Luxemburger Wort

Un certain génie maléfique

Le mystère D.B. Cooper: un détourneme­nt d’avion non élucidé depuis 50 ans fait ravage sur Netflix

- Par Marcel Kieffer

Les ficelles, dont est tissé le tapis de l’histoire criminelle de l’Homme, sont parfois très grosses. Mais il y a aussi des fils souvent très fins qui donnent à l’ensemble par endroits un air de chefd’oeuvre.

Il est vrai que, parlant de criminels, l’échelle des valeurs est à géométrie variable et passe par des graduation­s parfois subtiles et souvent beaucoup plus flagrantes. Ainsi, face aux égorgeurs de sombre mémoire, de brutes vicelardes et de malandrins n’hésitant pas à faire couler le sang de leurs victimes pour remplir leurs poches, se distinguen­t par leur finesse et leur intelligen­ce ces nobles et d’autant plus sympathiqu­es malfrats qui arrivent à leurs fins, certes tout aussi ce remarquabl­e inconnu – dont il est quasiment certain qu’il ne s’appelait pas D.B. Cooper – laisse pantois.

Où est le pirate de l’air?

Il faut avoir le courage, mais surtout l’idée, pour le faire. A bord d’un Boeing 727 de la compagnie Northwest Orient Airlines qu’il avait d’abord, sous la menace d’une mallette remplie d’explosifs, détourné entre Portland et Seattle puis fait redécoller sans passager, mais avec une rançon de 200.000 dollars et quatre parachutes, écrivit son chapitre de gloire bien personnel.

A une hauteur de 10.000 pieds environ au-dessus de l’Etat de Washington le pirate de l’air, enregistré sous le nom de Dan Cooper, enfila un parachute et sauta avec l’argent de l’escalier arrière de l’avion pour disparaîtr­e à tout jamais. Les recherches lancées immédiatem­ent dans la zone d’atterrissa­ge estimée restèrent infructueu­ses. Le mystère était total, la légende de D.B. Cooper était née.

Bien évidemment les autorités ne s’avouèrent pas vaincues si rapidement. L’enquête visa plusieurs suspects mais toutes les pistes menèrent dans le vide. Lorsqu’en 1980 une partie du butin, 5.800 dollars en petites coupures, fut retrouvée dans des sous-bois, cela suscita de nouvelles hypothèses et rumeurs – on envisagea même le décès de D.B. Cooper – mais à nouveau les enquêteurs restèrent bredouille­s.

En juillet 2016, 45 ans après le début de l’enquête, le FBI annonça la fin des recherches. Le triomphe d’un pirate de l’air qui avait réalisé l’exploit de l’unique détourneme­nt d’avion sans être appréhendé, était total.

Mais la légende continuait de prendre de l’envergure, car depuis longtemps la presse s’était fait ses choux gras de l’affaire et de nombreux enquêteurs privés, tout aussi fascinés par l’insaisissa­ble inconnu que par l’appât de la notoriété ou d’un quelconque gain pécuniaire, s’y attelèrent de plus belle.

Parmi ceux-ci un certain Thomas Colbert qui développa une véritable obsession pour le cas D.B. Cooper, au point d’y sacrifier tout, jusqu’à son mariage. Il est en quelque sorte la figure principale de la série Netflix qui, à la fin du compte, se révèle être davantage un documentai­re sur le folklore et la furie enquêtrice engendrés par l’affaire que sur la vérité apparemmen­t si difficile à trouver.

Contrairem­ent aux autorités américaine­s, qui rendirent finalement publics les documents de l’enquête, Colbert ne lâcha jamais prise, convaincu d’avoir trouvé en un certain Robert Rackstraw, toujours vivant et au comporteme­nt, il est vrai, suffisamme­nt intrigant, le véritable D.B. Cooper.

Parmi tant d’autres, c’est cette piste que les auteurs de la série privilégie­nt aussi, trop contents d’échafauder – avec un amusant habillage musical et force clins d’oeil ironiques – une intrigue qui répond parfaiteme­nt au désir du spectateur d’assister à la révélation d’un mystère vieux d’un demi-siècle. Car la fascinatio­n pour un crime parfait et jamais élucidé n’a décidément pas d’âge.

La série documentai­re «D.B. Cooper: où est le pirate de l’air?» est disponible sur Netflix en quatre épisodes.

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