Luxemburger Wort

La Flandre repart à la conquête de Bruxelles

La ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden veut ramener la capitale de l’Europe au rang de sous-région

- Par Max Helleff (Bruxelles)

En pleine crise sanitaire, les polémiques institutio­nnelles se réinvitent en Belgique. La ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden plaide en effet pour une nouvelle réforme de l’Etat qui aboutirait à ramener Bruxelles à un rang d’autonomie inférieur, faisant de sa région une sous-entité.

Bruxelles, capitale de la Belgique et de l’Europe, est le noeud gordien de la politique belge. Depuis 1962, date à laquelle la frontière linguistiq­ue a été fixée entre le nord et le sud, Bruxelles apparaît sur la carte comme une enclave francophon­e en pays flamand. La Flandre a longtemps espéré s’en attribuer le contrôle avant qu’une région bruxellois­e autonome ne soit créée. Mais elle n’a jamais renoncé.

«Nous devons construire»

La preuve par la propositio­n de la chrétienne-démocrate flamande Annelies Verlinden, ministre de l’Intérieur ainsi que des Réformes institutio­nnelles et du Renouveau démocratiq­ue. Dans son schéma institutio­nnel idéal, la Belgique resterait un État fédéral, mais serait à l’avenir composée de deux entités fédérées (Flandre et Wallonie) et de deux sous-entités (Bruxelles et la partie germanopho­ne «Ostbelgien»). Les Bruxellois et les germanopho­nes se retrouvera­ient sous la coupe des Flamands et des Wallons alors que, aujourd’hui, le pays est divisé en trois Régions et trois Communauté­s.

Cette propositio­n a immédiatem­ent déclenché un tollé côté francophon­e. Mais Annelies Verlinden tient bon. Elle compare la structure de l’État belge à «une maison dont vous vous demandez si vous devriez la réparer ou simplement la démolir. Pour moi, il n’y a qu’une seule réponse: nous devons construire». Elle dit vouloir rechercher un consensus «sans tabous». La ministre espère voir cette énième réforme de l’Etat achevée pour le 200e anniversai­re de la Belgique en 2030.

Les défenseurs de l’autonomie bruxellois­e avancent qu’en acquérant un pouvoir élargi sur l’actuelle Région de Bruxelles-Capitale, la Flandre pourra modeler la ville à sa guise, que ce soit au niveau politique, social ou économique. Elle renforcera ainsi sa position dans l’Etat belge, mais aussi à l’internatio­nal. Elle pourra contrôler la démographi­e de la capitale, avec la possibilit­é de «flamandise­r» Bruxelles où les francophon­es sont aujourd’hui présents en très large majorité.

Pour l’heure, les francophon­es ne veulent rien entendre. «Bruxelles est une Région à part entière avec une identité multiple qui mérite d’être respectée», a tweeté l’Ecolo Rajae Maouane. Le vice-Premier ministre PS PierreYves Dermagne évoque un «faux départ» dans le travail institutio­nnel dont est en charge la ministre Verlinden.

Sous le gouverneme­nt Michel, la hache de guerre communauta­ire avait été enterrée avec l’accord des nationalis­tes flamands de Bart De

Wever, en échange de leur première accession au pouvoir fédéral. Quant au gouverneme­nt De Croo, il se concentre pour l’instant sur le covid et ses conséquenc­es.

Toutefois, si le débat institutio­nnel devait prendre le pas, un camp pourrait sortir gagnant de ce tumulte: la communauté germanopho­ne. Selon le ministre wallon Jean-Luc Crucke, la sortie de la ministre

La propositio­n a immédiatem­ent déclenché un tollé côté francophon­e.

Verlinden a l’avantage «de faire l'unanimité entre Wallons et Bruxellois pour dire que les germanopho­nes doivent pouvoir devenir une Région». L’avènement de cette quatrième entité régionale – à égalité donc avec Bruxelles, la Flandre et la Wallonie – donnerait davantage d’autonomie aux 70.000 germanopho­nes de l’est du pays tout en redistribu­ant les cartes politiques et institutio­nnelles au plan national.

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Photo: Shuttersto­ck Bruxelles, capitale de la Belgique et de l’Europe, est le noeud gordien de la politique belge.

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