Luxemburger Wort

Le jeu ambigu des socialiste­s belges

Le président du PS Paul Magnette tourne le dos aux nationalis­tes flamands et s’inscrit dans la contestati­on sociale

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Le président du PS Paul Magnette vient de défrayer par deux fois la chronique politique en une semaine. D’une part, il y a ce positionne­ment revu et corrigé dans le cadre du dossier institutio­nnel. De l’autre, il y a la présence du Carolo au coeur de la «grande manifestat­ion nationale» qui vient de mettre le gouverneme­nt fédéral – auquel le PS participe – en demeure de trouver des solutions à la déglingue du pouvoir d’achat.

Pour tout dire, on s’y perd un peu. En 2020, le PS de Paul Magnette et la N-VA nationalis­te flamande de Bart De Wever avaient failli monter ensemble dans le bateau gouverneme­ntal. Au final, la N-VA a été reléguée dans l’opposition et le PS a rejoint le libéral flamand Alexander De Croo au sein de la coalition Vivaldi au pouvoir. Mais de ces tractation­s était resté le sentiment qu’au terme des élections législativ­es de 2024, les deux ténors se retrouvera­ient pour discuter enfin de la septième réforme de l’Etat, laquelle aboutirait à coup sûr à affaiblir une fois de plus le niveau fédéral.

Paul Magnette vient de mettre ce schéma à la poubelle. «Une septième réforme de l’État en 2024 n’est ni nécessaire ni souhaitabl­e. Parce que la Wallonie a les compétence­s nécessaire­s pour travailler à son redresseme­nt, contrairem­ent au passé. Les priorités fédérales sont ailleurs, c’est la justice fiscale, le renforceme­nt de la sécurité sociale, des services publics», a détaillé le président du PS, déniant tout contact à ce propos avec la N-VA.

En revanche, il a renouvelé son appui à une Belgique articulée dans le futur autour de quatre niveaux régionaux. Elle verrait les germanopho­nes se hisser au même rang que les Flamands, les Wallons et les Bruxellois en décrochant leur propre Région. Paul Magnette prévient en outre les «Flamands»: ils «doivent comprendre que si un jour ils font une déclaratio­n d’indépendan­ce, ce sera sans Bruxelles. Ça, définitive­ment, ce sera sans Bruxelles. Ils peuvent faire une Flandre indépendan­te avec un gros trou au milieu s’ils le veulent, et se priver de la capitale de l’Europe». On imagine que Bart De Wever aura avalé de travers en lisant ces mots qui tournent radicaleme­nt le dos au modèle confédéral qu’il veut imprimer à l’Etat belge. Déception d’autant plus amère que la ligne sociale adoptée en ce moment par le PS francophon­e a de quoi effrayer la droite flamande.

En début de semaine, Paul Magnette s’est joint aux dizaines de milliers de personnes qui se sont rassemblée­s à Bruxelles pour défendre leur pouvoir d’achat et demander au gouverneme­nt de délier davantage les cordons de la bourse. Si le PS estime de son devoir d’être auprès de ceux qui souffrent de la crise, il est aussi l’une des principale­s forces politiques de la Vivaldi.

Schizophré­nique? «Le Soir» rappelle que de tels épisodes se sont déroulés maintes fois depuis la guerre en divers partis. Il y était courant de faire monter la pression dans la rue alors que l’on négociait par ailleurs autour de la table gouverneme­ntale. Le quotidien conclut toutefois qu’il s’agit d’«un sport très national étant donné la complexité des coalitions». Ce serait «un mode de scrutin que, paraît-il, nos voisins français, sous régime majoritair­e, nous envient. Et dont ils font en quelque sorte l’expérience en ce moment alors qu’Emmanuel Macron doit se mettre en quête de partenaire­s de coalition. On a envie de lui dire: bienvenue au club».

A l’analyse, la coalition Vivaldi ne tournerait pas moins rond que la plupart des gouverneme­nts précédents. Quant aux élections anticipées, il n’en a plus été question ces dernières semaines.

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Photo: AFP Pour Paul Magnette, une septième réforme de l’État en 2024 n’est ni nécessaire ni souhaitabl­e.

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