«Eis Finanzplatz, dat si mir all! Och am Ruanda?»
Les appréciations de Human Rights Watch et de Amnesty International sur les droits humains au Ruanda sont accablantes. Moins directe, mais tout aussi parlante, la déclaration du représentant du Royaume Uni au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU en janvier 2021 qui évoque e. a. des exécutions extrajudiciaires, des morts suspectes en détention, ses détentions illégales ou arbitraires, des actes de torture et ses poursuites judiciaires abusives.
Voilà donc le nouveau partenaire de la Coopération luxembourgeoise et de «notre» place financière. Alors que les conditions de transparence font des progrès dans les institutions financières du Kirchberg et alentours, le régime de Kagali offre un havre d’intransparence dans un cadre bafouant les droits de l’homme et alimentant la guerre au Congo. Ecoutons à ce sujet le Dr Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix 2018 et bien connu au Luxembourg qui a évoqué il y a quelques jours «les multiples agressions dont est victime» (la RD Congo). La plus récente, qui se déroule encore sous nos yeux, est celle du groupe M23 dont le soutien du Rwanda est connu de tous depuis des décennies», a-t-il ajouté. Boris Johnson a remis aux oubliettes son appréciation de 2021 et a détourné l’attention de son opinion publique de ses déboires internes vers une politique d’asile révolutionnaire. Les demandeurs d’asile seront envoyés – contre monnaie sonnante – au Ruanda où leur demande sera examinée. Pour ceux qui obtiennent le statut de réfugié, point de retour en Grande Bretagne.
L’article 33 de la Convention de Genève, dont le Royaume Uni est signataire, porte le titre «Défense d’expulsion et de refoulement» et ne permet nullement pareille déportation «légale» selon le gouvernement de sa Majesté.
Le Ruanda, pays de destination des demandeurs de protection est peu recommandable selon Human
Rights Watch. Citons leur communiqué du 14 avril 2022: «(...) le bilan déplorable du Rwanda en matière de droits humains est bien documenté. En 2018, les forces de sécurité rwandaises ont abattu au moins 12 réfugiés de la République démocratique du Congo après leur tentative de manifester contre une réduction des rations alimentaires. Les autorités ont ensuite arrêté et poursuivi en justice une soixantaine d’entre eux, notamment pour rébellion et diffusion de fausses informations dans l’intention de créer une opinion internationale hostile à l’Etat rwandais». Voilà pour le traitement des réfugiés au Rwanda.
Qui donc entre en lice en cas de violation manifeste d’une convention, si ce n’est le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU? Comme le Luxembourg en est membre, nous attendons (en vain?) qu’il y soulève cette violation.
Les 140 millions d’euro annuels que le Royaume Uni versera au Ruanda pour sévices rendus pourront servir à renforcer la nouvelle place financière de Kigali, partenaire du Grand-Duché.
La boucle est bouclée.
Serge Kollwelter, Luxembourg-Kirchberg