Luxemburger Wort

Un regard d’aujourd’hui

La pièce «La mère coupable» de Beaumarcha­is remise au goût du jour au Théâtre d’Esch

- Par Thierry Hick

Pour s’attaquer à un classique du répertoire, il faut une bonne dose d’audace et d’imaginatio­n et éviter de tomber dans le piège d’une mise au goût du jour facile et réductrice. L’auteur et homme de théâtre Thomas Piasecki et le metteur en scène Laurent Hatat en ont fait l’expérience avec leur relecture de «La mère coupable» de Beaumarcha­is, qu’ils présentent mardi soir au Théâtre d’Esch, qui coproduit cette création.

«Notre exercice s’apparente à celui d’une traduction. Il faut différenci­er la source et la cible. Tout en restant fidèle à l’esprit de l’original, nous voulions atteindre une cible contempora­ine pour nous adresser à un public d’aujourd’hui», fait valoir Laurent Hatat. «Et pour ce faire, tous les coups sont permis. Il faut aussi comprendre l’auteur dans son jus. De plus une attitude respectueu­se visà-vis de l’auteur est plus que nécessaire. »

Porter un regard contempora­in implique aussi pour Thomas Piasecki «de transposer l’intrigue dans le monde contempora­in».

La pièce «La mère coupable» date de 1792 et est la troisième partie de la trilogie de Figaro, après «Le Barbier de Séville» (1775) et «Le Mariage de Figaro» (1778). C’est pour replacer la pièce dans un contexte actuel que Thomas Piasecki a conçu un texte d’introducti­on, «écrit à la manière de, histoire de se plonger immédiatem­ent dans l’univers de Beaumarcha­is. Un exercice assez jouissif, finalement».

Le Théâtre d’Esch en évoquant le travail de Laurent Hatat et de Thomas Piasecki parle d’une «version effrontéme­nt contempora­ine et colorée.» Qu’en pensent les deux «effrontés»? «Thomas est peut-être plus radical que moi. Je reste quelqu’un de prudent, timoré, mais j’ai besoin de son regard différent. Effrontée peut-être est notre décision d’exploiter davantage l’usage des langues étrangères. Figaro et Suzanne sont des expats, entourés de valets arabes. Ce qui explique le choix de différente­s langues», explique Laurant Hatat, amusé par l’image.

Redonner une place de choix aux femmes

Thomas Piasecki précise: «Dans l’original de Beaumarcha­is, les femmes, à l’image de Flora, bien que présentes, ne tenaient pas une place active dans l’histoire, elles observaien­t. Nous avons voulu leur donner plus de place. Cela peut aussi paraître effronté. Tant mieux.»

La mise en scène de «La mère courage» se veut «rapide avec des personnage­s vifs. Il ne s’agit pas d’alourdir la pièce inutilemen­t. Beaumarcha­is a écrit des scènes courtes et rapides», précise Laurent Hatat.

Le rythme soutenu doit venir corroborer cette comédie où l’intrigue est clairement affichée dès le départ. Comme pour mieux se pencher sur des thèmes d’actualité autour de différente­s formes de manipulati­ons, de secrets et préjugés, mais aussi autour de la place de la femme dans un monde patriarcal. «Cette pièce a été créée en 1792 au lendemain de la Révolution», rappelle le metteur en scène.

Laurent Hatat et Thomas Piasecki estiment-ils faire un théâtre politique, voire engagé? «Pour ma part, non. Ce qui m’intéresse, ce sont avant tout les questions autour de la vérité, des rapports humains, des combats sociaux. Notre but est faire voir la pièce avec des moyens contempora­ins et surtout ne pas de faire rire avec de vieilles idées. Et de souligner la nécessité d’un regard critique.»

Jouer une seule fois à Esch devant 100 spectateur­s seulement, n’est-ce pas frustrant? «Non, on est bien trop content de retrouver de vrais spectateur­s. On est en manque, après l’annulation de près de 45 dates avec deux spectacles. En France, pour le moment on est à l’arrêt total», regrette le metteur en scène, qui collabore avec sa compagnie «anima motrix» depuis plusieurs saisons avec le théâtre eschois

«La mère coupable» le mardi 2 mars à 20 heures au Théâtre d’Esch/Alzette. Infos et réservatio­ns au tél. 27 54 50 10 ou – 50 20 et sur:

www.theatre.esch.lu

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Photo: TME La trame du XVIIIe siècle a été transposée au monde contempora­in.

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