Un sombre duel
«Falling», le premier film réalisé par Viggo Mortensen
Willis est un vieil homme et souffre de démence. Et pourtant, il ne manque pas une occasion pour critiquer, voire attaquer, ouvertement son fils John. Le père ne peut s’accommoder de l’homosexualité assumée de son fils. Raciste, homophobe, réactionnaire à souhait, Willis vit dans son monde.
Tel pourrait être de manière très simplifiée, la trame de «Falling», le premier long métrage de Viggo Mortensen, qui outre la réalisation, endosse le rôle du fils maudit, a écrit le scénario et composé la musique de ce film, qui se veut à la croisée des genres.
Enfant, John a vécu quelques moments heureux avec son père encore jeune – la chasse au canard est d’une insouciance trompeuse – mais rapidement les relations vont être tendues. Willis, après deux mariages ratés, continue de vivre isolé dans sa ferme. John, lui, vit avec son mari Eric à Los Angeles et tente de se rapprocher malgré tout de son père, si distant.
Les retrouvailles sont rocambolesques. Une certaine sérénité et même une certaine complicité va rapidement dégénérer, les moments de tensions extrêmes se faisant de plus en plus sentir.
L’acteur du «Seigneur des Anneaux» pour ses premiers pas derrière la caméra ne choisit pas la voie la plus facile. Son parti pris s’affiche des les premiers instants de son «Falling».
Ni gentils, ni méchants
Les personnages, avec leurs défauts et leurs problèmes, s’affichent sans ombrage. Les caméras les suivent dans leurs moindres retranchements. En fait, les émotions font presque défaut. L’empathie éventuelle, voire attendue, avec le père où le fils, surtout lorsqu’ils ont atteint un certain âge, est balayée d’une main. Ils ne sont ni gentils, ni méchants. Cette particularité, qui évite de tomber dans des travers d’usage, traverse le film d’un bout à l’autre. Même les si nombreuses incursions d’autres membres de cette famille déchirée ne changent rien. Malgré quelques brefs moments d’un bonheur apparemment retrouvé, les plaies sont béantes et irréparables. Le tableau mis en scène par Viggo Mortensen reste sombre, au-delà des apparence et les preuves de bonne volonté des enfants devenus adultes, qui mettent tout en oeuvre pour ramener leur vieux père dans des eaux moins troubles.
Le réalisateur, qui se paye même le luxe d’inviter sur son plateau David
L’insouciance de la jeunesse ne sera que de courte durée ...
Cronenberg, qui l’a fait tourner en 2007 dans «Eastern Promises», aime prendre son temps pour raconter les choses. Le rythme est délibérément posé, la pure action réduite au stricte minimum. Un choix qui cause certaines longueurs, baisses de tensions, pas toujours compensées par des dialogues qui eux aussi affichent platitudes et banalités. Les personnages, tous visuellement bien caractérisés, auraient mérité un plus de profondeur dans leurs propos souvent vulgaires et crus. Cet exercice de style a des limites que «Falling» transgresse allègrement, évitant ainsi d’explorer certaines pistes thématiques intéressantes.
Les deux acteurs principaux sauvent la mise. Viggo Mortensen d’une part: son rôle de fils mal aimé est tragiquement vrai. Lance Henriksen, à 80 ans, est un Willis capricieux et avant tout à l’image d’une Amérique révolue que Viggo Mortensen rejette. L’acteur américain est époustouflant en chaque instant, plus vrai que nature. Sa seule présence mérite d’aller voir ce drame.