De la gravité d’être au monde
«La vie ordinaire» d’Adèle Van Reeth, un récit mêlant fiction et vécu
Adèle Van Reeth, surnommée «la voix de la philo à la radio» pour avoir popularisé la quête de sagesse sur les ondes de France Culture – son émission «Les Chemins de la philosophie» compte parmi les podcasts les plus téléchargés de France -, vient de publier «La vie ordinaire». Ni essai, ni roman, ni autobiographie, cet ouvrage se veut simple récit mêlant fiction et vécu pour problématiser la question qui hante la narratrice: qu’estce que l’ordinaire? changé dans sa vie. Aucune conversion n’en venant à bout, il faut savoir «endurer la durée» tout en acceptant sa propre finitude.
Transformer pour vibrer
Des critiques ont reproché à l’auteur une tonalité autofictionnelle non assumée – il est vrai qu’il est impossible de lire cet ouvrage sans chercher à repérer des bribes de vie privée, Adèle Van Reeth formant un couple «glamour» avec Raphaël Enthoven, autre philosophe en vogue à qui revient en fin d’ouvrage, dans les remerciements, «l’oscar du meilleur rôle dans une comédie de remariage, dont l’amour, au fil des ans, des contretemps et des aventures, crée l’événement de la durée et la minute heureuse». Or l’auteur ne nie guère puiser au plus près de l’intime pour mieux toucher le lecteur.
Ce faisant, en créant à partir de son propre vécu, en dressant le récit de sa vie en pointillé, elle tient à distance sa propre nausée existentielle. Un état supportable à la seule condition de le formuler: c’est précisément en prenant la plume – en transformant sa vie en matériau romanesque donc – qu’Adèle Van Reeth évite la répétition, et par conséquent la stagnation. Sans cela, «ma mort sera la dissolution certaine et immédiate de ce que j’ai été dans ce qui n’est plus».
Adèle Van Reeth: «La vie ordinaire», Gallimard,
192 pages, 16 euros.