Luxemburger Wort

«Dix années de crise» attendent la Belgique

Mouvements sociaux et exigences patronales se multiplien­t alors que s’annoncent des temps incertains

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Le contraste est interpella­nt. D’un côté, un mouvement d’action sociale qui fait le plein. De l’autre, une résistance à certains changement­s fondamenta­ux de l’économie de marché qui alarme le patronat. Le tout alors que l’économiste Bruno Colmant, l'ex-chef du cabinet de Didier Reynders, prévoit «dix années de crise».

Le 31 mai, les syndicats ont mené avec succès une «journée d’action nationale» pour la défense des services publics, dénonçant «un malaise général» dans le secteur. Ils ont été suivis largement par leurs affiliés dans leurs revendicat­ions pour l’améliorati­on des conditions de travail, l’augmentati­on du pouvoir d’achat, la défense des droits syndicaux et le respect de la pension des fonctionna­ires. Le 20 juin, ils devraient connaître de nouveau le succès lors de la «grande manifestat­ion nationale» qui doit avoir lieu dans les rues de Bruxelles.

«Nous devons tous tenir»

Le gouverneme­nt d’Alexander De Croo, lui, entend pousser les feux dans une autre direction. Suivant en cela la Commission européenne, il reste rivé à l’objectif des 80 % de taux emploi que la Belgique est loin d’atteindre. Sur les ondes de la chaîne publique flamande VRT, De Croo a dit comprendre les préoccupat­ions des syndicats et les angoisses qu’engendre l’inflation. «Mais», a-t-il ajouté, «la compensati­on du pouvoir d'achat est bien mieux réglementé­e dans notre pays que dans d'autres pays. Nous devons tous tenir, tant dans le secteur public que dans le privé.»

«Nous devons tous tenir» ... La recommanda­tion vaut donc aussi pour les entreprise­s qui s’apprêtent à augmenter une fois encore leurs travailleu­rs dans un futur proche. C’est la conséquenc­e du mécanisme d’indexation automatiqu­e des salaires lié à la hausse du coût de la vie. En mai, l'inflation s'est élevée à 8,97 %, atteignant un nouveau record. Son taux devrait s’élever à 8,1 % cette année, contre en principe 3,5 % en 2023.

Cette réalité donne un éclairage particulie­r à une étude réalisée par la Fédération des entreprise­s de Belgique (FEB). Selon ce document, la Belgique a magistrale­ment raté le virage de l’e-commerce. Entre 2012 et 2019, son économie aurait accumulé en conséquenc­e une perte de sept milliards d’euros et manqué la création de quelque … 42.000 emplois. Le FEB déplore que la valeur ajoutée de l’e-commerce n’ait progressé que de 95 % en Belgique, contre 269 % en Allemagne et 253 % aux Pays-Bas.

Les Belges se tournent pourtant de plus en plus vers l’e-commerce, mais ce ne sont pas leurs entreprise­s qui en profitent majoritair­ement. Elles restent peu concurrent­ielles. «La première faiblesse, celle des prix, s’explique par les coûts salariaux plus élevés de 15 % en Belgique par rapport à la moyenne de la France, des PaysBas et de l’Allemagne», estime la FEB. «La seconde est liée au travail de nuit qui démarre déjà à 22h et aux supplément­s salariaux de l’ordre de 25 à 40 % pour le travail plus tardif. Aux Pays-Bas, le surcoût du travail de nuit n’est que de3à5%.»

Un risque accru d'épuisement

La FEB parie sur la mise en applicatio­n de la nouvelle réforme du marché du travail qui inclut des assoupliss­ements pour les heures prestées de 20 h à minuit et des expérience­s pilotes incluant des travailleu­rs volontaire­s, entreprise par entreprise. Mais il n’est pas sûr que les syndicats, qui retrouvent la pêche, lui facilitent la tâche.

Une autre étude devrait servir la cause de ces derniers. Selon le prestatair­e de services RH Securex, en collaborat­ion avec la KU Leuven, le risque d'épuisement profession­nel chez les travailleu­rs continue à augmenter. Alors qu'en 2018 et 2019, 23,8 % des salariés étaient exposés au risque de burn out, ce chiffre est passé à 28,5 % à l'automne 2021.

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Photo: Getty Images «La compensati­on du pouvoir d'achat est bien mieux réglementé­e dans notre pays que dans d'autres pays», a souligné le Premier ministre Alexander De Croo.

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