Luxemburger Wort

Un pays à la hauteur de ses ambitions?

- Par Carlo Thelen *

Si la digitalisa­tion n'est pas une fin en soi, elle représente l’une des conditions nécessaire­s au progrès technologi­que et sociétal, à l’innovation et aux gains d’efficience, tant pour l’État que pour les citoyens et entreprise­s. Tout le monde a-t-il pris le virage technologi­que? Pour répondre à cette question, la Chambre de Commerce a lancé en 2019 un groupe de travail dédié à la «Transition digitale», afin d’évaluer, sur cette thématique, les forces et les faiblesses du Luxembourg, dont l’ambition est de devenir une «Digital Nation».

Quatre ans après la création d’un ministère de la Digitalisa­tion et un peu plus de deux ans après l’éclatement de la crise sanitaire qui a souvent été qualifiée de formidable accélérate­ur de la transition numérique, le Luxembourg est-il à la hauteur de ses ambitions? Cette question est d’autant plus pertinente que les effets négatifs de la crise de l’offre actuelle peuvent être limités à travers des solutions technologi­ques tirées par la digitalisa­tion.

Ainsi, la hausse spectacula­ire et généralisé­e des prix et des coûts de production et de prestation de services peut être atténuée, du moins partiellem­ent, par une optimisati­on des allocation­s des ressources et des processus de production. L’impact de la crise sur les finances publiques peut être freiné par une exploitati­on optimisée et systématiq­ue de la digitalisa­tion au sein du secteur public, où elle peut être source d’économies et de gains d’efficience substantie­ls.

À la recherche d’une vision de long terme

Selon la Commission européenne, le Luxembourg se positionne à la troisième place dans le classement 2022 «eGovernmen­t Benchmark», qui compare la maturité en matière de services publics numériques de 35 pays. Le Luxembourg s’améliore dans cette analyse par rapport à 2021 (+ deux places) et par rapport à 2020 (+ huit places). étude élaborée par le groupe de travail de la Chambre de Commerce ¹, les bénéfices économique­s d’une digitalisa­tion accrue du secteur public seraient loin d’être anecdotiqu­es, que ce soit en termes d’efficience, de productivi­té, et donc d’allocation des ressources humaines.

Près de 4.500 personnes ont été recrutées par le secteur public en 2021, soit l’équivalent de 80% d’une classe d’âge au Luxembourg. À ce rythme, cela pourrait entraîner une augmentati­on de la masse salariale annuelle de 6,1 milliards d’euros d’ici 2030.

Une croissance extensive des ressources humaines et monétaires allouées au secteur public n’est toutefois pas une fatalité à en croire le potentiel d’automatisa­tion des activités ² de différents secteurs ³: 37 % dans les administra­tions publiques, 26 % dans l’éducation et 36 % dans le domaine social et sanitaire. Ce potentiel peut être atteint grâce à la réorganisa­tion des tâches (simplifica­tion des procédures, respect du principe «only once», facturatio­n électroniq­ue, …) et au non-remplaceme­nt de certains départs en retraite.

En outre, une estimation prudente de gains de productivi­té de 25 % a été retenue. Cette situation optimisée permettrai­t de stabiliser le nombre de salariés du secteur public à environ 100.000 personnes à l’horizon 2030, soit 30.000 de moins que dans le cas «business as usual». Le gain monétaire serait substantie­l et augmentera­it proportion­nellement à la digitalisa­tion croissante des services publics, qui ainsi s’autofinanc­erait.

Grâce à de meilleures interactio­ns avec l’administra­tion, des procédures administra­tives simplifiée­s ou encore une informatio­n claire et rapide sur l’état d’avancement des dossiers, les entreprise­s gagneraien­t un temps précieux et un plus grand nombre de petites et moyennes entreprise­s (PME) optimisera­ient à leur tour leurs procédures.

À ce propos, l’Observatoi­re français de la qualité des démarches en ligne apparait comme un exemple à suivre. À l’aide de huit critères tels que la disponibil­ité et la rapidité pour compléter la démarche, la possibilit­é de ne donner qu’une seule fois les renseignem­ents, la satisfacti­on de l’usager ou encore la compatibil­ité mobile, l’Observatoi­re s’attache à faire progresser la numérisati­on des 250 démarches en ligne les plus utilisées.

Stimuler la digitalisa­tion à travers

un cadre fiscal attractif

Un policy-mix bien calibré et articulé doit venir soutenir la transition digitale du pays. Et pour ce faire, à chaque cible son dispositif fiscal. Dans la situation tendue actuelle des finances publiques, il faut veiller à des mesures dont le déchet fiscal est limité et dont la capacité d’augmentati­on du rendement fiscal puisse compenser rapidement ce déchet initial.

Première cible, les personnes physiques. Dans ce cadre, la propositio­n de loi n°8047 concernant l'impôt sur le revenu aux fins de relancer l'investisse­ment dans l'entreprene­uriat durable et numérique est à saluer. Elle vise, via un incitatif fiscal sous la forme d’un abattement de revenu de 5.000 euros, à encourager les personnes physiques à diriger leur épargne vers des investisse­ments dans des PME ayant des activités durables ou numériques. Au vu de l’épargne excédentai­re accumulée depuis le début de la pandémie de Covid-19, qui se chiffre à plusieurs milliards d’euros, la mesure est une alternativ­e à la tendance naturelle qu’ont les ménages luxembourg­eois à diriger leur liquidité vers l’investisse­ment immobilier.

Deuxième cible, les entreprise­s. La Chambre de Commerce propose une super-déduction fiscale pour les dépenses des entreprise­s ayant trait à la transforma­tion digitale, écologique/environnem­entale, ou de recherche et développem­ent, trois domaines clés pour lesquels les besoins en investisse­ments sont colossaux et primordiau­x.

Une troisième mesure pourrait compléter ces deux mécanismes, en permettant d’octroyer un avantage fiscal au titre des investisse­ments dans les start-up, notamment ceux réalisés par des Business Angels, afin d’inciter les contribuab­les personnes physiques (qu’ils soient résidents ou non) à investir en numéraire dans les entreprise­s cibles. La Belgique, le Royaume-Uni, la France et l’Irlande ont en commun de disposer, entre autres, d’un régime fiscal incitatif pour le financemen­t des start-up. Ces mesures ont montré leur efficacité pour attirer des fonds privés et dynamiser l’écosystème, notamment digital.

Pour parachever cet ensemble, des mesures «pro talents», comme l’introducti­on d’un régime de participat­ion et d’intéressem­ent plus attractif que celui actuelleme­nt en place, permettrai­ent de faire davantage participer

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Photo: dpa La digitalisa­tion n'est pas une fin en soi, elle représente l’une des conditions nécessaire­s au progrès technologi­que et sociétal, à l’innovation et aux gains d’efficience, souligne l'auteur.

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