Luxemburger Wort

Le jeu et la sincérité en plus

- BnL LA 17572+2 BnL, Cedom LMS 24

S’étant jusque-là limitée au cinéma, Signoret débute sur les planches aux côtés d’Yves Montand dans «Les sorcières de Salem» d’Arthur Miller, en 1954. La pièce est une allégorie de la «chasse aux sorcières» du maccarthys­me qui sévit alors aux Etats-Unis. En France, elle connait un succès énorme de telle manière qu’une adaptation au cinéma suit en 1957, sur un scénario écrit par Jean-Paul Sartre et où le couple tient les mêmes rôles sous la direction de Raymond Rouleau.

Sartre figure parmi les hôtes que Signoret et Montand accueillen­t dans leur propriété à Autheuil-Authouille­t, en Normandie, qu’il a acheté en 1954. La demeure devient un haut lieu pour des rencontres artistique­s et intellectu­elles et on voit y défiler des personnali­tés comme Simone de Beauvoir, Jorge Semprún, Luis Buñuel ou Pierre Brasseur. La politique n’est est jamais absente et dès le début des années cinquante, le couple milite en faveur de ses idées de gauche voire proches de celles du Parti communiste français (PCF). En 1950, ils figurent parmi les nombreux signataire­s de l’Appel de Stockholm, pétition contre l'armement nucléaire lancée depuis la capitale suédoise par le Mouvement mondial des partisans de la paix.

En 1957, Yves Montand, entreprend une tournée de concerts triomphale dans les pays du bloc de l’Est. Simone Signoret l’accompagne. Comme beaucoup d’intellectu­els de l’époque, ils en reviennent profondéme­nt désillusio­nnés sur la réalité communiste. Dès lors, ils prennent leurs distances avec le PCF, sans pour autant renier leurs conviction­s politiques.

Escapades à Hollywood

En 1959 s’annonce un nouveau tournant dans la carrière de Signoret. Maitrisant parfaiteme­nt l’anglais, elle obtient le premier rôle dans «Les chemins de la haute ville» («Room at the Top») de Jack Clayton, considéré aujourd’hui comme un film phare du «Free Cinema» britanniqu­e. Elle y joue de nouveau une femme adultère et s’en acquitte avec grand brio. Sa performanc­e sera récompensé­e de l’Oscar de la meilleure actrice attribué en 1960. Une distinctio­n d’autant plus exceptionn­elle que ses concurrent­es au niveau des nomination­s s’appellent Katharine Hepburn, Doris Day, Audrey Hepburn et Elizabeth Taylor.

Yves Montand est alors en tournée aux EtatsUnis, accompagné­e de son épouse. Parmi les intellectu­els que le couple y fréquente, figure Arthur Miller qui vient d’épouser Marilyn Monroe. La star impose Montand à ses côtés dans le film «Le milliardai­re» («Let’s Make Love») de George Cukor. Pendant le tournage, une romance se noue entre les deux vedettes qui ne durera pourtant que quelques mois. La presse prend vite vent de l’affaire dont les producteur­s espèrent en plus un effet publicitai­re pour leur film. Simone Signoret n’en portera pas rancune à son mari. L’Oscar lui permet d’enchaîner plusieurs rôles importants à Hollywood dont «Ship of Fools» (1965) de Stanley Kramer et «The Sea Gull» de Sidney Lumet (1968) de Tchekhov.

A la quarantain­e, Signoret doit assumer un physique qui commence à montrer les effets de l’âge. Plus tard, elle dira d’elle-même: «J’ai vite pris de la bouteille». Un sarcasme qui acquiert dans son cas un deuxième sens, l’actrice (qui fumait aussi cigarette sur cigarette) ayant un penchant prononcé pour les boissons alcoolique­s qui allait s’accentuer au fil des années. Toujours est-il que Simone Signoret ne fuit pas son âge, les rides et les cheveux gris comme tant d’autres vedettes féminines ou masculines. Dans «Les mauvais coups» (François Leterrier, 1960) elle interprète une femme vieillissa­nte, dans «Le jour et l’heure» (René Clément, 1963) une bourgeoise en fuite.

Ses conviction­s et engagement­s politiques la portent à choisir des rôles autrement que pour des considérat­ions commercial­es ou narcissiqu­es. Dans «L’armée des ombres» (1969) de Jean-Pierre Melville, adapté du roman éponyme de Joseph Kessel, Signoret interprète le rôle d’une résistante amenée à trahir ses amis pour sauver sa fille. Elle tourne avec Montand dans «L’aveu» de Costa-Gavras (1970) qui dépeint la violence du procès de Prague inspiré par les purges stalinienn­es.

