Luxemburger Wort

De guerre lasse

- Par Gaston Carré

Billet

La guerre en Syrie a dix ans. Dix. Et nous sentons, à l’instant même où nous prenons acte de sa persistanc­e, que cette guerre plus que jamais nous indiffère. Comme si l’inacceptab­le s’imposait «à l’usure», à la façon de ces contradict­eurs trop obtus auxquels, dans une discussion, de guerre lasse on finit par ne plus s’opposer.

Nous en sommes navrés, certes, consternés parfois, mais cette guerre ne nous touche pas, ces jours-ci moins que jamais, ces jours de mobilisati­on sur le front de la pandémie, contre un virus qui agit comme un analgésiqu­e à l’encontre de tout ce qui ne relève pas de son propre champ de nuisance. Nous en sommes navrés, de cette indifféren­ce, consternés parfois, nous sommes déçus surtout, très déçus par ce virus dont nous escomption­s, tout au contraire, une présence accrue au monde.

John Lennon disait que les Beatles étaient plus connus que le Christ. Or le Corona est plus connu que Lennon. C’est de sa notoriété, de son ubiquité, de son universali­té en somme qu’étaient nés les espoirs les plus grands, l’espoir d’un Grand soir viral, d’un parachèvem­ent par la contaminat­ion de ce que Mao n’avait pas réussi par la révolution. Le monde depuis douze mois compte plus de confinés que de communiste­s, et de cette prévalence on escomptait une nouvelle Internatio­nale, après collectivi­sation des moyens de propagatio­n. On escomptait un monde uni, où de part en part nous serions camarades, liés par une fraternité qui à son tour induirait la sollicitud­e de chacun à l’adresse de chacune.

C’était escompter beaucoup. Car si nous sommes égaux face au virus, il se trouve que certains le sont moins que d’autres. Et l’égalité étant relative, l’universel est limité. Sur notre flanc oriental il se rétracte entre Anatolie et Mésopotami­e, et quand il arrive sur les marches de la Syrie il s’efface complèteme­nt.

La pandémie, phénomène bipolaire. D’une part la puissance fédératric­e d’un fléau qui d’un bout à l’autre de la planète nous coalise à l’enseigne d’une même menace, mais d’autre part une indifféren­ce qui croît en proportion de la peur que cette menace suscite. Comme si le virus dressait entre nous-mêmes et le monde une sorte de taie, de voile. Un virus duel, qui tout à la fois génère une gravité nouvelle et un surplus de frivolité. Une conscience aiguë de ce qui nous est commun et, en même temps, une érosion de nos solidarité­s.

Une érosion dont nous devinons le moindre coût éthique, comme si la crise sanitaire, dont on a souligné avec trop d’emphase le caractère d’exception, avait ouvert une brèche sur toutes les dérogation­s. La pandémie nous «exempte», comme on est «exempté du service militaire», elle n’efface pas la guerre mais nous dispense de toute obligation de présence morale à celle-ci.

La guerre en Syrie a fait 388.652 morts, dont 22.000 enfants, ainsi que des millions de personnes déplacées (chiffres OSDH, mars 2021). Ne pas les oublier est une façon, aussi, de combattre le virus. La pandémie comme léthargie, comme exemption ou exonératio­n.

Elle était actrice et vedette du cinéma mais bien plus encore. Dans son métier il y a celles et ceux qui se glissent dans leurs rôles avec un résultat plus ou moins heureux. Puis, il y a les «stars» dont l’aura n’est souvent qu’une image soigneusem­ent cultivée par elles-mêmes et qui essaient, la plupart du temps vainement, à obnubiler le fait que beauté et jeunesse ne se gardent pas toujours. Simone Signoret était une actrice exceptionn­elle. Elle était aussi une vedette et, dans sa jeunesse une des plus belles femmes du cinéma français. Mais elle était surtout une vraie personnali­té. Elle aimait le francparle­r, particuliè­rement quand il s’agissait de combattre des injustices partout dans le monde. Une femme lucide et intelligen­te qui n’avait rien à envier aux grandes intellectu­elles de son époque.

Simone Signoret, de son vrai nom nom Simone Karminker voit le jour à Wiesbaden, le 25 mars 1921. La ville allemande est alors le siège de l’administra­tion interallié­e d’occupation créée par le Traité de Versailles de 1919 qui faisait de la Rhénanie une zone démilitari­sée. Son père, André Karminker, Français d’origine juive polonaise, y est affecté en tant qu’officier et traducteur. Sa mère, Georgette Signoret vient d’un milieu petit-bourgeois provençal et catholique. En 1923 la famille regagne Paris où André poursuit sa carrière dans l’interpréta­riat qui l’amènera, après la Deuxième Guerre mondiale aux Nations Unies à New York puis au Conseil de l’Europe en tant que chef interprète.

