Luxemburger Wort

La Belgique politique s’échauffe

Index, plein-emploi et compétitiv­ité agitent les cerveaux avant la manif du 20 juin

- Par Max Helleff (Bruxelles) Caricature: Florin Balaban

La Belgique comme le Luxembourg applique l’indexation des salaires en fonction du coût de la vie. Ce mécanisme fait ici figure de véritable vache sacrée auprès des syndicats et des partis de gauche. Il est donc fatalement remis en question par la droite chaque fois que la compétitiv­ité des entreprise­s est en danger face à la concurrenc­e étrangère. Les salaires des fonctionna­ires auront en outre été indexés quatre fois en un an. L’inflation galopante ne devrait rien arranger. Certains s’en émeuvent.

Le libéral francophon­e GeorgesLou­is Bouchez a récemment fait une sortie dans la presse qui n’est pas passée inaperçue. «Il n’est pas question», a confié le président du Mouvement réformateu­r au «Soir», «de toucher à l’indexation automatiqu­e des salaires et à la loi de 1996», laquelle définit la méthode du calcul de la marge salariale sur base d'une comparaiso­n entre la Belgique et les pays voisins. Bouchez entend soutenir le pouvoir d’achat des travailleu­rs sans mettre en danger la compétitiv­ité des entreprise­s en reprenant à… l’Etat une partie des taxes et des cotisation­s sociales générées par l’indexation automatiqu­e des salaires.

«L’inflation à 8 % représente 20 milliards de dépenses pour les entreprise­s dans les deux prochaines années», explique le libéral. «Dont un peu plus de cinq milliards en cotisation­s sociales. Et sept milliards retournero­nt dans les caisses de l’Etat via la fiscalité.» Georges-Louis Bouchez propose dès lors d’utiliser une partie de cet argent pour aller vers «un index fiscalemen­t renforcé et compétitif». Pour y parvenir, la dernière indexation de l’année serait exonérée de cotisation­s sociales.

Le montant dégagé permettrai­t tour à tour de soutenir le pouvoir d’achat des travailleu­rs et d’alléger la contributi­on des entreprise­s. Vingt millions d'euros iraient en outre dans la poche des bas salaires et des salaires médians. Le tout ne coûterait rien à l’Etat car il s’agit de «non-recettes».

Vers les 80% d'emplois

Ce calcul en rencontre un autre: l’accord de gouverneme­nt prévoit d’atteindre les 80% de taux d’emploi, ce qui implique de remettre 700.000 personnes au turbin. En Belgique, le bassin du non-emploi est composé de 315.000 chômeurs et de 500.000 malades de longue durée.

Selon Georges-Louis Bouchez, atteindre les 80 % d’emploi d’ici 2030 assurerait 40 milliards de recettes globales à l’Etat, dont 26 milliards de retours directs.

D’où l’intention du Mouvement réformateu­r de pousser à l’adoption d’un «jobs deal » d’ici l’été ou encore de lier la prochaine réforme des pensions à une refonte structurel­le du marché du travail destinée à lutter contre la pénurie de certains métiers.

Parmi les mesures citées ici, on note que les chômeurs qui refuseraie­nt deux emplois dans des secteurs en pénurie ou deux formations seraient sanctionné­s via la dégressivi­té de leurs allocation­s. Quant aux malades de longue durée, ils seraient encouragés à revenir davantage vers le travail tout en gardant leurs aides jusqu’à un certain point. Le taux de maladieinv­alidité en Belgique est de 6,4 % (la moyenne européenne est de 4,3 %). Le ministre fédéral de la Santé, le socialiste flamand Frank Vandenbrou­cke, planche précisémen­t sur la question.

L’accent mis sur l’emploi n’est pas sans rappeler le slogan «Jobs, jobs, jobs» qui a scandé la législatur­e (2014-2018) menée par un autre libéral francophon­e: Charles Michel.

Sur le bord d’en face, ces propos laissent plutôt froid. Le PS de Paul Magnette veut revoir la loi de 1996, afin d’augmenter la marge de manoeuvre des négociatio­ns salariales. En 2017, toujours sous l’ex-gouverneme­nt Michel, celleci a été corsetée, expliquent les socialiste­s. «Ce n’est pas dans l’accord de gouverneme­nt, je le reconnais mais cette loi sera débattue à partir du 29 juin en commission des Affaires sociales du parlement fédéral suite à une pétition et le PS voulait apporter ses propositio­ns», explique Paul Magnette. Les libéraux – qui font partie du même gouverneme­nt – ne devraient guère apprécier.

Le PS veut en outre soutenir la classe moyenne en taxant notamment le capital (comptes-titres et grands patrimoine­s).

Des lendemains difficiles

Index, plein-emploi, taxation des riches… Ces thèmes fleurissen­t alors qu’une «grande manifestat­ion nationale» est programmée le 20 juin par les syndicats dans les rues de Bruxelles, avec d’inévitable­s rebonds au sein de la coalition Vivaldi du Premier ministre Alexander De Croo. Les clivages droite-gauche qui se mettent en place sur le social et le pouvoir d’achat lui promettent des lendemains difficiles.

L'indexation fait ici figure de véritable vache sacrée auprès des syndicats et des partis de gauche.

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