Gérer le coût de l'énergie à la mode covid
Alexander De Croo tente de rassembler pour trouver une solution à la déglingue du pouvoir d'achat
L'automne social sera rude en Belgique. Inflation, baisse du pouvoir d'achat, risque de récession… Les syndicats n'entendent pas rester bras ballants face aux à-coups de l'économie et préviennent qu'ils n'attendront pas les conclusions de la concertation sociale pour passer à l'action. Une première mobilisation aura lieu le 21 septembre. Une grève nationale sera organisée en novembre.
Si la revendication principale des syndicats n'a pas changé, elle trouve un écho évident au moment où le porte-monnaie des ménages se ratatine. Ils demandent la révision de la loi de 1996 qui permettait par le passé aux partenaires sociaux de négocier des augmentations de salaires dans les secteurs où des marges étaient dégagées. Mais le gouvernement Michel l'avait corsetée en 2017.
«Ce n'est pas juste de bloquer l'évolution des salaires quand on voit l'augmentation des prix de l'énergie et des frais de déplacement», s'insurge Marie-Hélène Ska, la secrétaire générale du syndicat chrétien CSC. Thierry Bodson, son homologue de la FGTB socialiste, demande de prendre en compte «la productivité supérieure des travailleurs belges».
L' inflation flirte avec les 10 %
Ces propos ont l'art d'énerver le bord patronal pour lequel la compétitivité des entreprises du pays est déjà suffisamment grevée par la répétition des indexations salariales, mécanisme qui lie les émoluments des travailleurs à l'augmentation du coût de la vie. Il y va de leur crédit à l'international, expliquent les représentants des patrons, et plus prosaïquement de leur survie. Les syndicats rétorquent en brandissant la menace qui pèse sur le pouvoir d'achat. L'inflation flirte avec les 10 %. La Banque nationale craint que la crise ne creuse davantage l'écart entre revenus faibles et moyens. Cependant, ce ne sont plus seulement les milieux précaires qui encaissent les soubresauts de la crise. Celle-ci mine désormais la classe moyenne dite «inférieure», ces salariés qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts.
Pour l'instant, c'est le règne de la débrouille. La presse française relève l'augmentation du nombre de Belges qui vont faire leurs courses en France, attirés par des produits traditionnellement moins chers (eau, fromages, etc.), mais aussi moins impactés par l'inflation.
«Never change a winning team». C'est un peu la réponse que le Premier
ministre Alexander De Croo entend apporter aux angoisses du moment. Avant les vacances, sa coalition Vivaldi n'avait pu s'accorder sur de nouvelles mesures de soutien au pouvoir d'achat. Aujourd'hui, le libéral relance une formule qui a fait (plus ou moins) ses preuves durant la crise sanitaire: le comité de concertation ou codeco. L'objectif est d'amener tous les niveaux de pouvoir – fédéral, mais aussi régions et communautés – à se relever les manches pour trouver des solutions.
Cette perspective n'enchante guère. Des voix s'élèvent pour objecter qu'on ne peut demander à des entités qui ont déjà leurs comptes largement dans le rouge – comme la Wallonie et la fédération Wallonie-Bruxelles – de participer une fois encore à l'effort. Une première réunion est fixée ce mercredi. Ce codeco aura un point central à l'agenda : les prix de l'énergie. Mais il est déjà dit que l'Etat ne pourra compenser à 100 % la hausse imputée aux citoyens et aux entreprises. La facture de gaz inquiète particulièrement. Certains calculs fixent la note à plus de 500 euros mensuels par ménage. Et plus de 200 euros par mois pour l'électricité. Ou 8.000 à 9.000 euros par an, soit la moitié d'une retraite moyenne – toujours sur base annuelle… D'où l'idée caressée par les libéraux de reporter une fois encore la fermeture des vieilles centrales nucléaires, au dam des écologistes mais aussi de l'exploitant Engie. Les débats s'annoncent houleux.
Investir dans des solutions
Alexander De Croo n'a toutefois pas l'intention d'en rester là. Il se tourne vers l'Europe pour plaider en faveur de la taxation «des énormes profits exceptionnels» réalisés actuellement par les entreprises et acteurs du secteur énergétique. «Nous demandons instamment à nos partenaires européens de travailler ensemble à faire baisser le prix du gaz et à établir un cadre européen qui rassemble nos pays dans la lutte pour récupérer les surprofits exceptionnels générés», lance-t-il. Il précise: «Pas pour rendre nos gouvernements plus riches, mais pour donner aux familles et entreprises l'opportunité d'investir dans des solutions, dans des technologies neutres d'un point de vue climatique.»
Moins d'argent pour les champions des énergies fossiles, plus de bénéfices pour le climat et le citoyen: la boucle serait ainsi bouclée.