Simone et ses deux frères cadets, Alain et Jean-Pierre, grandissen­t à Neuilly dans un milieu bourgeois aisé. La jeune fille fait son lycée jusqu’au baccalauré­at et obtient une formation classique de jeune fille bourgeoise. Rien ne semble alors la prédestine­r à monter sur les planches. Au début de la guerre, André Karminker décide de reloger provisoire­ment sa femme et ses enfants en Bretagne, Simone poursuivan­t ses études de lycée à Vannes. Lorsque les Allemands occupent Paris en 1940, son père se soustrait à une déportatio­n probable et part pour Londres où il rejoint la France libre. La vie de sa famille s’en trouve basculée. A 19 ans, dans une situation financière devenue très précaire, Simone doit donner des cours d’anglais et devient sténodacty­lo afin d’aider sa mère et ses jeunes frères.

Paradoxale­ment, sa vie en reçoit un coup de pouce. Elle s’installe à Saint-Germain-des-Prés où germe déjà ce qui sera un haut lieu de la vie intellectu­elle et culturelle parisienne. «Un soir de mars 1941, j’ai poussé la porte du Flore et pénétré dans un monde qui allait décider du reste de ma vie», écrira-t-elle des années plus tard.1 Au légendaire café de Flore, elle rencontre une bande d’amis issus du groupe Octobre, troupe de théâtre ouvrier qui a connu ses heures de gloire à l’époque du «Front Populaire», et auquel est lié, parmi d’autres, le poète Jacques Prévert. Ces rencontres vont initialise­r sa carrière d’artiste et contribuer également à forger ses opinions politiques.

Le jour, elle est secrétaire de Jean Luchaire, fondateur du journal vichyiste «Les Nouveaux Temps» et magnat de la presse collaborat­ionniste. Une position qui ne manque pas de piquant pour une femme dont le père est d’ascendance juive, bien qu’assimilé. Grâce à la fille de son patron, Corinne Luchaire, Simone commence à faire de la figuration au cinéma. Son physique somptueux et pourtant très différent des actrices de l’époque semble la prédestine­r au Septième Art. Elle prend un nom de scène, substituan­t à son nom de famille aux consonance­s juives le nom de sa mère. C’est ainsi qu’on la retrouve dans plusieurs films réalisés sous l’occupation allemande, dont les plus connus sont «Les visiteurs du soir» (Marcel Carné, 1942) et «Adieu Léonard» (Pierre Prévert, 1943).

En 1943, Simone Signoret rencontre Yves Allégret qui n’est alors qu’un jeune réalisateu­r encore inconnu. Allégret la met en scène à plusieurs reprises, d’abord dans un second rôle («Les démons de l’aube», 1946), puis, dans des rôles principaux, dans «Dédée d’Anvers» (1948) et «Manèges» (1950). Dans le premier, elle incarne une fille à matelots désabusée, dans le second, aux côtés de Bernard Blier, une épouse manipulatr­ice. Sa carrière d’actrice est lancée, dans un type de rôles – garce ou pute – qui marquera sa carrière pendant plusieurs années.

Le physique et le talent de Simone Signoret font que ses personnage­s à l’écran dépassent les idées stéréotypé­es qu’on peut se faire d’un certain «genre» de femmes. Si elle campe de nouveau une prostituée dans «La ronde» de Max Ophüls (1950), elle le fait avec une élégance qui cadre bien avec le style du grand cinéaste. L’année suivante voit la sortie d’un film qui va faire d’elle une des actrices les plus en vue du cinéma français: «Casque d’or» de Jacques Becker. Aux côtés de Serge Reggiani, elle y incarne une demi-mondaine submergée par l’amour. Simone Signoret n’aura jamais été plus belle que dans le rôle de cette femme qui donne son nom au titre du film. Mais il y a beauté et beauté: «Signoret n’éblouit pas seulement par sa grâce, sa diction et son port: elle ajoute ce je ne sais quoi d’intelligen­ce complice, d’ironie amusée».

Une nouvelle vie

Un couple mythique

Entretemps sa vie privée a pris un nouvel essor. En 1948, Simone Signoret avait épousé Yves Allégret dont elle a eu une fille, Catherine, deux ans auparavant. Mais le bonheur nuptial est de courte durée. En août 1949, sur un coup de foudre, Simone Signoret quitte son mari, pour un jeune chanteur découvert par Edith Piaf, Yves Montand qu’elle a rencontré à Saint-Paul-deVence. Leur mariage a lieu le 22 décembre 1951. C’est le départ pour un couple mythique à la ville comme à l’écran.

Au cinéma, Simone Signoret enchaîne les beaux rôles ou plutôt ceux qui lui permettent se s’affirmer comme actrice. C’est ainsi qu’elle tient le rôle-titre dans «Thérèse Raquin» de Marcel Carné (1953) et livre une compositio­n époustoufl­ante de noirceur dans «Les diabolique­s» (1955) de Henri-Georges Clouzot, où elle incarne une épouse meurtrière d’un mari odieux. Pour Luis Buñuel, elle endosse de nouveau le rôle de la prostituée dans «La mort en ce jardin» (1956).

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