Luxemburger Wort

La mort d’une villageois­e

En mémoire de Madame Micheline Jacobs de Drauffelt

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Au matin, à midi et au soir les cloches de Drauffelt, d’un ton chaleureux, partagent la journée en fractions et annoncent la venue de la nuit. Le samedi 27 août 2022, pardelà les abat-sons, une cloche funèbre versa sur le village dans la vallée de la Clerve sa note lugubre de parole perdue. A la question: c’est qui? – il y avait la réponse: Micheline Jacobs, trop jeune, nous a quittés après une longue maladie qu’elle a supportée avec courage et grandeur.

Elle était la fille cadette de Félix Jacobs et Maisy Fautsch, qui habitaient une maison située au centre du village entre l’église et l’école. C’était en été 1962 qu’on s’était vu la première fois sur la grande cour de l’école. A cette époque les parties de cachette avec tous les enfants du quartier dominaient nos journées. En tant que nouveau arrivé dans le quartier, il me fallait un certain temps pour trouver les meilleurs endroits où se cacher. En hiver nous descendion­s la route non salée du village avec nos traîneaux et les différents camps du village se jetaient des boules de neige. Heureuseme­nt à cette époque-là, on avait encore assez de neige. Lors de ma première rentrée des classes en 1964, elle était déjà en deuxième année. Elle partageait le banc de classe avec sa copine Doris du bas du village, une paire inséparabl­e. Elle avait une belle écriture, mais elle trouvait des problèmes à comprendre que les après-midi du mercredi étaient réservés aux filles pour l’initiation à la couture et au tricotage, tandis que les garçons s’adonnaient à la peinture et aux jeux de balles. C’était la bonne Soeur Dominica qui venait du couvent d’Enscherang­e dans sa VW Coccinelle pour donner ces cours d’initiation. Et quand même Micheline en a pris goût et plaisir parce que plus tard, elle a relayé sa mère et la Sophie Schickes pour ces cours.

Déjà le père Félix était un vrai animateur au village et je me rappelle que vers la fin des années soixante, c’était sur son initiative que le village avait droit à un sapin de noël illuminé sur la place de l’école. La mère Maisy était toujours discrèteme­nt à distance pour surveiller les petits évènements villageois.

En décembre 1975, Micheline s’est mariée avec Paul Seil du même Drauffelt et ils ont pris foyer au village de leurs origines. Peu après elle a dû se rendre à Paris pour une opération du coeur. Elle s’est remise assez vite de cette interventi­on compliquée et après la mort de sa mère Maisy, le couple qui est resté sans enfants, s’est installé pour de bon dans sa maison natale «A Bâkes» au «Schoulbier­rig». Tout devint rouge, non pas par accident, mais par le fait que Paul était persuadé que les bolides de l’écurie Ferrari étaient les meilleures voitures au monde et que les Jacky Ickx, Clay Reggazoni, Mario Andretti, Nicky Lauda, Michael Schumacher et les autres étaient de loin les meilleurs pilotes de la F1. Lui qui était un vrai passionné de ce sport automobile et qui connaissai­t les vraies raisons de cette domination, hissait le drapeau rouge de Ferrari après chaque victoire, et elles étaient nombreuses à cette époque.

Micheline avait un don, une main dorée pour rassembler les gens. Que ce soit au jeu de quilles du Café Bourg à Weicherdan­ge ou autour d’une table pour un jeu de cartes, elle se faisait organisatr­ice infatigabl­e. Aux frais de certains spécialist­es du jeu, elle savait faire son jeu et elle savourait chaque radiation d’un trait pour son équipe.

Pas de soirée dansante lors de la Kermesse, pas de fête champêtre, ni de grand feu, sans que Micheline était présente, toujours soucieuse du bien-être des autres. C’était elle qui s’occupait de la gérance de l’ancienne école, devenue une sorte de centre de rencontre au village. L’organisati­on et le déroulemen­t d’une grande loterie à la fin de l’année était un de ses derniers projets. A chaque fois le bénéfice de cette manifestat­ion était destiné à des gens appauvris, vivant au bord de notre société.

Elle s’était engagée à fond pour le bien être des pensionnai­res de la maison de retraite «Résidence des Ardennes» à Clervaux, là où elle a été engagée depuis des années. Tous les dimanches elle a préparé des gaufres pour réjouir les vieux gens qui en avaient pris l’habitude. Micheline a été un repère précieux dans le déroulemen­t journalier de ces gens.

Elle avait succédé à la Bertha Hahn pour l’entretien et la garde de notre église. Une charge qu’elle a accomplie avec savoir-faire et respect.

Malheureus­ement cette femme au grand coeur n’était pas dotée d’une santé solide. Un phénomène qu’on retrouve dans toute la famille Jacobs-Fautsch. Le père Félix est décédé à l’âge de 55 ans, la mère Maisy est décédée à l’âge de 52 ans, le frère Camille est décédé à l’âge de 27 ans et son cher mari Paul est décédé, il n’y a même pas deux ans, à l’âge de 70 ans. Maintenant à presque 65 ans elle nous a quittés et avec elle, une famille du village s’éteint pour de bon. Toutes ses actions resteront à toujours gravées dans le bilan historique du village de Drauffelt. Il y avait grand-monde sur le parvis de l’église lors des funéraille­s, lorsque Micheline a quitté ceux qu’elle connaissai­t pour rejoindre ceux qu’elle a connus. Parmi eux, ses trois voisines du quartier, la Marguerite Schutter-Moris, la Lucie Kinnen-Putz et la Bertha Hahn.

Merci Micheline pour tout et au revoir à Dieu.

Nico Hamen, Drauffelt

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