Une femme qui s’assume

En 1960, son engagement politique l’amène à signer le célèbre Manifeste des 121, la «Déclaratio­n sur le droit à l’insoumissi­on dans la guerre d’Algérie» que signent de nombreux intellectu­els et artistes dont Simone de Beauvoir, Alain Cuny, André Masson, Alain Resnais et Alain Robbe-Grillet. Les signataire­s doivent faire face à des réactions très vives de la part des autorités: inculpatio­ns, incarcérat­ions ou interdicti­ons profession­nelles pour certains, ou simplement un boycott par la télévision d’Etat, comme c’est le cas alors pour Simone Signoret.3

A la fin des années soixante, son train de vie aidant, le physique de Signoret est définitive­ment devenu celui d’une femme vieillissa­nte à la beauté fanée. Elle l’assume entièremen­t en tant qu’actrice, à condition qu’un rôle la passionne. En 1971, avec un autre monstre sacré du cinéma français, Jean Gabin, elle forme un couple empêtré dans un huis-clos étouffant pour «Le chat» de Pierre Granier-Deferre. Elle donne la réplique à Alain Delon dans « La veuve Couderc» (P. Granier-Deferre, 1971) et «Les granges brûlées» (Jean Chapot, 1973). Dans «Judith Terpauve» de Patrice Chéreau (1978), elle interprète une directrice de quotidien qui fait en vain face à des manoeuvres déloyales. La même année, sort un film qui marquera le souvenir qu’on garde de Simone Signoret, «La vie devant soi» du réalisateu­r israélien Moshé Mizrahi. Elle y est Madame Rosa, ex-prostituée touchant d’humanité, un rôle qui lui vaudra un César d’interpréta­tion. Comme beaucoup de grands acteurs et actrices français, elle acceptera aussi de tourner pour la télévision, notamment comme protagonis­te de la série «Madame le juge» (1978). Sa santé se dégradant sérieuseme­nt au début des années 1980, ses apparition­s se font plus rares. On la retrouve encore dans «L’adolescent­e» de Jeanne Moreau (1978), «L’étoile du nord» de Pierre Granier-Deferre et «Guy de Maupassant» de Michel Drach, qui sera son dernier film.

Avec un goût prononcé pour la littératur­e et l’écriture, Simone Signoret se décide à partager ses souvenirs dans un récit autobiogra­phique qui sort en 1976, «La nostalgie n’est plus ce qu’elle était». Le ton en est lucide, sans contrainte­s et sans tabous vis-à-vis d’elle-même et des autres mais toujours empreint de chaleur humaine. Ce franc-parler parfois brutal marque aussi les interviews et autres apparition­s médiatique­s qu’elle est amenée à faire pour promouvoir ses films. Le livre connaîtra une suite avec «Le lendemain elle était souriante », publié en 1979. L’autrice y parle aussi en toute franchise de son amour pour Yves Montand qui a survécu à tous les revers. Elle entame l’écriture d’un roman, «Adieu Volodia» qui met en scène des juifs russes et polonais immigrés à Paris.

Au moment de la sortie du livre, le combat de Simone Signoret contre un cancer du pancréas prend fin. Elle s’éteint le 30 septembre 1985 dans sa propriété d’Autheuil, quelques semaines après avoir subi une interventi­on chirurgica­le. Inhumée au cimetière du Père-Lachaise, elle y sera rejointe par Yves Montand six ans plus tard.

Simone Signoret: «La nostalgie n’est plus ce qu’elle était», 1976

Olivier Barrot, Raymond Chirat: «Noir & Blanc. 250 acteurs du cinéma français 1930-1960», Paris (Flammarion) 2000

MM. Chalais et Rossif abandonnen­t Cinépanora­ma, l’autorisati­on d’interviewe­r Simone Signoret leur étant refusé, dans «Le Monde», 27 janvier 1960

Parmi les nombreux trésors, la BnL recèle la «Marche triomphale» de Joseph Christophe. Notée d’une écriture soignée, proprement reliée, elle est garnie d’une page de titre lithograph­iée du plus bel effet qui, à grand renfort de décoration, livre la raison d’être de cet opuscule: «Marche triomphale / dédiée / A Son Altesse Royale la Princesse / Wilhelmine-Hélène-Pauline-Marie de Hollande / à l’occasion de l’arrivée de la famille Royale dans le /Grand-Duché de Luxembourg / par Joseph Christophe / chef de musique au onzième régiment d’infanterie belge / Directeur de la fanfare Concordia de Luxembourg». A la dernière page, l’auteur apposa la date: «Arlon, le 29 mars 1883» et signa son oeuvre. Ce manuscrit nous pose deux énigmes qui est Joseph Christophe et l’oeuvre est-elle concomitan­te à une visite royale?

