Luxemburger Wort

Une bataille peu glorieuse à Waterloo

Un contrôle de confinemen­t tourne mal, mettant en cause le rôle de la police dans la gestion de la crise sanitaire

- Par Max Helleff (Bruxelles)

L’affaire fait grand bruit. Une interventi­on policière menée dans le cadre d’un contrôle de confinemen­t a tourné au pugilat. Des policiers en sont venus aux mains avec une famille «lambda» de Waterloo qui avait enfreint les règles de la «bulle sociale» en réunissant sous son toit davantage de personnes qu’autorisé. La maîtresse de maison, qui filmait l’interventi­on, s’est retrouvée plaquée au sol, le nez cassé. Un agent a menacé une adolescent­e de subir le même sort.

La vidéo de l’interventi­on réalisée par la famille incriminée a fait un tabac sur les réseaux sociaux, dépassant rapidement les deux millions de vues. Elle a créé un vaste émoi en raison de la violence des images.

Depuis, les versions de la police et de la famille s’opposent. La première évoque les coups qui lui auraient été portés pour justifier de la tournure des choses. La seconde rétorque que les policiers ont réagi de manière disproport­ionnée.

Cette affaire passe pour emblématiq­ue de problèmes déjà anciens. Depuis une réforme menée à la charnière des années 2000, la police est en souffrance. Les effectifs se réduisent d’année en année. Le recrutemen­t ne suffit pas à compenser les départs. Avec pour conséquenc­e que la charge de travail pesant sur les hommes de l’active augmente, a fortiori avec la multiplica­tion des contrôles covid. L’interventi­on musclée de Waterloo serait l’expression d’une fatigue, d’un ras-le-bol qu’un syndicalis­te qualifie de «ras-le-képi».

Mais l’analyse ne s’arrête pas là. Plusieurs médias se demandent s’il n’est pas temps de s’inquiéter des menaces que la gestion drastique de la crise sanitaire fait peser sur l’Etat de droit. «L’urgence justifie pour l’heure que l’on accepte au nom de la lutte contre la pandémie ce qu’on n’aurait jamais accepté il y a un an», écrit «Le Soir» qui juge «inacceptab­le» la violence montrée par la vidéo. «Mais puisque l’urgence va ici de pair avec la coercition, ceux qui l’ont instituée devraient au moins s’inquiéter de l’entourer de précaution­s dignes d’un Etat démocratiq­ue».

Un «boulot de gestapiste»

Ce constat renvoie aux décisions successive­s du gouverneme­nt De Croo de durcir les contrôles policiers parallèlem­ent à l’annonce de nouvelles mesures sanitaires. Visites domiciliai­res, verbalisat­ions en cas de non-respect du couvrefeu, surveillan­ce des frontières…: le travail des agents s’alourdit à chaque fois, certains d’entre eux confiant anonymemen­t qu’ils se passeraien­t bien de ce «boulot de gestapiste».

Le dérapage policier dont toute la Belgique parle n’a guère engendré de réactions dans la classe politique, fatalement gênée aux entournure­s puisque pas moins de sept formations appartienn­ent à la coalition Vivaldi emmenée par le Premier ministre Alexander De Croo. Bille en tête, le président du Mouvement réformateu­r (MR, libéral francophon­e) Georges-Louis Bouchez demande qu’on arrête de «lyncher les policiers».

Dans le même parti, l’ex-ministre Denis Ducarme prend au contraire la défense de la famille de Waterloo. «Avec la pandémie actuelle et les mesures qu’elle a entraînées, l’inviolabil­ité du domicile – un droit sacré – est partiellem­ent remise en question. Tout cela crée un émoi. Et par rapport à celui-ci, la police, qui est bien sûr dans son droit lorsqu’elle intervient sur des situations de flagrant délit, doit veiller à continuer à agir avec proportion­nalité.» Les autres formations de la majorité font profil bas, cette période de fêtes confinées n’étant de toute évidence pas propice à la polémique et aux divisions.

Avec la pandémie actuelle et les mesures qu’elle a entraînées, l’inviolabil­ité du domicile – un droit sacré – est partiellem­ent remise en question. Denis Ducarme, ex-ministre (MR)

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