Le pouvoir d’achat hante les Belges
La grogne monte dans la rue et dans les entreprises, en dépit de la prolongation des aides décidées par le gouvernement De Croo
La «grande manifestation nationale» a fait le plein. Lundi, ils étaient entre 70.000 et 80.000 à arpenter les rues de Bruxelles pour demander la revalorisation de leur pouvoir d’achat et la révision de la loi de 1996 qui limite la hausse des salaires.
Les manifestants affirment que le mécanisme d’indexation liant les salaires au coût de la vie ne suffit plus à assurer une existence correcte. Il faut, disent-ils, que les patrons acceptent de renégocier les bases de leur rémunération. Celleci est aujourd’hui limitée afin de sauvegarder la compétitivité des entreprises belges par rapport aux pays voisins.
Les témoignages convergent. Ce professeur affirme ne plus être capable de remplir son réservoir d’essence pour circuler entre les écoles qui l’emploient. Ces caissières évoquent le caddie de leurs clients, vidés de certains achats au dernier moment afin d’alléger l'addition.
Les mesures de soutien
Les syndicats ont le vent en poupe. Ils promettent au gouvernement un automne social difficile si les travailleurs ne sont pas entendus.
Pourtant, le gouvernement fédéral vient de décider de prolonger les mesures de soutien aux ménages jusqu’à la fin de l’année 2022. Le chèque mazout et propane unique est revalorisé de 200 à 225 euros, le tarif social est élargi, la TVA maintenue à 6 % sur le gaz et l’électricité, la baisse des accises prolongée sur les carburants. L’effort budgétaire gouvernemental est estimé à 1,4 milliard d’euros d’ici la fin de l’année. «Ces mesures ont un impact direct sur la facture mais ne doivent pas nous faire oublier que l’accélération de la transition énergétique et l’isolation de nos maisons sont les meilleures mesures pour réduire structurellement la facture énergétique», rappelle toutefois la ministre de l’Energie, l’écologiste flamande Tinne Van der Straeten.
Du reste, le Premier ministre Alexander De Croo refuse d’entendre parler d’une renégociation de la loi de 1996 sur les salaires. Les libéraux jugent que le débat est clos et voient dans l'augmentation du travail la solution à la crise. Ils rappellent que la Belgique est loin d’atteindre le seuil des 80 % fixé pour le plein-emploi.
Tensions au sein de la coalition
L’opposition est vent debout, au centre comme à l’extrême gauche communiste. Mais pas seulement. Le PS et Ecolo, qui font partie de la coalition Vivaldi d’Alexander De Croo, étaient présents lors de la manifestation nationale de lundi, au grand dam de leurs partenaires libéraux. Chacun fait monter les enchères avant les négociations qui s’ouvriront à la fin du mois pour définir les principales orientations à la sortie de crise.
Selon un sondage Ipsos relayé par plusieurs médias, l’inflation et la hausse des prix arrivent en tête des préoccupations des Belges (55 % des sondés). Viennent ensuite les impôts et les taxes (31 %), la pauvreté et les inégalités sociales (29 %). Le changement climatique (22 %) n’arrive plus qu’en quatrième position.
Ces inquiétudes trouvent une forte résonance en différents points de la société. Lundi, aucun avion n'a décollé de Brussels Airport pratiquement déserté de ses passagers. Ce vendredi 24 juin, une grève de trois jours frappera la compagnie irlandaise Ryanair, à Zaventem comme à Charleroi. Le bras de fer se durcit et pourrait chambouler l’été des Belges. Ceux-ci ont déjà en majorité revu leur budget vacances à la baisse, persuadés qu’il faut malgré tout prendre un peu de bon temps lorsque la pandémie le permet.
Les syndicats promettent au gouvernement un automne social difficile si les travailleurs ne sont pas entendus.