Un pays, une pandémie et trois gestions différentes
Belgique: une enquête met en évidence les disparités, mais aussi les succès générés par la régionalisation lors de la pandémie
La pandémie a mis à rude épreuve la mécanique institutionnelle belge, souvent comparée à un mikado aussi complexe qu’incompréhensible. La Santé publique qui était autrefois gérée au niveau national est désormais- en partie du moins – l’affaire des Régions et des Communautés qui, jamais, n’avaient eu à exercer ces compétences à un tel degré d’urgence. Cette inexpérience ajoutée à la multitude des centres de décision – le pays compte huit ministres de la Santé – explique certains errements et certaines inégalités.
Si la Flandre s’est montrée efficace en ce qui concerne la médecine de première ligne (généralistes, pharmaciens, kinés, etc.), «c’est parce qu’elle a porté sur les fonts baptismaux un réseau de 60 zones 'eerste lijn', le plus souvent à l’échelle d’une ou plusieurs communes», explique «Le Soir» qui consacre un dossier à la gestion belgo-belge de la pandémie. Cette anticipation lui a permis d’encourager le réflexe vaccinal et d’obtenir de francs succès là où la Wallonie et surtout Bruxelles ont trainé la patte. Dans la capitale, seuls 44 % des Bruxellois majeurs ont reçu à ce jour une première dose (contre + de 60 % ailleurs dans le pays).
Les disparités régionales
D’importantes disparités régionales sont également constatées au niveau des quelque 25.700 décès attribués à ce jour à la pandémie. Alain Maron, le ministre bruxellois de la Santé, explique que la peur de la saturation des hôpitaux – qui a tenu lieu de fil rouge aux autorités depuis le début de la crise – s’est accompagnée de dommages collatéraux. Dans la précipitation des premières semaines ainsi, les infirmiers ont travaillé sans protections ad hoc (pénurie de masques, de charlottes, etc.). D’où la flambée de l’épidémie dans les maisons de repos et les hôpitaux. C’est ainsi que lors de la première vague, 63 % des décès concernaient les résidents des séniories, les trois quarts mourant dans leur lit sans jamais être transférés à l’hôpital.
Curieusement, la seconde vague s’est révélée plus mortelle en Flandre qu’en Wallonie et à Bruxelles. 4.000 décès ont été relevés dans les maisons de repos du nord du pays depuis septembre 2020, contre 3.000 lors de la première vague. Et cela bien que le personnel des sénories flamandes se soit montré très réceptifs à la vaccination (86,5 % contre 58,2 % en Wallonie et 47 % à Bruxelles), au grand désespoir des directeurs des maisons de repos francophones, maintes fois confrontés à un refus motivé par des convictions nourries des thèses complotistes.
La question du «partage du coût» Le dossier du «Soir» se termine par la question du «partage du coût», inévitable dans un pays fracturé où chacun garde un oeil dans l’assiette du voisin. Le coût de la vaccination est de 52,2 euros par personne en Flandre, contre 54,4 à Bruxelles et 71,7 en Wallonie, précise le quotidien. «Et comme le fédéral s’est engagé à financer 80 %, écrit-il encore, certains Flamands craignaient déjà de nouveaux transferts nord-sud – comprenez: l’argent flamand aurait financé les dépenses francophones. Mais il n’en sera rien. Car pour honorer sa facture, le fédéral ne se basera pas sur les coûts réels de la vaccination, mais sur un forfait identique pour chaque Région, décidé à l’unisson ...»
Ces calculs d’apothicaire n’empêchent pas les autorités de se réjouir de la «remontada» accomplie en matière de vaccination après les écueils de cet hiver. Ici, la Flandre fait figure de championne, devant Bruxelles et la Wallonie qui se situent dans la moyenne européenne.
La seconde vague s’est révélée plus mortelle en Flandre qu’en Wallonie et à Bruxelles.