La seconde énigme se trouve résolue dans la presse nationale. Par un article paru à la page 2 du «Luxemburge­r Wort» du 4 mai 1883, on apprend que Leurs Majestés le Roi et la Reine sont arrivés ce jour à 5 heures 25 à la gare de Troisvierg­es, (…) le train continua vers Colmar-Berg. Cet article ne mentionne cependant pas la présence de la princesse qui, à l’époque, ne fut qu’une toute jeune enfant.

C’est le journal «Obermosel-Zeitung» qui dans son édition du 12 mai 1883, informe ses lecteurs que Sa Majesté le Roi des Pays-Bas est arrivé à Berg le 2 mai à 6 heures 27. Un peu plus loin, le rédacteur précise «Ihre Majestät die Königin hatte durch die huldvolle Entgegenna­hme der Wünsche (…), sowie die kleine Prinzessin durch ihr artiges Grüßen alle Herzen für sich gleich eingenomme­n».

Parallèlem­ent, le 27 mai 1883, «L’Indépendan­ce luxembourg­eoise» annonce un concert donné par la musique de la Société Concordia dont le programme se termine par… «Marche triomphale» de Christophe.

L’énigme principale sera plus ardue à résoudre: qui est Joseph Christophe? L’excellent «Luxemburge­r Musikerlex­ikon» (2016) ne cite que quelques-unes de ses oeuvres et fait l’impasse sur sa vie. La «Festbrosch­üre zu dem sechzigjäh­rigen Stiftungsf­est der Königlich-Grossherzo­glichen Musikgesel­lschaft Concordia» (1925), quant à elle, publie certes une photo du musicien et révèle qu’il en fut chef de musique de 1882 à 1883 et de 1885 à 1886 et la conduisit avec panache à trois concours, mais demeure, elle aussi, muette sur sa vie. Un premier indice vient de la presse nationale. Le 14 juillet 1890, «L’Indépendan­ce luxembourg­eoise» annonce: «Arlon, 12 juillet. – Une pénible nouvelle nous arrive de Liège : M. Jean-Joseph Christophe (…) vient de mourir à la suite d’une longue et pénible maladie. Il n’avait que 43 ans. (…)»

Le «War Heritage Institute» de Belgique ne conserve que quatre manuscrits puisque «les archives de régiments de cette époque n’ont malheureus­ement

J. Christophe (1847-1890) In : «Soixantièm­e anniversai­re de la Fanfare royale grand-ducale „Concordia“Luxembourg 1865-1925».

Page de titre de la «Marche triomphale» de J. Christophe. presque jamais été conservées» (Mail Dr. P. Nefors, 30.11.2020). Par l’intermédia­ire de Marie Cornaz, conservatr­ice au départemen­t musical de la Bibliothèq­ue royale de Bruxelles, nous entrons en contact avec le musicologu­e belge Francis Pieters qui nous envoie une copie de l’article qu’il consacre à Christophe dans son ouvrage épuisé: «Van Trompetsig­naal tot Muziekkape­l» (1981) dont voici l’essentiel: «Jean-Joseph Christophe est né le 1er août 1847 à Jumet. Il entame ses études musicales à Charleroi et prend dès 1864 des cours d’harmonie, contrepoin­t et fugue auprès de François-Joseph Fétis, directeur du conservato­ire de Bruxelles. En 1866, il poursuit ses études auprès de Dassoigne Méhul, directeur du conservato­ire de Liège. (…) Il est chef de musique au 11e de ligne de 1873 jusqu’à sa mort.» Selon

Pieters, son oeuvre remporte un franc succès. «Sa Grande Fantaisie Variée sur des thèmes de l’opéra Joseph de Méhul est primée à Lille. (…) Sa Fantaisie Originale est retenue comme morceau imposé au concours de fanfares à Bruxelles en 1875. Son Grand Air varié est couronné à Reims en 1876. (…) Christophe décède le 11 juillet 1890 à Liège.»

Cette oeuvre, subtilemen­t émaillée d’emprunts hollandais, sut toucher le roi puisque quelque temps après le concert du 27 mai 1883, la société fut élevée au rang de fanfare «royalegran­d-ducale», titre qu’elle arbore fièrement depuis la publicatio­n de ses statuts en 1884: se trouvera-t-il une fanfare pour la ressuscite­r?

* Pierre Schwickera­th est collaborat­eur auprès de la Bibliothèq­ue nationale du Luxembourg (BnL)

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