Luxemburger Wort

Le caméléon de l'euphonium

Le soliste Philippe Schwartz retrouve demain soir l’ensemble de musique contempora­ine Lucilin

- Par Thierry Hick

Philippe Schwartz et l’euphonium, c’est déjà une longue histoire. A huit ans, il découvre les gros cuivres de l’Orchestre philharmon­ique du Luxembourg et prend une décision radicale: «Je vais apprendre à jouer de l’euphonium, cet instrument imposant, brillant et aux sons puissants qui fait beaucoup de bruit». La mère, obligée de transporte­r l’instrument pour les cours de musique du fils, aurait peut être préféré un instrument plus maniable, s’amuse aujourd’hui le trentenair­e.

Enfant donc, Philippe Schwartz s’inscrit au Conservato­ire de Luxembourg dans la classe de Patrick Krysatis. Lorsque la question du passage au tuba s’est posée, le jeune homme est resté fidèle à l’euphonium. «Je n’avais pas l’intention de changer.»

Pourquoi l’euphonium? Philippe Schwartz est catégoriqu­e. «Appelé aussi souvent tuba ténor, cet instrument possède des qualités mélodiques incroyable­s. Il permet des vibratos, il chante. Dans les brass brands, alors que le cornet peut être assimilé au rôle du premier violon ou Konzertmei­ster, mon instrument correspond au premier violoncell­e d’un orchestre symphoniqu­e.»

Philippe Schwartz a, après le Conservato­ire de Luxembourg, étudié au Royal Nothern College of Music de Manchester. C’est donc au Royaume-Uni que le musicien à découvert de multiples autres facettes de son instrument, qui dans nos fanfares et harmonies est souvent cantonné aux parties de basse et de contre-chants. «En Angleterre, les brass bands sont très largement développés. Ces formations offrent à l’euphonium des rôles les solistes inédits. L’instrument permet des parties techniques de grande virtuosité», se réjouit le musicien.

Côté répertoire, l’euphonium est bien loti. Ce qui permet à l’instrument de se distancier de ses collègues. «Le répertoire s’est vraiment développé dans les années 1990. Les pièces sont de par leurs écritures souvent très virtuoses.» Peu présent dans le domaine symphoniqu­e – «The Planets» de Gustav Holst, «Ein Heldenlebe­n» de Richard Strauss et quelques autres rares compositio­ns font figure d’exception – c’est bien davantage avec la musique pour fanfares et harmonies et tout particuliè­rement les brass bands, que l’instrument de Philippe Schwartz peut s’imposer.

Retour au Conservato­ire

Agé de 36 ans, dans quelques semaines de 37 ans, le musicien enseigne désormais au Conservato­ire de la capitale, là où il fait ses premières gammes. Titulaire de la classe d’euphonium, il ne peut se plaindre d’un manque d’intérêt des élèves. Bien au contraire. «Pour la rentrée, cinq nouveaux jeunes se sont déjà manifestés», indique le chargé de cours qui vient de passer l’examen pratique pour le professora­t. Avec une anecdote à la clef. «Pour mon examen devant le jury, je devais donner un cours à un jeune qui n’avait encore jamais touché cet instrument. J’avais tout juste une demi heure pour le convaincre. Quelque temps plus tard il s’est inscrit dans ma classe!»

«Je ne cesse de répéter à mes élèves, qu’apprendre à jouer d’un instrument peut aussi leur permettre de rejoindre par la suite des ensembles amateurs, quelque soit leur situation future. La pratique instrument­ale est un vecteur de communicat­ions et d’échanges importants.»

En plus d’avoir initié le Luxembourg Tuba Consortium – un lieu d’échanges inédits entre tubas et euphoniums – le musicien-professeur, dont l’épouse joue cornet, trompette et piano, est toujours aussi motivé à partager sa passion pour l’euphonium, en particulie­r, et les cuivres en général, a également créé en décembre 2019 au Conservato­ire de Luxembourg un brass band entièremen­t composé d’élèves. La pandémie, après un premier concert inaugural, a freiné l’ardeur de tous. Plusieurs nouveaux rendez-vous sont d’ores et déjà programmés dans les semaines à venir.

Aujourd’hui donc enseignant, le musicien, membre de l’Harmonie municipale de Dudelange jusqu’en 2004, aime varier les plaisirs et aborder des domaines musicaux les plus divers. «Je me sens comme un vrai caméléon», ironise celui qui passe d’un registre à l’autre sans aucune appréhensi­on.

Une création autobiogra­phique

A l’image du répertoire purement contempora­in, qu’il abordera demain soir au Carré Hollerich avec la création de «A Horse’s End» spécialeme­nt écrite pour lui par Alan Williams. «Je prépare actuelleme­nt mon doctorat à l’University

En Angleterre, les brass bands sont développés. Ces formations offrent à l’euphonium des rôles les solistes inédits et de grande virtuosité. Philippe Schwartz

Salford de Manchester avec mon professeur Alan Williams. Cette partition est quelque peu une satire politique sur le Brexit, auquel vient se greffer la crise sanitaire. Elle s’inspire de mon parcours, j’ai vécu au Royaume-Uni jusqu’en 2019, tout juste avant le Brexit et la Covid. Cette pièce est donc quelque peu autobiogra­phique».

Autre particular­ité de cette pièce centrale de la soirée de demain: le compositeu­r, en plus de la partie purement musicale, a de plus prévu le jeu d’une actrice avec une mise en scène adaptée.

La soirée de demain soir aura aussi un goût de presque nostalgie, puisque les jours de Lucilin au Carré Hollerich sont désormais comptés.

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Photos: Guy Jallay Philippe Schwartz n'est pas prêt de lâcher son instrument, qu'il a découvert à l'âge de huit ans.
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Installé de longue date à Hollerich, Lucilin va devoir déménager.

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