Luxemburger Wort

Libération sans conditions

Michelle Martin, l'ex-femme de Marc Dutroux, a purgé sa peine

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Elle fut – et reste sans doute – la femme la plus détestée de Belgique. Michelle Martin, l’exépouse du pédophile Marc Dutroux, est désormais totalement libre, déchargée de toutes les obligation­s que lui imposait jusqu’ici la justice. Aujourd'hui, elle est libérée sans conditions.

En 2004, Michelle Martin avait été condamnée à 30 ans de prison par la cour d’assises d’Arlon pour complicité dans les crimes commis par Marc Dutroux, l’homme qui avait enlevé, torturé et tué les petites Julie et Mélissa, ainsi que les adolescent­es An et Eefje. En août 2012 cependant, l’ancienne institutri­ce avait bénéficié d’une libération conditionn­elle après avoir passé seize ans en prison. Sa bonne conduite associée à un pronostic favorable quant à ses chances de réinsertio­n avait motivé cette décision. Dix ans plus tard, les conditions qui l’attachaien­t encore à la justice sont levées.

La nouvelle est largement commentée par la presse et les réseaux sociaux. Tous rappellent qu’en 2012, la remise en liberté sous conditions de Michelle Martin avait fait scandale. Inconcevab­le pour les familles des victimes ainsi que pour cette partie de l’opinion publique qui n’avait pas oublié les événements terribles de 1996. Au soulagemen­t provoqué alors par la libération de Laetitia Delhez et Sabine Dardenne – les deux dernières «proies» de Dutroux retrouvées en vie – avait succédé l’horreur. La Belgique apprenait qu’un violeur récidivist­e avait maintenu en captivité des enfants voués à une mort atroce, se débarrassa­nt au passage d’un complice. Marc Dutroux avait une épouse prénommée Michelle. Elle lui avait donné trois enfants.

Amertume du père de Julie

Femme soumise à son mari pour ses avocats, aiguillon de ses perversion­s pour l’accusation, Michelle Martin fut condamnée à la détention pour son rôle dans les séquestrat­ions, viols et meurtres de mineurs. Elle devait également être

Michelle Martin a purgé 16 des 30 ans de prison auxquels elle avait été condamnée avant d'obtenir une libération conditionn­elle en août 2012.

reconnue par la justice comme coauteur du viol d’une mineure slovaque nommée Yancka Mackova. Martin s’était chargée de la droguer. Dutroux n’avait plus eu qu’à la violer.

Jean-Denis Lejeune, le père de la petite Julie morte en 1996 suite aux traitement­s infligés par le couple Dutroux-Martin, a exprimé mercredi sur Facebook son amertume. «Les peines prononcées ne correspond­ent pas à la réalité de l’exécution de la peine. Mais ce système est entretenu par notre monde judiciaire, c’est-à-dire les juges et les avocats (…) Beaucoup d’avocats sont d’ailleurs députés ou ministres. Pensez-vous réellement que ceux que vous avez élus sont enclins à un changement de notre système actuel? Bonne journée…»

Ce post renvoie à une idée qui a la vie dure: l’affaire Dutroux n’aurait pas été possible si ceux qui ont la charge de faire respecter l’état de droit s’étaient montrés à la hauteur. En 1996, la police était passée à côté de la cache sordide où Dutroux retenait les enfants. Un quart de siècle plus tard, la justice se montrerait laxiste…

Se réintégrer dans la société

Au contraire, la justice estime aujourd’hui que Michelle Martin a montré sa volonté de s’amender et sa capacité à se réintégrer dans la société. Hébergée par les soeurs clarisses au couvent de Malonne (Namur) après sa sortie de prison, puis par un juge, l’ex-épouse de Marc Dutroux a depuis obtenu un bachelier en droit.

A 62 ans, ses chances de décrocher un emploi sont cependant extrêmemen­t faibles. «Elle émarge donc au CPAS alors qu’elle voudrait tant s’exprimer sur le plan profession­nel», explique dans les colonnes du Soir une ancienne magistrate namuroise qui a longtemps accompagné Michelle Martin dans son parcours vers la liberté retrouvée. «Mais, ajoute-elle, j’ai le sentiment que son reclasseme­nt et sa réinsertio­n dans la société sont un échec, mais certaineme­nt pas de sa faute. C’est de la faute des haineux, des justiciers, des ignorants, des méchants et des médias»…

Comme le veut la formule, Michelle Martin a aujourd’hui payé sa dette à la société. Enfin presque, car elle est censée indemniser ses victimes, même si dans les faits la chose paraît peu probable. En 2012, Jean Lambrecks, le père d'Eefje, une des victimes de l'affaire Dutroux, avait accusé Martin d’avoir organisé son insolvabil­ité en refusant l’héritage de sa mère au profit de ses enfants. Un insolvabil­ité frauduleus­e, selon lui. L’affaire avait abouti à un non-lieu, les faits étant prescrits.

La même société donne aujourd’hui une seconde chance à Michelle Martin. Après plusieurs tentatives avortées, son ex-époux Marc Dutroux a quant à lui renoncé à faire valoir ses droits à la libération conditionn­elle. Il passera le reste de ses jours en prison.

Les peines prononcées ne correspond­ent pas à la réalité de l’exécution de la peine. Jean-Denis Lejeune, le père de Julie

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Photos: Archives LW Une affiche montre des photos de An, Eefje (en haut, de gauche à droite), Julie et Melissa (en bas, de gauche à droite).
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