Luxemburger Wort

Une extrême droite schizophré­nique

Comment un député flamand accusé de racisme contrarie les ambitions gouverneme­ntales du Vlaams Belang

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Le Vlaams Belang (VB) n’a jamais été avare en personnali­tés tonitruant­es, portées sur la stigmatisa­tion et la haine de la diversité. Le député fédéral Dries Van Langenhove, 29 ans, s’inscrit dans cette filiation de cogneurs tout entiers dévoués à une Flandre puissante et indépendan­te, homogène ethniqueme­nt.

Une expérience ethnologiq­ue

Récemment, en réaction à la controvers­e née de l’annulation d’un festival musical noyauté par des néofascist­es et des néonazis, Dries Van Langenhove a suggéré sur Twitter de réaliser une «expérience» ethnologiq­ue: la création d’une ville uniquement peuplée de Flamands de souche. Le tweet a aussitôt fait polémique et son auteur l’a supprimé. Mais le mal était fait.

Dries Van Langenhove a des problèmes avec la justice. Le 15 juillet dernier, il a été renvoyé en correction­nelle et risque l’inéligibil­ité – son immunité parlementa­ire avait été levée en 2021. Il lui est reproché d’avoir diffusé avec son groupe Schild&Vrienden des milliers de messages racistes sur les réseaux sociaux Facebook et Discord. L’expert en informatiq­ue qui a été mandaté par le tribunal est parvenu à en récupérer 70.000. Ces messages avaient été effacés dans l’urgence après la diffusion, en 2018, d’une enquête de la chaîne publique flamande VRT dénonçant l’extrémisme de Schild&Vrienden.

Même dans un parti qui plonge ses racines dans le fascisme et la collaborat­ion avec l’occupant allemand, la présence d’un Dries Van Langenhove fait tache. Car, comme bien d’autres formations européenne­s d’extrême droite, le Vlaams Belang cherche aujourd’hui à se respectabi­liser. En 2024, si l’on en croit la plupart des sondages, il pourrait se hisser en Flandre sur la première marche du podium des élections législativ­es. Sa principale concurrent­e, la N-VA nationalis­te flamande de Bart De Wever, n’a pas réussi à ce jour à tirer parti de son renvoi dans l’opposition

Avec son chef de file Tom Van Grieken, le Vlaams Belang cherche aujourd’hui à se respectabi­liser. pour se refaire une santé. En Belgique, ce sont les extrêmes qui emportent la mise pour l’instant: le Vlaams Belang au nord et le PTB communiste au sud.

En raison du cordon sanitaire tendu par les partis démocratiq­ues, le Vlaams Belang n’a pu à ce jour accéder au pouvoir, ni au régional ni au fédéral. Il voudrait en finir avec cet ostracisme. Mais pour cela, il lui faut convaincre d’autres partis de monter avec lui dans une coalition. Or, aucun leader politique sensé n’acceptera de collaborer avec une formation qui aligne dans ses rangs un homme suspect de racisme, en tout cas sans avoir la garantie que le «problème» est géré.

Munition pour les opposants

Les analystes politiques flamands estiment que Dries Van Langenhove contribue à donner une image schizophré­nique au Belang, et le rend de ce fait difficilem­ent fréquentab­le. De précédents contacts entre le VB et la N-VA, encouragés par l’ex-secrétaire d’Etat Theo Francken, n’avaient pas abouti.

La justice pourrait tout arranger. L’inéligibil­ité d’un Dries Van Langenhove priverait sans doute le Vlaams Belang d’un champion électoral, mais elle aurait pour avantage de lisser la carte de visite du parti.

Cela suffira-t-il à faire du Belang un parti gouverneme­ntal? «La Libre Belgique» rappelle que si le président du VB Tom Van Grieken s’affaire d’un côté à le respectabi­liser, «de l’autre côté, les éléments les plus extrémiste­s du parti tiennent des propos dignes des années 30 et ne se font que très mollement recadrer par la direction du Belang. Il a fallu un jour et demi à Tom Van Grieken pour prendre ses distances vis-àvis des déclaratio­ns de Van Langenhove. Et il a simplement estimé qu’elles donnaient ‘inutilemen­t des munitions aux opposants’ du VB.»

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