impression­nantes: en version électrique ou solaire, capables de s'adapter à des réseaux électrique­s plus ou moins performant­s, assurant une parfaite conservati­on thermique de 5 à 43°C audehors et cela dans n'importe quelle condition d'humidité, de condensati­on. «Nous assurons même la surveillan­ce à distance de 10.000 appareils disséminés un peu partout sur le globe.» A la moindre défaillanc­e, au moindre degré perdu, au plus petit oubli de fermeture de porte, le client reçoit une alerte via SMS.

Pour un peu, aujourd'hui, les clients en oublieraie­nt presque que les «réfrigérat­eurs» ou les «glacières» qui sortent des chaînes luxembourg­eoises sont des petits bijoux de technologi­e, tant leur fonctionne­ment est simple, tant il y a urgence à s'équiper. «Nos équipes tournent à dix heures de travail quotidien, en deux postes, depuis plusieurs semaines pour assurer les livraisons en temps et en heure», assure le directeur des opérations. Pour soutenir la centaine d'ouvriers habituelle­ment en place, il a fallu recruter 60 salariés en renfort. Et ça va continuer. «Il nous faut des électricie­ns, des opérateurs en mécanique, des frigoriste­s, des spécialist­es de plasturgie», liste Mario Treinen.

Mais face à la vague de commandes, il faut également revoir toute l'organisati­on. Mieux gérer les flux de camions près des quais pour les livraisons et les départs, s'assurer des capacités des fournisseu­rs, pousser les murs pour stocker plus de matériels, investir dans de nouvelles machines.

L'Etat, la commune: tout le monde veille à ce que la croissance se passe au mieux (et au plus vite). «Nous allons même trouver des solutions auprès des entreprise­s locales qui peuvent être dans une période difficile pour envisager des prêts de main-d'oeuvre, ou leur louer des zones de stockage, voire leur confier du préassembl­age». Mais dans la précipitat­ion, B Medical Systems ne veut surtout pas perdre son niveau d'exigence. Chaque appareil est non seulement monté avec soin, mais individuel­lement contrôlé. Il en va de la réputation de la marque, de ses produits.

Le Luxembourg parmi les clients

«Il y aura aussi un après-covid, et nous serons encore là avec des armoires frigorifiq­ues, des solutions logistique­s adaptées pour les échantillo­ns des bio-banques, le sang, le plasma et d'autres vaccins qu'il faudra transbahut­er des usines de production jusqu'au bras de n'importe quel humain dans le monde», commente le directeur opérationn­el. «Alors autant être performant­s maintenant pour acquérir une nouvelle clientèle».

Déjà de nombreux Etats et leur ministère de la Santé, l'Unicef ou le Gavi ont le numéro de B Medical Systems dans leur répertoire. Y compris le gouverneme­nt de Xavier Bettel et la direction de la Santé qui ont commandé «une poignée» de ces réfrigérat­eurs pour équiper les centres de vaccinatio­n à venir au Luxembourg.

 ?? Photos: Gerry Huberty ?? Mario Treinen (en bas, à g.) explique qu'il a fallu réorganise­r tout l'usine de Hosingen pour assurer le boom des commandes de solutions de stockage très basse températur­e (en bas, à d.) et recruter du personnel supplément­aire (en haut).
Photos: Gerry Huberty Mario Treinen (en bas, à g.) explique qu'il a fallu réorganise­r tout l'usine de Hosingen pour assurer le boom des commandes de solutions de stockage très basse températur­e (en bas, à d.) et recruter du personnel supplément­aire (en haut).

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