Et de quatre, enfin
Le trio Reis-Demuth-Wiltgen publie avec «Sly» un nouvel opus hors des sentiers battus
A peine ont-ils sorti en 2018 leur troisième album «Once in a Blue Room», qu’ils repoussent en mai 2019 les portes de l’Artesuono Recording Studio à Cavalicco en Italie pour enregistrer leur quatrième opus «Sly». La pandémie étant passée par là, la galette vient d’être présentée. Enfin!
«L’album est resté gelé pendant un an, aujourd’hui il est décongelé», se réjouit le pianiste Michel Reis. «Après une longue attente, il était grand temps. Il fallait que cet enregistrement sorte», note le batteur n’est visiblement plus la leur: le jazz. Les épisodes de ce «Sly» sont tantôt rock, funky ou tout simplement le résultat de croisements de genres et d’atmosphères musicales variés. «Cette image de groupe de jazz ne nous correspond pas totalement. L’industrie musicale a souvent besoin de catégories pour les groupes afin de les faire jouer dans certains festivals», déplore à mi-mot le batteur. «C’est quoi finalement la musique jazz? Même si du fait de notre instrumentation, notre trio peut se rapprocher de cette musique, nous ne voulons pas nous limiter à un seul genre», insiste le pianiste, en rappelant que ledit jazz a toujours été un mixage de styles et d’influences.
La musique, une envie
«Bien sûr, notre musique tourne autour de plusieurs dénominateurs communs, que sont des harmonies jazz, des improvisations et des soli instrumentaux. En fait, on écrit la musique dont on a envie», commente Marc Demuth.
Cette envie revendiquée se trouve renforcée par une règle immuable au sein du trio. Chaque membre est amené à proposer ses propres compositions, qui seront ensuite adaptées, arrangées à trois. «On a tous ainsi la possibilité d’y apporter une touche personnelle», avoue Paul Wiltgen. «Marc est pianistique, Paul a une note bien précise, ses compositions souvent impressionnistes sont aussi surprenantes, voire imprévisibles», selon Marc Demuth qui ne renie pas son attrait pour un certain groove. Sans dévoiler la plume de chaque titre de «Sly», une écoute attentive des 13 pistes peut apporter des éléments de réponses. «Le style d’un chacun reste reconnaissable, du moins pour tous ceux qui nous connaissent», glisse l’homme des fûts. Malgré ces pistes, il n’est pas question de dévoiler ici qui a écrit quel titre.
Autre précision importante: la musique est entièrement acoustique, sans artifices électroniques. Un retour à la simplicité pour se concentrer à la pureté essentielle d’une orchestration certes réduite mais si richement colorée et limpide.
Le titre «Sly» ainsi que l’illustration de l’album n’ont pas été choisis au hasard. «Mon fils Oscar est fasciné par l’image du renard», confie Paul Wiltgen. De plus cet animal est aussi le personnage centrale d’une oeuvre majeure de la littérature luxembourgeoise, le «Renert» de Michel Rodange. «Nous sommes tous les trois Luxembourgeois. 'Sly' est avant tout un clin d’oeil au Grand-Duché, histoire de ne pas oublier nos origines», explique le batteur. «Pour moi qui ai longtemps séjourné à l’étranger, c’est aussi une forme de souvenir», renchérit le pianiste.
Le trio Reis-Demuth-Wiltgen a vu le jour en 1998, lorsque trois jeunes lycéens se retrouvent autour d’une reprise de Radiohead pour le traditionnel «Kolléisch in Concert» de l’Athénée. Deux décennies plus tard le groupe est plus soudé que jamais. Après leurs années d’études, le trio a intensifié son travail depuis une dizaine d’années. «Avec le temps nous nous connaissons tellement bien, ce qui nous permet d’avancer, de progresser», se félicite Paul Wiltgen. Marc Demuth est lui-aussi confiant: «Nos avis, nos opinions peuvent diverger, c’est tout a fait normal. En cas de désaccord sur un point, nous discutons pour trouver
Même si du fait de notre instrumentation notre trio peut se rapprocher du jazz, nous ne voulons pas nous limiter à un seul genre. Michel Reis, pianiste
Dans nos compositions, le style d'un chacun reste reconnaissable, du moins pour tous ceux qui nous connaissent. Paul Wiltgen, batteur
une solution. De plus chacun d’entre nous a un droit de veto. Nos caractères sont différents, mais se complètent bien et sont aussi de bonnes sources d’influences».
En juin dernier, ils étaient les tout premiers musiciens a revenir sur la scène de la Philharmonie. Plusieurs mois plus tard, leurs concerts, à quelques exceptions près, sont réduits au minimum. Comme bon nombre de collègues, ReisDemuth-Wiltgen tourne au ralenti. Raison de plus pour publier un nouvel album. Bien plus qu’une simple carte de visite, ce «Sly» doit aussi garantir une meilleure visibilité du groupe, qui privé de scène, renforce sa présence ces dernières semaines sur les réseaux sociaux et autres canaux. Le tournage de trois clips musicaux des morceaux «No Storm Lasts Forever», «Viral» et «Diary of An Unfettered Mind» par Emile V. Schlesser n’est qu’un signe de cette volonté des trois musiciens de marquer leur territoire. Un peu, comme un renard si «sly» ....
Trio ReisDemuth-Wiltgen, «Sly», label Cam Jazz, 13 titres, durée: 53 min.