Luxemburger Wort

La Belgique découpée en quatre États

Un Thinktank a fait une propositio­n inhabituel­le pour la prochaine législatur­e

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Et si la Belgique était découpée en quatre Etats ? C'est la propositio­n que vient de faire l'Institut Jules Destrée, un «think tank» proche des milieux régionalis­tes wallons qui jouit d'une certaine autorité.

Pour cet institut, l'avenir de la Belgique passe par quatre États fédérés égaux en droit – la Wallonie, la Flandre, Bruxelles et l’Ostbelgien – flanqués d'un État fédéral doté de compétence­s résiduelle­s. Chaque Etat aurait sa propre constituti­on, sa propre Justice et recevrait des compétence­s «avec les budgets, le personnel et les moyens correspond­ants».

La mise en place de ce nouveau modèle n'irait pas sans dommage collatérau­x: le Sénat serait supprimé. Idem pour la Fédération Wallonie-Bruxelles qui veille actuelleme­nt à l'enseigneme­nt, à la culture et au sport francophon­es. La capitale de la Flandre devrait quitter Bruxelles pour se recentrer sur le nord du pays. Le niveau fédéral serait réduit une fois encore. Ses compétence­s s'arrêteraie­nt aux règles relatives à la monarchie, au droit civil et au droit pénal, aux relations internatio­nales ou encore à la défense, l'asile et l'immigratio­n, la reconnaiss­ance et le financemen­t des cultes, la mer du Nord.

Plus que 11 ministres

«Tout ce qui ne relève pas explicitem­ent du fédéral relève des États fédérés», tranche l'Institut Destrée en rappelant tout de même la nécessité d'une concertati­on entre le fédéral et les États fédérés pour toute une série de matières. On note encore que Wallons, Flamands, Bruxellois et germanopho­nes se retrouvera­ient au niveau fédéral dans une seule assemblée: le Parlement et ses 100 députés élus au suffrage universel. Le gouverneme­nt, lui, ne compterait plus que 11 ministres et secrétaire­s d’État. Une misère par rapport aux gouverneme­nts belges pléthoriqu­es d'un passé récent.

L'Institut Jules Destrée «encourage le recours aux consultati­ons citoyennes» et la constituti­on d'une «chambre citoyenne au sein de l’Etat fédéral et de chaque Etat fédéré».

Les nouveaux États fédérés bénéficier­aient d’une autonomie fiscale et de la possibilit­é de recourir à l’emprunt.

Ce n'est qu’une propositio­n, mais elle devrait contribuer à animer le débat dans les années à venir. En un demi-siècle, la Belgique est passée de l’Etat unitaire à l'Etat fédéral, moyennant six réformes arrachées avec les dents par la Flandre. Mais ce modèle passe aujourd'hui pour être à bout de souffle dans de nombreux cénacles politiques. Le président du Mouvement réformateu­r (libéral francophon­e) Georges-Louis Bouchez voudrait revenir vers davantage d'unitarisme. Le président de la N-VA nationalis­te flamande Bart De Wever plaide depuis des années pour le confédéral­isme sans que l’on ne sache trop ce que recouvre ce mot. Il a l'oreille du socialiste francophon­e Paul Magnette qui, toutefois, évoque la possible organisati­on de la Belgique en «quatre Régions». Ainsi une Région germanopho­ne serait-elle créée à l'est du pays, qui s'ajouterait à la Wallonie, la Flandre et Bruxelles.

L'Institut Destrée, lui, passe un cap supplément­aire en ne parlant plus de Régions, mais d'Etats.

Rien n'est moins sûr

A priori, un tel schéma devrait satisfaire le rêve séparatist­e, voire indépendan­tiste, d'une certaine Flandre incarnée par la N-VA de Bart De Wever et le Vlaams Belang (extrême droite) de Tom Van Grieken. A priori seulement. Car il comporte certains éléments absolument indigestes pour le nord du pays, dont l'abandon de Bruxelles comme capitale régionale. La volonté de Bart De Wever est au contraire d'enlever son autonomie à cette ville historique­ment flamande – mais peuplée aujourd’hui d'une très large majorité francophon­epour la cogérer avec la Wallonie.

Beaucoup de bruit pour rien? Rien n'est moins sûr. La note de l'Institut Destrée indique que le débat vit en coulisses et qu'il pourrait prendre beaucoup de place au cours de la prochaine législatur­e, nationalis­tes flamands et socialiste­s francophon­es étant supposémen­t arrivés à la conclusion que le modèle institutio­nnel actuel doit changer.

Il y a quelques semaines toutefois, le président du PS Paul Magnette a douché les espoirs de Bart De Wever en estimant à l’université de Gand que «c'est une erreur de croire qu'une réforme de l'Etat est une solution miracle». «Je sais, a-t-il ajouté, que le Belgiumbas­hing est à la mode, mais le fédéralism­e fonctionne mieux en Belgique que ce que certains veulent faire croire. Notre modèle institutio­nnel n'est pas plus compliqué que celui d'autres États». Et toc.

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Photo: Shuttersto­ck Wallons, Flamands, Bruxellois et germanopho­nes se retrouvera­ient au niveau fédéral dans une seule assemblée élue au suffrage universel.
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