Campagne pour programmes et candidats inconnus
De l’utilité et du potentiel de campagnes de sensibilisation pour l’inscription sur les listes électorales
La ministre de la Famille lance ces jours-ci la campagne pour l’inscription des étrangers sur les listes électorales en vue des élections communales de juin 2023.
Y sont reprises les conditions actuelles à savoir entre autres cinq années de résidence.
Un projet de loi abolissant ces cinq années va aboutir sous peu.
Pourquoi cette précipitation à douze mois du scrutin et à un moment où personne (sauf Madame Corinne Cahen) évoque ces élections?
Message brouillé évoquant aujourd’hui cinq ans de résidence et après-demain l’abolition des cinq ans. Je ne puis m’empêcher de constater que cette fois-ci, comme les précédentes, il s’agit davantage de gesticulation que de conviction. Je le dis pour y avoir contribué maintes fois, faute de mieux.
Du haut du socle du vote obligatoire, on se gausse parfois de la faible participation aux élections – notamment communales – dans nos pays voisins. Si nous prenions en compte seulement celles et ceux qui chez nous ne sont pas d’office électeurs et qui pour voter doivent se déplacer, non pas le jour des élections comme en France ou en Allemagne, mais déjà 55 jours avant, avec moins d’un quart le taux de participation, le Grand-Duché serait classé lanterne rouge!
Le traité de Maastricht qui a instauré le droit de vote communal (et européen) invoquait pour les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne un accès égal au vote à celui des nationaux. Même si le Luxembourg est allé plus loin en incluant les citoyens de pays tiers, l’ambition du traité devrait impliquer une inscription d’office de tous les résidents âgés de 18 ans.
L’abolition de la clause des cinq ans constitue un pas très important, même si d’autres progrès sont encore possibles, à commencer, comme nous venons de le voir, l’inscription d’office.
Prenons le cas d’un autre pays à vote obligatoire, notre voisin belge. L’invitation de s’inscrire est complétée par une fiche. Accompagnée d’une copie d’un document d’identité, la fiche peut être renvoyée par la poste ou par mail.
S’il fallait s’inscrire 87 jours avant la date du scrutin, la loi à venir se satisfera de 55 jours, un progrès très notable. Sans dénigrer cette avancée, le législateur pourrait aller plus loin. Evoquons l’hypothèse d’un Luxembourgeois rentrant 15 jours avant l’élection d’un long séjour à l’étranger: en s’inscrivant dans sa nouvelle commune au GrandDuché, il pourra, respectivement devra aller voter deux semaines plus tard. En France, tous les Français doivent s’inscrire sur les listes électorales 36 jours avant le scrutin.
Une élection n’est pas seulement une question de formalités et celles-ci sont d’autant plus à portée de main que les enjeux, potentialités et défis politiques apparaissent clairement. Traditionnellement, programmes et candidats n’entrent en lice que quelques mois, voire quelques semaines avant les élections. Or, les uns et les autres sont censés orienter le choix des électeurs. Inconnus parce qu’inexistants, ils ne peuvent être des éléments décisifs pour s’inscrire sur les listes électorales.
En l’absence encore de programmes et de candidats, il ne reste à une campagne de sensibilisation que d’évoquer les grands principes, mais peut être aussi et surtout les domaines où une commune peut intervenir et innover, sans oublier que parmi les compétences obligatoires comme la scolarisation des (non)-choix sont possibles comme ce quartier de la capitale dont l’école fondamentale est hébergée dans trois séries de containers, alors qu’autour ont poussé plus de 1.000 logements. A propos logement, c’est un autre domaine ou des choix politiques communaux sont possibles, sachant que l’Etat rembourse à la commune 75 % pour l’acquisition, l’aménagement ou la construction de logements sociaux.
Le terme de logement social disparaît peu à peu du discours officiel, remplacé par logement abordable: ni l’un ni l’autre ne cachent le mépris de nombreux élus pour les couches modestes à faible revenu. Les tenir à l’écart de l’électorat prend des dimensions de plus en plus criantes. Cette politique est sans risques, au contraire pleine de perspectives à moyen terme. Le tiers des habitants-électeurs de la capitale est servi par ses élus. De nombreuses études nous apprennent que les couches sociales inférieures sont celles qui votent le moins.
Nous assistons à une sorte de «gerrymandering» dans la capitale. Certes, aucun paramètre électoral n’est changé, mais l’exclusion est tout aussi efficace, sinon plus.
La pénurie de logements locatifs socialement abordables et appartenant aux pouvoirs publics ne peut pas être combattue
En l’absence encore de programmes et de candidats, il ne reste à une campagne de sensibilisation que d’évoquer les grands principes.