Une bataille peu glorieuse à Waterloo
Un contrôle de confinement tourne mal, mettant en cause le rôle de la police dans la gestion de la crise sanitaire
L’affaire fait grand bruit. Une intervention policière menée dans le cadre d’un contrôle de confinement a tourné au pugilat. Des policiers en sont venus aux mains avec une famille «lambda» de Waterloo qui avait enfreint les règles de la «bulle sociale» en réunissant sous son toit davantage de personnes qu’autorisé. La maîtresse de maison, qui filmait l’intervention, s’est retrouvée plaquée au sol, le nez cassé. Un agent a menacé une adolescente de subir le même sort.
La vidéo de l’intervention réalisée par la famille incriminée a fait un tabac sur les réseaux sociaux, dépassant rapidement les deux millions de vues. Elle a créé un vaste émoi en raison de la violence des images.
Depuis, les versions de la police et de la famille s’opposent. La première évoque les coups qui lui auraient été portés pour justifier de la tournure des choses. La seconde rétorque que les policiers ont réagi de manière disproportionnée.
Cette affaire passe pour emblématique de problèmes déjà anciens. Depuis une réforme menée à la charnière des années 2000, la police est en souffrance. Les effectifs se réduisent d’année en année. Le recrutement ne suffit pas à compenser les départs. Avec pour conséquence que la charge de travail pesant sur les hommes de l’active augmente, a fortiori avec la multiplication des contrôles covid. L’intervention musclée de Waterloo serait l’expression d’une fatigue, d’un ras-le-bol qu’un syndicaliste qualifie de «ras-le-képi».
Mais l’analyse ne s’arrête pas là. Plusieurs médias se demandent s’il n’est pas temps de s’inquiéter des menaces que la gestion drastique de la crise sanitaire fait peser sur l’Etat de droit. «L’urgence justifie pour l’heure que l’on accepte au nom de la lutte contre la pandémie ce qu’on n’aurait jamais accepté il y a un an», écrit «Le Soir» qui juge «inacceptable» la violence montrée par la vidéo. «Mais puisque l’urgence va ici de pair avec la coercition, ceux qui l’ont instituée devraient au moins s’inquiéter de l’entourer de précautions dignes d’un Etat démocratique».
Un «boulot de gestapiste»
Ce constat renvoie aux décisions successives du gouvernement De Croo de durcir les contrôles policiers parallèlement à l’annonce de nouvelles mesures sanitaires. Visites domiciliaires, verbalisations en cas de non-respect du couvrefeu, surveillance des frontières…: le travail des agents s’alourdit à chaque fois, certains d’entre eux confiant anonymement qu’ils se passeraient bien de ce «boulot de gestapiste».
Le dérapage policier dont toute la Belgique parle n’a guère engendré de réactions dans la classe politique, fatalement gênée aux entournures puisque pas moins de sept formations appartiennent à la coalition Vivaldi emmenée par le Premier ministre Alexander De Croo. Bille en tête, le président du Mouvement réformateur (MR, libéral francophone) Georges-Louis Bouchez demande qu’on arrête de «lyncher les policiers».
Dans le même parti, l’ex-ministre Denis Ducarme prend au contraire la défense de la famille de Waterloo. «Avec la pandémie actuelle et les mesures qu’elle a entraînées, l’inviolabilité du domicile – un droit sacré – est partiellement remise en question. Tout cela crée un émoi. Et par rapport à celui-ci, la police, qui est bien sûr dans son droit lorsqu’elle intervient sur des situations de flagrant délit, doit veiller à continuer à agir avec proportionnalité.» Les autres formations de la majorité font profil bas, cette période de fêtes confinées n’étant de toute évidence pas propice à la polémique et aux divisions.
Avec la pandémie actuelle et les mesures qu’elle a entraînées, l’inviolabilité du domicile – un droit sacré – est partiellement remise en question. Denis Ducarme, ex-ministre (MR)